La défaite des idoles
316 pages
Français

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Description

Octobre 2011 : Kadhafi est tué, la Libye est en feu, François Hollande devient candidat des socialistes. L’UMP et le PS entrent dans la phase finale d’une guerre qui les mènera jusqu’à l’élection présidentielle.Ancienne gloire des Stups de Paris, le policier déchu Christian Kertesz est recruté par des truands corses pour relancer un trafic de cocaïne. En parallèle, il espionne pour une société de renseignement privée le haut responsable d’une multinationale du BTP afin de l’écarter d’un marché juteux en Libye.Alors que Squarcini, Péchenard, Neyret et d’autres grands flics sont inquiétés par des affaires qui mettent à mal l’image de la police, la capitaine Laurence Verhaeghen de la Brigade Criminelle de Paris, proche des sarkozystes, est plus que jamais déterminée à freiner la montée en puissance des troupes de Hollande. La découverte d’un cadavre va rapidement la mettre sur la piste de son ancien collègue Kertesz et de quelques fantômes de la PJ qu’elle s’est jurée de détruire.Pris en étau entre une cellule de la DCRI qui cherche à sauver la peau des sarkozystes et d’anciens barons de la Mitterrandie qui œuvrent pour le retour de la gauche au pouvoir, Kertesz et Verhaeghen vont se livrer un duel à mort au cœur de la corruption moderne.Benjamin Dierstein est agent et directeur artistique d’un label spécialisé dans les musiques électroniques, basé à Rennes. Après un début remarqué avec La Sirène qui fume, il signe ici un deuxième opus qui confirme son entrée sur la scène du roman noir francophone.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 février 2020
Nombre de lectures 1
EAN13 9782380940398
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

