L Orchestre du Titanic
142 pages
Français

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Description

L’histoire dit que, lors du naufrage du Titanic, l’orchestre, imperturbable, continua de jouer sa partition jusqu’à la fin. C’est cet étrange sentiment qu’éprouve la psychologue Anna Pavesi, détective malgré elle, lorsqu’elle débarque au Village Calypso : alors qu’a été découvert le corps sans vie d’un animateur, la routine du club de vacances tunisien continue comme si de rien n’était. Pour la police locale, cela ne fait aucun doute : il s’agit d’une aventure amoureuse qui aura mal tourné. C’est qu’elles sont légion, les liaisons d’un soir, dans les clubs de vacances. Et certaines laissent même des traces tangibles, surtout à l’heure du Web. Anna, elle, n’est pas convaincue. Il faut dire qu’elle a un certain talent pour dénicher la vérité. Peut-être parce qu’elle sait où la chercher : dans la tête des gens. Alessandro Perissinotto est professeur de sémiologie à l’Université de Turin. Il est notamment l’auteur de L’Année où Rosetta a été tuée, À mon juge, Dernière Nuit blanche et Une petite histoire sordide. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 mai 2013
Nombre de lectures 38
EAN13 9782738176592
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Titre original : L’Orchestra del Titanic © 2008, RCS Libri S.p.A., Milan
Pour la traduction française : © O DILE J ACOB , MAI 2013
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-7659-2
ISSN 1952-2126
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Ce roman est une œuvre de fiction, mais il s’inspire de faits réels qui ont eu pour cadre essentiellement d’autres lieux que ceux cités ici. Les prénoms des personnes concernées ont eux aussi été opportunément modifiés. Celui de la jeune femme que j’appelle ici Halima Baravati figure toujours sur la liste des détenus des prisons tunisiennes, bien qu’il n’existe aucune charge contre elle.
À mon père
Sommaire
Couverture
Titre
Copyright
Dédicace
Jeudi 26 juillet 2007
Vendredi 27 juillet 2007
Samedi 28 juillet 2007
Dimanche 29 juillet 2007
Lundi 30 juillet 2007
Mardi 31 juillet 2007
Mercredi 1er août 2007
Jeudi 2 août 2007
Vendredi 3 août 2007
Samedi 4 août 2007
Dimanche 5 août 2007
Vendredi 30 novembre 2007
Remerciements
Du même auteur
Journal
Personne ne peut me comprendre, personne ne peut m’aider. Dans la rue, je croise des regards terribles. Ils se posent sur moi et me déshabillent, me dépouillent, me lacèrent la peau comme des coups de couteau. Moi qui ai toujours aimé les regards, moi qui toute petite déjà recherchais l’exhibition, je voudrais à présent être invisible, cachée derrière un voile, à l’abri d’une burqa . Je ne suis plus une femme, mais une poupée, vieille et sale, qu’on jettera un jour à la poubelle. À moins que je le fasse moi-même. Je ne supporte plus les regards, le tien surtout, si compréhensif, si amoureux et miséricordieux. Frappe-moi, gifle-moi, crache-moi dessus, chasse-moi, donne-moi une raison de te haïr autant que je me hais moi-même. Je t’ai imploré tant de fois ces jours derniers, je te l’ai demandé avec les yeux, par mes silences. Méprise-moi, montre-moi que tu es à mon niveau, que tu es misérable comme moi. Mais non, tu me fais même des cadeaux. Je te hais, demain j’en finis.
Jeudi 26 juillet 2007

