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Description

« D’aspect violacé, cette forme n’avait rien de commun avec un matériel quelconque. À bien y regarder, un volume en relief se détachait d’une immense tache brune, similaire à l’aspect du goudron utilisé dans la fabrication du macadam. Mademoiselle Lassiter s’était alors dépêchée d’alerter une autre voisine et leur conclusion avait été unanime depuis la fenêtre du logement : il s’agissait bien d’un corps baignant dans une mare de sang, mais l’horreur ne s’arrêtait pas là. La nouvelle s’était répandue telle une traînée de poudre à travers ce quartier de Port Salomon : le corps d’une jeune femme retrouvé sans vie sur le toit de son domicile avait été totalement dépecé, la tête de la victime, détachée au niveau des cervicales, était restée à proximité de la dépouille et le cœur avait été extrait du thorax béant. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 octobre 2012
Nombre de lectures 2
EAN13 9782748394306
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0071€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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David G.F. Kapell
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
L'Image
 
 
 
Ce texte est inspiré de « Théiapani », extrait de Contes et légendes salaces , du même auteur.
 
 
 
Chapitre I. La faute d’Adélaïde
 
 
 
Par temps de grosse pluie, les rues de Port Salomon sont rapidement inondées. C’était le cas aujourd’hui. Des collines alentour, le flux constant des eaux descendait pour alimenter les flaques ridées par mille impacts ondulant du gris coupable d’un ciel maussade. Quelques rares charrettes circulaient encore, menées par des colporteurs et autres journaliers. Maintenant, le cheval-vapeur des automobiles avait remplacé son concurrent animal et l’on devinait aisément les présences inquiètes au-dedans des habitacles assaillis par le déluge. Les essuie-glaces poussifs dégageaient tant bien que mal un champ suffisant à une bonne vision. Les étroits caniveaux jouxtant les trottoirs réussissaient à peine à évacuer le remous des eaux boueuses chargées des détritus amoncelés par la frénésie populaire.
À moins de tenter le diable en risquant une collision au milieu de la chaussée, la sagesse commandait de se protéger. Et les élégantes de s’égayer en fuite désordonnée, se tenant à l’écart des éclaboussures en circulant prudemment le long des trottoirs abrités par l’enfilade des balcons habités en étage, laissant en rez-de-chaussée bonne place à la prospérité des commerces de tous genres. Drugstores, boutiques de modistes, manufactures et échoppes d’artisans offraient leurs vitrines tant à la gourmandise des belles inspirées et capricieuses, qu’au chaland surpris par l’urgence.
Avec le retour d’un franc soleil, reviendrait le temps des ombrelles et de la déambulation oisive pour certains. Pour l’heure, cirés, bottes de caoutchouc et parapluies étaient accessoires indispensables pour résister au message des cieux. C’est ainsi sous ces latitudes, l’homme devait se plier aux rigueurs du climat ou bien quitter la place.
Plus avant dans le cheminement, le grand marché ouvrant sur tous les cardinaux était habituellement approvisionné de mille trésors olfactifs le disputant aux étals bigarrés composés de la diversité d’un terroir généreux. Tous ces produits de la nature qui ne cessaient de tenter les passants en toutes sociétés confondues.
Et puisque le hasard n’était pas de mise, à Port Salomon comme dans les villes de sa génération, c’était dans ce cœur de ville que la Pacific Mercantile Bank et la Trading and Union Bank rivalisaient depuis les trottoirs qui se faisaient face, dans la captation des deniers et revenus de la population. Choisir une banque ici, c’est une action militante, l’on se réclamait d’une philosophie ou de l’autre, c’était ainsi. La place du bureau de ville habituellement animée était désertée en cet après-midi pluvieux. Le bâtiment de style contemporain érigé au carrefour n’en finissait pas d’en imposer par son architecture massive et avec deux étages supplémentaires coiffés d’une toiture de zinc grisâtre, et ses murs de pierre aussi rugueuse que l’éducation dispensée au-delà du grand portail en fer forgé. Il protégeait mais excluait aussi la Saint Andrew Academy maternait en son sein la future élite gouvernante qui trépignait à l’idée de jouir un jour de l’héritage de ses pères. Ainsi le message était clair, Bannon en périphérie de Port Salomon demeurait le refuge du tout-venant public, un collège ordinaire avec un enseignement ordinaire, prodigué par des maîtres ordinaires à des élèves sans d’autre perspective que subsister tant bien que mal.
 