1
Jeudi 20 octobre 2011
 
Le soleil se lève sur Syrte.
Un homme attend, debout sur un toit.
Treillis militaire. Torse nu. Cheveux rasés.
Un tatouage de cobra tout le long du dos.
Jusqu’à son cou, où vient se loger la tête du serpent.
Il fait face au district 2, où sont cachés les derniers dignitaires du régime : Moatassem Kadhafi, le général Mansour Dhao, le ministre de la Défense Abou Bakr Younès Jaber, et surtout le Guide lui-même.
Les tirs se sont calmés depuis quelques heures. L’artillerie rebelle a arrêté de pilonner le quartier. Le jour se lève dans un silence déconcertant.
L’homme au tatouage fouille du regard. Il guette parmi les bâtiments détruits. Parmi les décombres. Parmi les immeubles ravagés par les tirs. Il cherche. Il sait que c’est pour bientôt.
Il reçoit l’info sur son téléphone satellitaire Thuraya un peu après huit heures. Une colonne de 4x4 est en mouvement. Enfin. Ça devait être pour cette nuit. Ils sont en retard.
Les derniers dignitaires du régime sont coincés dans le district 2 depuis des semaines. Ils changent de planque tous les quatre jours. Ils errent en plein milieu du chaos, sous les tirs de mortier et les missiles Grad. Plusieurs d’entre eux sont blessés. Ils n’ont plus de médicaments. Plus d’eau. Plus de nourriture. Plus d’électricité. Plus de moyen de communication avec l’extérieur. Sauf un de leurs gardes du corps, qui échange avec l’homme au tatouage de cobra. Qui lui donne les informations au compte-gouttes. Qui lui explique que Kadhafi est encore plus illuminé que d’habitude. Le Guide passe ses journées à lire le Coran et à prier. Il ne comprend rien à ce qui se passe. C’est la fin, tout le monde le sait. Mais son fils Moatassem y croit encore. Il a ordonné hier une évacuation de nuit. Le convoi de la dernière chance. Les voitures devaient partir initialement à quatre heures du matin. Deux cent cinquante hommes en tout, la dernière garde rapprochée du Guide.
L’homme au tatouage de Cobra enfile un gilet pare-balles et un casque. Il prend son fusil d’assaut, et descend les escaliers de l’immeuble sur lequel il est perché depuis plus de six heures. Il rejoint deux hommes en bas qui gardent le pick-up. Des miliciens de la brigade de Gharian, une ville peuplée de Berbères au sud de Tripoli. Armés de kalachnikovs et de lance-roquettes RPG-7.
Le pick-up démarre et s’enfonce dans les rues accidentées de Syrte. L’homme au tatouage de cobra reçoit des communications sur son Thuraya. DGSE, Forces spéciales, CIA. Qui s’envoient des messages par dizaines, en permanence  : Colonne de VIP au sud de Syrte. Soixante-dix véhicules environ. Roulent vers l’ouest en direction de Qasr Abou Hadi. Potentiellement Kadhafi parmi eux.
L’homme regarde le ciel avec ses jumelles. Déjà bleu de part en part, sans un seul nuage à l’horizon. Il scrute. Il trouve. Un drone Predator, à quelques kilomètres vers le sud. Il indique la direction au chauffeur. Le pick-up accélère.
Depuis ses jumelles, l’homme voit un missile traverser le ciel. Tiré par le drone Predator sur une cible, quelques centaines de mètres plus bas.
Déflagration. Nuage de fumée noire, qui s’élève dans l’azur.
Le chauffeur du pick-up met la gomme. Ils passent devant d’autres véhicules rebelles. L’agitation monte dans les rues. Les combattants sont là. Ils ont entendu le tir des Américains.
En quelques minutes, ils sont sur place.
La dernière garde rapprochée de Kadhafi est face à eux. Une colonne de 4x4 lourdement armés. Équipés de mitrailleuses et de canons antiaériens. Trois d’entre eux ont été pulvérisés en tête de convoi. Une moitié fuit dans un sens, l’autre moitié part de l’autre côté.
L’homme au tatouage de cobra montre un groupe de véhicules au chauffeur du pick-up. Grâce aux messages qu’il reçoit, il sait que Kadhafi se cache dans un Toyota Land Cruiser en queue de caravane.
La colonne en question coupe à travers des terrains vagues pour rejoindre la route principale. Le pick-up de l’homme au tatouage la suit de loin. D’autres véhicules rebelles ont emboîté le pas. Ils ont à peine le temps de faire trois kilomètres que la colonne est à nouveau stoppée. Face à eux, des dizaines d’insurgés. L’homme au tatouage attrape ses jumelles, monte sur le toit du pick-up et observe l’horizon. Il reconnaît les hommes de la brigade du Tigre, une milice de Misrata particulièrement entraînée. Particulièrement efficace au combat.
Les gardes de Kadhafi sortent des véhicules pour se défendre.
Échange de tirs.
L’homme au tatouage attend. Il sait que Kadhafi est dans un des véhicules pris au piège. Les échauffourées entre les deux camps durent de longues minutes.
Jusqu’à ce qu’un bruit assourdissant déchire le ciel.
L’homme au tatouage relève la tête.
Tous les hommes engagés dans la bataille arrêtent de tirer. Une seconde d’accalmie avant la tempête. Ils lèvent les yeux. Un homme crie. Allahu akbar ! Le bruit en question est celui d’un Mirage 2000D. Un avion français.
L’homme au tatouage de cobra le voit larguer deux paquets. À vue d’œil, des bombes de deux cents kilos, minimum. À quelques centaines de mètres de lui. Il court se cacher sous le pick-up avec ses deux hommes.
Il a tout juste le temps de se protéger la tête de ses deux mains.
Détonation.
Bruit étourdissant. L’impact fait chanceler le sol. Compresse les poumons. Brûle la peau.
Milliers de fragments qui déchirent les airs et les corps.
Hurlements.
Explosions en série de plusieurs voitures de la colonne, équipées d’essence et de munitions.
L’homme au tatouage attend quelques minutes avant de se relever.
Il s’assure qu’il n’y a plus de danger. Puis attrape son fusil d’assaut et court vers la colonne de véhicules.
Toutes les voitures ou presque sont en feu. Des cadavres partout au sol. Certains entièrement carbonisés. D’autres mutilés par les shrapnels.
L’homme au tatouage fouille les voitures. Pas de survivants. Pas de Kadhafi.
Bruits de tirs qui reprennent, sur sa gauche. Il lève la tête. Des rebelles qui pilonnent un immeuble voisin, au mortier et à la mitrailleuse. Certains insurgés sont en sang. Certains hurlent. Ils montrent l’immeuble du doigt. Kadhafi ! Kadhafi !
L’homme accourt et se poste avec eux. Il cherche des yeux le Guide dans le bâtiment en question, puis voit un groupe se détacher dans l’immeuble. Sept hommes qui courent à découvert. Qui rejoignent une canalisation sous la route. L’homme reconnaît le Guide parmi eux. Il fait comme les insurgés à ses côtés : il tire sur le groupe loyaliste. Les gardes de Kadhafi ripostent à la grenade.
L’une d’entre elles explose à quelques mètres de l’homme au tatouage. Sur un rebelle de Misrata.
Hurlements.
Son corps en charpie, à terre. Un bras et une jambe arrachés.
Des hommes avec une civière qui accourent.
L’homme au tatouage se rue vers la canalisation avec une dizaine d’autres hommes.
Nouveaux échanges de tirs.
Une explosion à l’intérieur. Une grenade qu’un garde n’a pas réussi à lancer proprement. Plusieurs rebelles s’enfoncent dans la souricière.
L’homme au tatouage attend à l’extérieur. Les insurgés ressortent quelques secondes plus tard.
Ils tiennent le Guide.
Ils tiennent Kadhafi.
L’idole de toute une génération, en sang. La tête complètement tuméfiée.
Des dizaines d’hommes se ruent sur lui. Lui arrachent des poignées de cheveux. Le frappent avec leurs poings. Avec leurs pieds. Avec les crosses de leurs fusils. Le sodomisent avec une baïonnette. Trimballent son corps comme celui d’un pantin. Kadhafi est toujours vivant. Complètement hagard. La moitié du visage arrachée par la grenade qui a explosé à ses côtés.
Des tirs de joie tout autour. Allahu akbar ! Allahu akbar !
Une foule déchaînée qui s’amasse autour du guide déchu.
Des rebelles qui le déposent sur le capot d’un 4x4.
L’homme au tatouage profite de l’effet de foule pour approcher le dictateur. Il profite du lynchage général pour sortir son arme et la pointer sur la poitrine de Kadhafi.
Le Guide le regarde dans les yeux.
Aucune imploration.
Il a compris.
Il sait que c’est la fin.
L’homme tire.
Deux fois.
L’idole est morte.
Allahu akbar !
I

