La chair du limier
182 pages
Français

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La chair du limier , livre ebook

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Description

Stéphane Belmont La chair du limier Policier historique Gagnant Prix Éditions Les Nouveaux Auteurs 16, rue d’orchampt 75018 Paris www.lesnouveauxauteurs.com ÉDITIONS PRISMA 13, rue Henri Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex www.prismamedia.com Copyright© 2012 Editions Les Nouveaux Auteurs — Prisma Média Tous droits réservés ISBN : 978-2-819503-08-8 À Garance et Constance, qui me montrent sans cesse le chemin.   À Caroline, sans qui cette aventure n’aurait jamais été possible.   À mes parents, qui ont eu la bonne idée de faire un enfant.   À mes amis, ils se reconnaîtront. Cette histoire est librement inspirée de faits réels. PARIS « Ne cherchons pas hors de nous notre mal, Il est chez nous, il est planté en nos entrailles. » Montaigne – Les Essais 1 Dimanche 22 juillet 1888. En ce début d’aurore glaciale, les allées brumeuses du parc Montsouris ressemblaient à un éden fantôme. Enveloppés d’un épais voile laiteux, bosquets et pelouses, blanchis par le givre, donnaient à cet écrin de verdure un aspect lugubre et polaire. Familier des lieux, Jean ne s’inquiétait plus guère de cette atmosphère spectrale qui émanait sûrement des galeries souterraines des anciennes carrières de Montrouge, devenues catacombes. À bientôt cinquante ans, Jean savait que sa course matinale pouvait lui mettre le cœur en berne. Tôt ou tard, lui aussi finirait par rejoindre le monde souterrain des morts dont il se contentait, pour le moment, de fouler le toit.

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Informations

Publié par
Date de parution 20 novembre 2014
Nombre de lectures 2
EAN13 9782819503088
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Stéphane Belmont
La chair du limier
Policier historique
Gagnant Prix
Éditions Les Nouveaux Auteurs
16, rue d’orchampt 75018 Paris
www.lesnouveauxauteurs.com
ÉDITIONS PRISMA
13, rue Henri Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex
www.prismamedia.com
Copyright© 2012 Editions Les Nouveaux Auteurs — Prisma Média
Tous droits réservés
ISBN : 978-2-819503-08-8
À Garance et Constance, qui me montrent sans cesse le chemin.
 
À Caroline, sans qui cette aventure n’aurait jamais été possible.
 
À mes parents, qui ont eu la bonne idée de faire un enfant.
 
À mes amis, ils se reconnaîtront.
Cette histoire est librement inspirée de faits réels.
PARIS

« Ne cherchons pas hors de nous notre mal, Il est chez nous, il est planté en nos entrailles. »
Montaigne – Les Essais
1

