L Homme au chapeau
396 pages
Français

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L'Homme au chapeau , livre ebook

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Description

« Je devais me réveiller, il le fallait à tout prix.
Je fermai ma porte et eus une pensée pour mon chapeau en raison de cette tempête de soleil qui s’annonçait. J’allais rouvrir pour le récupérer quand le jeune flic s’interposa.
" Allez, ça va comme ça, fit-il visiblement excédé, comme s’il m’avait déjà catalogué dans la rubrique des dangereux psychopathes. Son rictus disait que là où j’allais, je n’aurais plus besoin de ce chapeau à la con.
– Où m’emmenez-vous ?
– Pas très loin, chez votre amie."
L’endroit grouillait de monde. Entre les officiels, des types en blouse blanche, des gens du pays. Il était clair qu’on ne tournait pas au bled un Maigret au pays des ploucs. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 août 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332748591
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-74857-7

© Edilivre, 2014
Première partie
La pluie me réveilla. La pluie, et le vent pris au piège dans le feuillage du vieux chêne sous lequel mon mobile home avait été installé. Je dormais là-dedans, sans m’en plaindre toutefois, non loin de la maison des propriétaires, une vraie celle-ci, en parpaings, massive et inébranlable. La pluie tombait drue et le vent brisait quelques brindilles qui chutaient sur mon toit. La grêle se mêla au concert, accompagnée de quelques fracassants coups de tonnerre qui ne manquèrent pas d’inquiéter le chat Mistigri qui aimait à me suivre au pays des songes. Il préférait ma maison en contre plaqué à la villa des gens qui m’employaient depuis plus d’un an dans leur ferme. Son report d’affection sur moi était proportionnel au nombre de coups de pieds que lui infligeait la patronne, de façon aléatoire et injustifiée, en fonction de son humeur. Il n’était plus tout jeune. La vieille non plus d’ailleurs. Elle semblait lui reprocher cette image qu’il lui renvoyait de sa propre déchéance physique. Ce serait trop comique si un jour elle se ratait, si son pied d’appui glissait sur un sol rendu trop glissant par les cirages à répétition et si finalement elle se cassait le col du fémur ou pire, si elle restait à jamais dans un fauteuil roulant, les jambes paralysées de manière à ce que le matou pût en boulotter un petit morceau tous les jours à l’insu de la vieille mégère.
Ils étaient cinq dans la famille. Cinq Thipineau, reconnaissables à leur air porcin, en raison de leurs joues généreuses et surtout de leur appendice nasal. Sans se pencher au point de paraître indiscret, on leur voyait les trous de nez. En étant indiscret et armé d’une lampe torche, à travers le groin, on pourrait peut-être dénicher une explication à ce qui ne tournait pas rond chez certains membres du clan.
Il y avait le père, René, dit Néné, le chef de famille, le chef d’exploitation, cinquante huit ans, quelques ennuis de santé dont on me taisait la gravité. J’étais bien installé dans sa confiance.
Qui dit père, dit mère, Yvette, une grosse bonne femme, la mégère, qui me situait sur son échelle de tolérance entre le vieux Mistigri et le chien Bobby qui puait tellement qu’on pourrait se demander s’il ne se roulait pas dans ses déjections. Elle pouvait penser ce qu’elle voulait de moi. Sa méfiance, je m’en balançais. De toute façon je la voyais si peu souvent, elle vaquait si rarement hors de sa maison qu’elle ne polluait guère mon champ visuel. Quand il fut question de m’embaucher au-delà de la première saison où j’avais activement participé à la moisson et au déchaumage des blés fauchés, elle fut réticente à l’idée de devoir me nourrir et me blanchir. Alors ce fut la débrouille, et en un sens ce n’était que mieux pour moi. Cela m’obligeait à sortir du Domaine de Champ Long. Voir d’autres têtes, serrer d’autres paluches, lorgner de nouveaux joufflus, c’était comme une balade en plein air offert à un grabataire. La défiance de la vieille à mon égard s’atténua toutefois avec le temps. Elle dut finir par comprendre que je n’étais pas un trucideur de grosses vaches adipeuses, ni un voleur, seulement un pauvre type qui n’hésitait pas à bouger pour se trouver un boulot.
Qui dit père et mère, dit rejetons. Le premier d’entre eux s’appelait François, un type d’allure normale, mais limite simple d’esprit, limite handicapé mental. Je ne lui avais jamais trouvé une passion transcendantale pour le métier de céréalier. Pour lui c’était ça où l’usine. Il était l’aîné des garçons, son sort fut scellé à sa naissance et les notions de chômage et d’oisiveté lui étaient étrangères. Son manque de motivation lui valait des montagnes de reproches de la part de son père et des flots de propos consolateurs du côté de sa mère.
Après le François, on trouvait Caroline, dix-neuf ans, pas d’une beauté à tout casser si on se bornait à la tête mais son corps ne laissait pas indifférent. Si j’en croyais ses regards et son comportement affable avec moi, je ne devais pas lui déplaire. Elle préparait un BTS de je ne savais quoi à Bourges dans le but avoué d’échouer dans un bureau à brasser du papier et se faire les ongles à longueur de journée.