La victoire a cent pères, mais la défaite est orpheline.

John Fitzgerald Kennedy

2
Mercredi 26 octobre 2011
Le soleil de midi. Le bitume qui reluit.
Les reflets dans les flaques d’eau.
La façade du tribunal correctionnel, illuminée comme si c’était un palais royal.
Tu te sens libre.
Tu es libre.
Trois mois que tu attendais la sentence. Trois mois à te morfondre sans savoir si tu allais partir au gnouf ou si tu avais un futur. Trois mois pendant lesquels les Corses t’ont soutenu comme une vraie famille. Trois mois pendant lesquels leur baveux a mis toutes les chances de ton côté. Trois mois pendant lesquels Gabriel Prigent n’a pas vu le jour. Ton adversaire était confiné dans un hôpital psychiatrique. Il n’a pas supporté le battage médiatique. Il a sombré dans une psychose obsessionnelle. Jugé inapte à témoigner par le procureur.
Jusqu’à aujourd’hui.
Enfin.
Putain, enfin.
Tu allumes une deuxième cigarette avec la fin de la première.
Tu relèves la tête. Prigent est là, face à toi. L’homme qui a aidé l’IGS 1 à te virer de ton poste de lieutenant de la BRP 2 , d’où tu avais la mainmise sur toute une partie de la prostitution à Paris. Prigent te haïssait pour tout ce que tu représentais au sein de la police. Prigent avait une détestation presque fanatique des pommes pourries comme toi. Mais Prigent n’est plus ce qu’il était.
La dépression est passée par là. Il est minuscule. Désemparé. Cerné par les quatre colonnes gigantesques du tribunal. Cerné par la défaite.
C’était lui ou toi.
La justice a décidé.
Tu as gagné.
Prigent te voit et descend les escaliers. Trois mois que tu ne l’avais pas vu. La dernière fois, il tenait encore à peu près debout. Maintenant, il marche difficilement. Il a le dos voûté. Le teint gris. Il a grossi. Au moins vingt kilos en plus. Il a à peine cinquante ans, mais il e

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