Dimanche 22 juillet 1888.
En ce début d’aurore glaciale, les allées brumeuses du parc Montsouris ressemblaient à un éden fantôme. Enveloppés d’un épais voile laiteux, bosquets et pelouses, blanchis par le givre, donnaient à cet écrin de verdure un aspect lugubre et polaire.
Familier des lieux, Jean ne s’inquiétait plus guère de cette atmosphère spectrale qui émanait sûrement des galeries souterraines des anciennes carrières de Montrouge, devenues catacombes.
À bientôt cinquante ans, Jean savait que sa course matinale pouvait lui mettre le cœur en berne. Tôt ou tard, lui aussi finirait par rejoindre le monde souterrain des morts dont il se contentait, pour le moment, de fouler le toit.
Malgré tout, il s’astreignait à une course à pied, deux fois par semaine. Moyen plus efficace que l’absinthe, d’après le docteur Charles Delasaule, pour lutter contre les premiers rhumatismes de l’âge. Sacré Charles.
Depuis quelques minutes, Jean sentait la douleur lui aiguillonner le flanc droit.
L’air froid commençait à lui brûler la gorge et la souffrance lui irradiait maintenant toute la cage thoracique. Il commençait sérieusement à regretter de s’être laissé convaincre par son ami praticien, qui ne jurait que par les sports nouveaux, surtout quand ils venaient de l’autre côté de la Manche ou de l’Atlantique.
À bout de souffle, le sang aux tempes et les bronches en feu, il décida de stopper sa course au milieu de l’allée principale. L’entrée du parc n’était pourtant plus qu’à quelques enjambées, mais pour lui, elles étaient de trop.
Penché en avant, les mains sur les genoux et le nez sur ses chaussures, le vieux limier tentait, tant bien que mal, d’absorber l’oxygène salutaire, quand une voix affolée lui fit lever la tête. Une silhouette ronde, en uniforme, se dirigeait droit vers lui, d’un pas pressé. Sous la faible lueur des becs de gaz, Jean reconnut la démarche chaloupée de l’agent Picard.
À cette heure matinale de la journée, l’ex-brigadier Picard n’était déjà plus à jeun. Ce gaillard couperosé avait un penchant immodéré pour le Picon bière. Les effets diurétiques du fameux breuvage sur son organisme le conduisaient à des absences brèves, mais répétées, pendant les heures de service. Malgré les blâmes et les avertissements pour abandon de poste, Picard n’avait pas eu la force de renoncer à son vice et avait fini par y perdre ses barrettes. Il restait malgré tout un élément utile pour la brigade.
Nez épais et bacchantes en guidon de vélo, l’agent Picard posa un regard bovin sur son supérieur. Jean vit poindre dans les yeux vitreux de son subalterne comme une lueur d’étonnement. Il est vrai que sa tenue « sportive » avait de quoi surprendre : un vieux tricot sans manches, pour le haut, et un caleçon long, pour le bas, lui donnaient plutôt l’allure d’une danseuse sur le retour que celle d’un coureur de fond.
Avant qu’il n’ouvre la bouche, une grimace furtive traversa le visage rougeaud de Picard.
— Ah ! Patron ! Vous êtes là ! Désolé de vous déranger patron !
— Bonjour Picard !
— Bonjour patron. On a trouvé une fille… égorgée…
Jean soupira en fixant Picard dans les yeux. L’agent se raidit brusquement, tentant de masquer sa lutte contre les effets d’une pesanteur alcoolisée.
— Dans l’ordre Picard, dans l’ordre, s’il vous plaît !
— Oui… rue de l’Essai, bredouilla l’agent, une fille, égorgée… On m’a demandé…
— Qui est sur place ? coupa aussitôt Jean, sans tenir compte des spasmes qui secouaient toujours les traits de son subordonné.
— Le brigadier Dupuis, finit par répondre Picard, il vous attend.
Soucieux, Jean se mit à lisser sa moustache grisonnante.
— Bien. Dites-lui que…
Avant de pouvoir terminer sa phrase, Picard avait déjà quitté l’allée principale en courant, pour la pelouse du parc. Après quelques mètres, l’agent s’arrêta devant un arbre au feuillage massif et ouvrit sa braguette.
Tandis que son collègue confirmait, une fois de plus, sa réputation, l’inspecteur Jean Roche franchit les grilles du parc en allumant un crapulos (1) .