Bannon, Saint Andrew ? Personne ne choisissait ses origines. Dès le premier vagissement, le sillon était tracé et à chacun de le suivre. Comme par un réflexe atavique, l’occupant avait cru bon de conserver bien en vue, les ors d’une gloire impériale passée que la résidence de monsieur l’ambassadeur dénonçait par la blancheur de ses formes, noyée dans le vert intense des massifs d’une verdure qui semble vouloir étouffer cette présence. À elle seule, la nature ne pouvait gommer l’insolence de ce drapeau qui flottait là depuis des lustres. Des hommes nouveaux étaient venus là, mais l’état d’esprit n’avait pas changé. Des traités avaient été signés pourtant, mais c’était la même politique avec des méthodes plus perverses, en fin de compte. Cette ancienne colonie était sous la gouvernance effective de monsieur l’ambassadeur.
Les guerres avaient eu raison des rébellions anciennes, l’indigène avait fini par accepter son maître. Et même si de vieux canons étaient restés pointés en direction de la baie de Port Salomon, l’ennemi ne viendrait plus par là. En plus d’un effectif militaire affecté principalement à des missions de maintien de l’ordre, Fort Benton abritait aussi dans une de ses ailes une vaillante unité de soldats du feu régulièrement portés au secours des sinistrés. Le maintien de l’ordre avait aussi nécessité que l’autorité militaire aménageât des cachots afin d’isoler les plus virulents parmi les indésirables de la société. Pour ce qui était des autres détenus, ils étaient incarcérés à Browders dans les faubourgs de Port Salomon. Entre pluies diluviennes qui agissaient pour noyer, et le feu qui guettait la moindre maladresse de l’homme, la marche triomphante de la civilisation industrielle ne s’accomplissait pas sans peine à Port Salomon comme partout dans l’île.
En poursuivant dans Victoria Street, l’on parvenait forcément à la zone portuaire proprement dite. C’était par là que transitaient marchandises importées et productions locales diverses qui voyageaient à destination du continent ou bien qui circulaient dans toute la région. Et comme ses homologues de même génération en fonctionnement, les docks de Port Salomon ne manquaient pas de dangers inhérents soit à la sécurité, soit à l’intéressement de réseaux tournés vers l’exploitation de la moindre opportunité rémunératrice. Bagarres et confrontations diverses étaient légion dans les bars alentour, fréquentés par une population rustre autant que courageuse, distraits par une cohorte laborieuse de femmes et filles de joie originaires de multiples horizons.
Mais une visite de Port Salomon n’est pas complète sans un regard humble sur la Royal Justice Court. Une fois franchie la grille d’enceinte hérissée de piques pointées vers le ciel, une cour pavée accueillait le citoyen prévenu, le plaignant ou le visiteur curieux. Chacun pouvait à loisir implorer clémence ou justice avant de pénétrer dans le bâtiment tant une lecture préalable de la devise gravée dans le large fronton promettait équité de droits et dignité à tous. Mais aujourd’hui, une animation particulière règne autour de la Royal Justice Court. La foule de curieux massée sur les trottoirs recouverts ou bien à l’abri de l’averse sous les auvents des devantures, était maintenue à distance par des hommes de troupe en armes dégoulinant du ruissellement de l’averse au même titre que leurs chevaux. De toute façon, personne n’aurait supporté longtemps de stationner dans la cour, exposé à la rage des cieux. En fait la totalité de la salle d’audience avait été très tôt prise d’assaut par une horde de journalistes et de voyeurs désœuvrés.
Cette fin de journée pluvieuse annonçait la clôture d’un procès tenu dans cette enceinte de justice. Un procès qui créait l’animation depuis que les autorités l’avaient annoncé. Pour une fois, les clans s’étaient rapprochés. Dans toute l’île et à Port Salomon notamment, seules les obédiences régissaient la vie sociale et politique. Entre le gigantesque patrimoine foncier négocié par la branche catholique une fois le traité de décolonisation signé et le potentiel économique sans cesse grandissant d’une faction de conviction protestante, la population de l’île assistait quotidiennement à un affrontement fratricide opposant des immigrants de même origine. Mais en cette journée particulière, le drapeau blanc flottait sur la communauté. Chacun savait que la trêve ne durerait pas au-delà de l’issue de ce procès.
 
Un fait est certain, depuis de longs mois, la destinée du prévenu s’était trouvée liée à l’actualité de Port Salomon. À force de rumeurs et de commentaires sur ses méfaits, sa réputation en avait fait une sorte personnage mystérieux inspirant la crainte. Mais l’atrocité avérée de son crime ne suscitait qu’indignation et colère, d’autant plus que c’était un indigène. À lui seul, son crime ravivait les peurs du passé, un temps où les hommes s’affrontaient jusqu’à la mort. Le sang était le prix à payer pour rester libre ou devenir le maître. Mille histoires de ces luttes avaient contribué à la création d’une civilisation voulue par l’envahisseur.
Port Salomon n’existait pas alors, quelques aventuriers avaient construit là, en littoral de cette baie abritée des vents, de modestes cabanes au milieu d’une forêt impénétrable investie jour après jour. Mais peu à peu vint le temps de la force. Inquiets de constater un développement croissant, les indigènes alors résidents des lieux, se virent néanmoins écartés de ce périmètre qui leur assurait jusqu’alors subsistance et protection. Peu à peu l’accès au fleuve nourricier leur fut interdit et la culture des terres au-delà de la forêt leur fut chose ardue autant que nouvelle. Des voix s’élevèrent alors au sein de leur communauté dénonçant, mais trop tard, un envahissement assassin qui les condamnait à renier leurs traditions. Par vagues de rébellions successives, des chefs charismatiques désignés par leurs congénères menèrent de vaines campagnes, toutes tenues en

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