Ensuite, il y avait le dernier de la fratrie, la surprise du chef, l’inattendu qu’on avait pas voulu faire passer et qu’il avait bien fallu nourrir et élever, le bien nommé Benjamin, quinze ans, vif, intelligent, curieux, impétueux, mordu par le métier. Il avait déjà quelques préjugés négatifs sur son frère aîné. Surtout, il avait pigé que son frère lui barrerait la route à moins d’accepter sans broncher d’être le grouillot du Domaine de Champ Long pendant les trente années à venir. On s’entendait bien tous les deux. Ce fut lui qui me baptisa l’homme au chapeau. Forcément, tous portaient des casquettes à becs hideuses, aux couleurs agressives et enlaidies du logo d’une marque de matériel agricole. Elles réduisaient le champ visuel tout comme elles semblaient diminuer le QI de ceux qui s’en coiffaient. Moi je n’avais pas l’air tellement plus intelligent avec mon chapeau mais j’avais mon style. On pouvait me reconnaître de loin et même à mon ombre et pour l’instant, le grouillot de service c’était moi, l’homme au chapeau. J’avais l’air d’un camarguais, sans son cheval, égaré loin de ses marécages et de ses moustiques. A la place, j’avais une plaine fertile et des mouches. Pour la vieille, j’avais plutôt l’air d’un voleur de poules, d’un rempailleur de chaise, crasseux au point d’en avoir le teint basané.
Je ne la prenais pas en considération dans la famille Thipineau mais il y avait aussi Marie, l’aînée des enfants, vingt-neuf ans, mariée et vivant à vingt bornes de la ferme familiale avec un type que je voyais rarement sauf certains dimanches pour les repas de famille qui ne me concernaient aucunement. Marie était le clone sinistre de sa mère. Après elle, Yvette – il fallait bien qu’elle eût un prénom la vieille – s’était essayée à l’originalité. Ainsi naquit François, un brouillon d’excentricité cependant, ensuite le résultat ne put que s’améliorer avec Caroline, il s’était notoirement perfectionné avec Benjamin. Marie aussi détestait l’homme au chapeau noir et c’était avec un certain dégoût qu’elle me tendait sa main quand il était impossible pour elle de faire autrement. Il fallait croire que je lui faisais peur. Je me demandais bien pourquoi ? Il ne me viendrait jamais à l’idée de l’entreprendre d’une quelconque façon.
Alors pourquoi ?
Parce que je n’avais pas une existence comme tout le monde ? Que j’étais un genre de nomade, un minable insociable ? J’allais où le ventre et la tête me menait sans aucune ambition majeure. Si le boulot ne me déplaisait pas et si la rémunération était correcte, je me posais et je faisais de mon mieux. Toujours. Pour l’histoire, après sept années d’usine, à m’abrutir sur des machines, j’avais ressenti le besoin de respirer de l’air pur. J’avais commencé par bosser pour un maraîcher du Vaucluse, mais pas longtemps à cause de sa radinerie. J’avais conduit des engins hauts comme des maisons de deux étages sur des chantiers d’autoroutes. J’avais déjà travaillé pour un plouc de la Limagne, un sombre crétin qui ne méritait pas une épouse aussi douce et aussi belle que la sienne. Je ne l’avais jamais entendu, ni vu lui témoigner autres choses que des critiques acerbes. S’il m’avait gardé pour l’année, comme le père Thipineau le fit plus tard, il se serait passé quelque chose. J’aurais fini par me compromettre entre les cuisses de ma patronne. Elle m’appréciait, elle, et savait que je lui aurais ouvert mes bras sans rechigner. Il l’aurait tuée pour ça et aurait essayé d’en faire autant avec moi. Dans ces conditions, j’avais préféré partir car mes sentiments étaient en train de prendre le dessus. Cependant, tout ne fut pas négatif chez ce type car c’était dans sa ferme que j’avais chopé le virus du moissonneur fou. Rien ne me plaisait autant que de raser des immensités d’épis de blé qui parfois, au gré du vent, faisaient penser à des étendues liquides dont la surface se brouillait de vaguelettes.
Aussi, côté immensité, j’étais servi comme un prince avec les parcelles des Thipineau. Ils en avaient grand à travailler. Il y aurait encore mieux plus au nord, des fermes plus vastes qui occupaient à temps plein une dizaine de gonzes mais je ne voyais plus l’intérêt de ce métier s’il combinait, aux difficultés de celui d’agriculteur, les désagréments du monde ouvrier. L’exploitation des Thipineau me convenait par sa taille et la qualité de son parcellaire puisqu’elle occupait 2,5 hommes (0,5 pour le père qui devait se ménager, 0,5 pour le fils en manque flagrant de motivation et 1,5 pour l’homme au chapeau qui était vainement en quête de reconnaissance unanime). Ils ne pourraient jamais me reprocher de ne pas faire des heures. Quand je rentrais le tracteur le soir, le vieux René s’arrachait à sa télé et venait aux nouvelles sans oublier de me remercier, parfois de me gratifier d’une bouteille de vin de table pour agrémenter mon repas. Les autres demeuraient devant leur poste, absorbés par une fiction débile. Parfois, le plus jeune préférait s’isoler dans sa chambre pour écouter sur sa platine disque des trucs qui déménageaient comme Kiss, Van Halen, Trust ou Foreigner, et sans avoir peur de régler le volume très fort.
Moi j’allais saluer le vieux, je rendais compte, lui racontais que là, à cent mètres de la Fontaine Rouge, j’avais levé un lièvre ou, qu’au coin du champ à l’ormeau, j’avais surpris deux chevreuils à la robe rousse, ou encore qu’un enfoiré avait jeté un sac poubelle au bord du champ. Ensuite, je tapa

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