Note
(1) Petit cigare bon marché.
2

La nuit se faisait réticente à céder la place. L’aube pointait à peine derrière l’épais couvercle de nuages qui étouffait le ciel de la capitale.
Costume sombre et redingote usée sur le dos, Jean emprunta la rue de l’Essai, sous une pluie clairsemée. Des effluves de crottin flottaient déjà dans l’air, annonçant l’ouverture imminente du marché aux chevaux, tout proche. À cette heure, la ruelle boueuse était encore paisible. Seul le lointain piétinement des sabots résonnait dans le passage désert. Tandis qu’à chaque pas, une boue collante lui engluait un peu plus les semelles, l’eau glacée, dans un roulement entêtant, continuait de tambouriner sur son feutre détrempé.
La terre avait depuis longtemps recouvert les pavés de ce coupe-gorge inhabité du cinquième arrondissement, rescapé de l’ouragan haussmannien, où les agents de la paix ne patrouillaient jamais bien longtemps. Lieu idéal de perdition, le quartier abritait bon nombre de rades insalubres aux enseignes équivoques : « À l’œil », « L’asticot », « La Cabale », « Brasserie du Caprice »… tout un programme. Ces temples de la noirceur avinée, pratiquant les prix fixes et les filles bon marché, ne commençaient à s’animer qu’en fin de journée, envahis par tout ce que le voisinage comptait de « travailleurs », adeptes de la débauche nocturne. Les hostilités se terminaient toujours avec leurs lots quotidiens de pugilats et leurs quotas mensuels de morts anonymes. Jusque-là, pas de quoi fouetter un chat.
Mais ce matin, Jean savait que ce n’était pas pour ce genre d’affaire qu’on l’avait dérangé. Son instinct lui disait même qu’il n’allait pas tarder à regretter de s’être levé à une heure où la plupart de ses collègues étaient encore, bien au chaud, sous l’édredon.
Inquiet, il commença à se lisser mécaniquement la moustache. Un étrange pressentiment venait de l’envahir, mettant illico son cerveau en branle.
Dans le coin de Mouffetard, les crimes de baladeuses n’avaient rien d’insolite, loin de là, surtout pendant la saison estivale, période plus que propice aux débordements de toutes sortes, avec peut-être une légère inclinaison pour le charnel sanguin. La découverte d’une trépassée dans ce secteur n’avait donc rien d’inhabituel, rien en effet… à un détail près. La rue de l’Essai était située à moins de trois cents mètres de la rue Scipion où une première fille avait été découverte quelques semaines plutôt, égorgée et dépecée. Coïncidence ?
Non, trop facile… même les coïncidences ont leurs limites. Deux prostituées égorgées en l’espace d’un mois, à un pâté de maison l’une de l’autre… hum, vraiment rien de bon là-dessous ! Depuis toutes ces années, Jean avait toujours fait confiance à son nez et ce matin, à son grand dam, il flairait le pire.
L’arrivée du brigadier-chef Dupuis, homme grand et charpenté, engoncé dans un uniforme trop court, le tira brutalement de ses pensées.
— Bonjour patron ! lança le brigadier, dans un salut réglementaire.
Jean se contenta d’une poignée de main franche.
— Qui a découvert le corps ? demanda-t-il sans attendre, alors que le colosse lui broyait aimablement les doigts.
— L’agent Durieux, pendant sa ronde, aux alentours de six heures trente.
— Des témoins ?
— Aucun. J’ai envoyé Bertin s’occuper du voisinage et Ranssac a commencé à ratisser les hôtels du coin.
— Vous avez l’identité de la victime ?
— On n’a rien trouvé sur elle, ni papier, ni argent, ni bijoux. À mon avis, son assassin l’a dépouillée.
— Vous êtes bien sûr de vous, observa sèchement Jean avant de lancer un regard désapprobateur à son subalterne.
Conscient d’avoir commis un impair, Dupuis resta un instant silencieux et invita son supérieur à le suivre vers le fond de la ruelle. Picard sur ses arrières, Jean lui emboîta le pas. Sur sa droite, il distingua une poignée d’hommes en uniforme, agglutinée près d’un mur. La faible lueur du bec de gaz fixé au-dessus de leurs têtes donnait au groupe une allure fantomatique. Sur sa gauche, un agent, lanterne à la main, arpentait les recoins de la ruelle en quête d’indices, tandis qu’un collègue s’efforçait de tenir à distance quelques curieux de passage.
— L’inspecteur Lamier a été prévenu ? s’impatienta Jean, en s’approchant des spectres.
— Il n’est pas à son domicile, répondit Dupuis, un peu gêné. On le cherche.
Jean poussa un soupir contrarié. Une fois de plus, Lamier lui faisait faux bond, mais il avait déjà sa petite idée sur les causes de sa défection. Si, jusqu’à présent, il avait réussi à couvrir son ami aux yeux de la hiérarchie, Jean ne pouvait empêcher ses hommes de parler. Au sein de la brigade, certains esprits à vocation délatrice avaient déjà commencé à gloser sur son compte et cela ne lui plaisait guère.
Ces derniers temps, André Lamier filait un mauvais coton. Jamais là quand on avait besoin de lui. Toujours à lui courir après, sans jamais pouvoir lui mettre la main dessus. Toujours à l’attendre, sans jamais le voir venir. Il n’en fallait pas davantage à la troupe pour que l’invisible inspecteur hérite d’un surnom peu élogieux : « Saint-Ginglin ». Si une telle mise en boîte pouvait paraître inoffensive, Jean savait qu’il n’en était rien. L

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