– … et deux portions de fougasse… aux olives.
– Ce sera tout, madame Anna ?
– Je crois que oui… Euh, non, attendez, donnez-moi aussi une polentina .
Les polentine de la boulangerie Tresoldi matérialisaient un souvenir d’enfance. Leur goût sucré et leur jaune intense me ramenaient aux dimanches passés, petite fille, chez mamie Maria, Maria de Bergame, pour la distinguer de l’autre Maria, ma grand-mère paternelle, qui occupait à Turin l’appartement voisin du nôtre. La polentina était un rituel, un éternel refrain, un dimanche sur quatre, mois après mois, année après année ; le déjeuner en famille terminé, mon père allait s’allonger sur la banquette de la cuisine, pour se reposer avant de reprendre le volant, tandis que mamie, maman et moi faisions une petite promenade, toujours la même elle aussi : les remparts, Colle Aperto, puis la descente par la Via Colleoni, jusqu’à chez Tresoldi. Une petite polentina , sinon on attrape des caries, et à manger en deux temps : trois bouchées tout de suite, le reste dans la voiture, durant le trajet du retour, en veillant à ne pas parsemer de miettes le siège de la 124.
– Laquelle voulez-vous ? m’a demandé la vendeuse en ouvrant la vitrine.
Je lui ai indiqué la plus petite, de peur qu’en me retournant je doive affronter le regard sévère de ma mère. Au fond, c’était mieux ainsi : cette vieille habitude à la mesure, à la modération, m’aidait à résister, à présent que, ma vie turinoise étant finie, je passais devant la boulangerie Tresoldi tous les jours, et surtout maintenant que, au problème des caries, s’ajoutait celui de conserver la taille 42.
J’ai pris le chemin de la maison, longeant le mur pour bénéficier de la mince bande d’ombre où la chaleur de 13 heures concédait une petite trêve. Un pas, deux peut-être. Soudain, j’ai entendu qu’on m’appelait :
– Anna… Madame Pavesi…
Je me suis retournée et j’ai aperçu la crémière, sur le seuil de son magasin : de la main, elle m’invitait à entrer.
À l’intérieur, l’air était presque frais, où la lumière arrivait filtrée par les stores verts. Aucun client, à l’exception d’une dame aux cheveux blancs assise sur une vieille chaise en Formica que je n’avais jamais vue là. La crémière est entrée après moi et a refermé la porte derrière elle d’un double tour de clé. Un instant immobile, embarrassée, essuyant ses mains moites dans son tablier, elle a enfin tenté de s’expliquer :
– Excusez-moi de vous avoir arrêtée comme ça, mais il s’agit d’une affaire urgente et assez délicate…
Elle s’est approchée de la dame assise.
– … cette amie, voyez-vous…
La femme m’a tendu la main :
– Melzi Rina.
Je me suis présentée à mon tour, d’un murmure, tandis que la crémière reprenait :
– … cette amie vient d’apprendre quelque chose d’affreux, et peut-être que vous seule pouvez l’aider, vous qui êtes une psychologue, même si maintenant vous êtes plus… comment… une policière ? Enfin, je veux dire… comme dans les séries à la télé, une détective, voilà.
– Je ne suis pas détective, madame Carla. Seulement, par mon métier, il m’arrive d’assister des personnes qui ont subi des chocs dans un contexte criminel ou lié à la drogue ; pour les aider, j’essaie de découvrir comment les faits se sont réellement passés.
Je continuais à raconter aux autres ainsi qu’à moi-même cette belle histoire : j’étais psychologue, non pas enquêtrice ; je m’occupais d’éducation territoriale ; tout au plus, je tentais de comprendre pourquoi certaines choses se produisent, pourquoi untel disparaît, pourquoi tel autre assassine ; mais je ne pourchassais certainement pas les criminels. Je semblais la seule, toutefois, à croire encore à cette belle histoire ; les autres, ceux qui me connaissaient, et même ceux dont je pensais qu’ils ne me connaissaient pas si bien, étaient persuadés que mon unique métier consistait à retrouver des gens qui s’étaient fourrés dans de gros ennuis, là où il se trouvait toujours quelqu’un prêt à vous faire la peau. N’était-ce pas le cas ? En l’affaire de deux ans, depuis que je vivais à Bergame, mon travail de psychologue, de façon inattendue, s’était mêlé à des histoires de mort, d’héroïne, de délinquance ; j’avais même éventé l’autoséquestration du fils d’un industriel, toutes choses que, dans une petite ville tranquille, on ne passait pas sous silence. Désormais, que je le veuille ou non, ma réputation était celle de quelqu’un qui, avec l’énergie du désespoir, savait dénicher la vérité, peut-être parce que je savais où la chercher : dans la tête des gens. Cela faisait-il de moi une détective ? Probablement pas ; aucune licence, aucun revolver, pas d’arts martiaux. Et pourtant, ceux qui s’adressaient à moi ne le faisaient plus par hasard. Comme Mme Carla.
– C’est justement ça, ma chère, a repris la crémière, découvrir comment se sont passées les choses, c’est de ça que mon amie a besoin, mais aussi de quelqu’un qui sache rester auprès de sa fille.
À ce mot, « fille », la dame assise a paru sortir de la léthargie où elle était plongée jusque-là, et j’ai compris que j’étais piégée ; je l’avais été dès l’instant où la porte du magasin s’était refermée à double tour : je ne pouvais plus dire non.
Mme Carla a disparu dans l’arrière-boutique, pour revenir aussitôt avec une seconde chaise en Formica.
– Tenez, ma chère, pour vous aussi ; moi, je vous laisse, comme ça vous pourrez parler tranquillement, moi je vais manger ma popote.
Elle s’est éclipsée dans le réduit qui s’ouvrait derrière le banc des fromages. Les applaudissements en boîte d’un jeu télévisé n’ont pas tardé à retentir.
Je ne pouvais plus reculer. J’ai accepté cette donnée de fait et entamé le rituel :
– Racontez-moi tout, madame Melzi.
Mais elle n’a rien dit. Elle aurait pu, peut-être aurait-elle dû, éclater en sanglots : même pas. Elle restait immobile, les mains croisées sur son giron, posées sur l’étoffe bleu marine de sa jupe. Un instant d’immobilité absolue, hors de toute réalité. Elle et moi, assises l’une en face de l’autre, dans la pénombre, coupées du monde extérieur, le ronronnement du réfrigérateur pour tout accompagnement.
– N’ayez pas peur.
Elle a inspiré profondément et a tiré son mouchoir glissé dans la manche courte de son tricot bleu ciel, pour se moucher. Elle a enfin trouvé la force de lancer :
– Ma fille a fait une bêtise.
Une bêtise. « Bêtise », « espièglerie », « vaurien », au pire « sagouin », des termes vieillis, désuets, ceux de quelqu’un qui, dans sa vie, n’avait jamais pensé devoir un jour aborder un sujet réclamant des appellations plus adéquates, plus fortes, plus vulgaires. Une existence entière passée dans la certitude que certains vilains faits qu’on lit dans les journaux glisseraient toujours autour, sans avoir à être nommés.
– Quel genre de bêtise ? l’ai-je pressée de préciser.
– Elle a… elle a tué un homme.
Deux ans auparavant, j’aurais aussitôt répondu quelque chose du genre : « Et qu’ai-je à voir là-dedans ? Pourquoi n’en parlez-vous pas à la police ? » Ma brève expérience m’a appris qu’il existe plus d’une raison pour qu’on me préfère à la police.
– Comment cela s’est-il passé ?
– Je ne sais pas trop. Hier soir, on m’a téléphoné de l’ambassade d’Italie en Tunisie, et on m’a dit qu’Aurora est à l’hôpital, sous surveillance, car elle a tué quelqu’un

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