L étoile du diable (L inspecteur Harry Hole)
231 pages
Français

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L'étoile du diable (L'inspecteur Harry Hole) , livre ebook

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231 pages
Français

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Description

L'index gauche de Camilla Loen avait été sectionné. Et sous une paupière, on avait trouvé un diamant rouge en forme d'étoile à cinq branches. Ce crime n'est que le premier d'une étrange série débutée lors d'un été caniculaire sur Oslo. La presse à sensation peut annoncer en une et sans mentir que Le voisin a goûté le sang de la morte. Intuitif, acharné, rongé par le désespoir et confronté à des éléments corrompus de ses propres services, Harry Hole s'empare de l'enquête. Le modus operandi est toujours le même : l'ablation de l'un des doigts des victimes et la présence à proximité des corps mutilés d'un diamant en forme de pentagramme, symbole occulte plus connu sous le nom d'"étoile du diable". La police doit se rendre à l'évidence : un serial killer opère dans les rues de la capitale norvégienne et, si le signe est celui du démon, le diable est rarement celui auquel on pense…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 novembre 2012
Nombre de lectures 50
EAN13 9782072451256
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jo Nesbø

L’étoile du diable

Une enquête
de l’inspecteur Harry Hole

Traduit du norvégien
par Alex Fouillet

Gallimard
 
Né en 1960, d’abord journaliste économique, musicien, auteurinterprète et leader de l’un des groupes pop les plus célèbres deNorvège, Jo Nesbø a été propulsé sur la scène littéraire en 1997avec la sortie de L’homme chauve-souris , récompensé en 1998par le Glass Key Prize attribué au meilleur roman policier nordique de l’année. Il a depuis confirmé son talent en poursuivant lesenquêtes de Harry Hole, personnage sensible, parfois cynique,profondément blessé, toujours entier et incapable de plier. On luidoit notamment Rouge-Gorge , Rue Sans-Souci ou Les cafards initialement publiés par Gaïa Éditions, mais aussi Le sauveur , Lebonhomme de neige , Chasseurs de têtes et Le léopard disponibles au catalogue de la Série Noire.
 

PREMIÈRE PARTIE
 

Chapitre 1
 
Vendredi. Œuf
 
L’immeuble avait été construit en 1898 sur un terrain argileux qui s’était insensiblement affaissé versl’ouest, de sorte que l’eau passa le seuil du côté oùla porte était gondée, plus à l’ouest. Elle coula sur lesol de la chambre à coucher en tirant un trait mouillésur le parquet de chêne, toujours vers l’ouest. Le fluxs’arrêta un instant dans un renfoncement du parquetavant que davantage d’eau n’arrive de derrière, avantde filer comme un rat inquiet jusqu’au mur. L’eaus’étala alors dans les deux sens, cherchant et reniflantpresque sous la plinthe jusqu’à trouver un intersticeentre le bout des lattes et le mur. Dans cet intersticese trouvait une pièce de cinq couronnes frappéedu profil de saint Olaf et marquée de l’année 1987,un an avant que la pièce ne tombe de la poche dumenuisier. Mais c’était alors une période de vachesgrasses, il y avait beaucoup d’appartements sous lestoits à remettre rapidement en état, et le menuisier nes’était pas donné la peine d’essayer de la retrouver.
L’eau ne mit pas longtemps à trouver un chemin àtravers le sol sous le parquet. Hormis lors d’une fuiteen 1968, l’année où l’immeuble avait reçu un nouveau toit, les lames de parquet avaient séché et s’étaientrétractées de façon ininterrompue depuis 1898, desorte que la fente entre les deux grandes planches desapin du bout mesurait pratiquement un demi-centimètre. En dessous, l’eau rencontra l’une des poutres,et fut emmenée un peu plus loin vers l’ouest, versl’intérieur du mur. Elle y fut absorbée dans l’enduit etle mortier que le maître maçon Jacob Andersen, pèrede cinq enfants, avait préparés plus de cent ans auparavant. Comme tous les autres maçons de l’époque,Andersen fabriquait son enduit et son mortier. Ilappliquait des proportions de chaux, de sable et d’eauqui lui étaient propres, et il avait une spécialité : descrins de cheval et du sang de porc. En effet, JacobAndersen pensait que les crins et le sang se mêlaientpour rendre l’enduit plus résistant. L’idée n’était pasde lui, avait-il avoué à ses collègues incrédules. Sonpère et son grand-père, tous deux écossais, avaientemployé la même recette en utilisant le mouton. Etbien qu’il eût renoncé à son nom écossais et qu’il fûtdevenu maître maçon, il ne voyait aucune raison dene plus mettre à profit une expérience vieille de sixcents ans. Certains de ses collègues trouvaient quec’était immoral, certains le pensaient de mèche avec ledémon, mais la plupart ne faisaient que se moquer delui. C’est peut-être l’un des derniers qui élabora unehistoire qui s’avérerait dès lors bien implantée danscette ville florissante qui s’appelait alors Kristiania.Un cocher de Grünerløkka s’était marié avec sa cousine du Värmland, et ils avaient emménagé ensembledans un studio dans Seilduksgata, dans l’un desimmeubles construits entre autres par Andersen.Le premier enfant du couple avait eu le malheur de venir au monde avec des boucles brunes et des yeuxmarron. Les parents étant tous deux blonds aux yeuxbleus, et le père naturellement jaloux, celui-ci avaitpassé sa bonne femme à tabac tard dans la nuit, avantde la descendre à la cave et de l’y emmurer. Ses crisavaient été efficacement étouffés par les murs épaisdont elle faisait désormais partie intégrante, coincéeentre deux couches d’enduit. Son mari avait peut-êtretablé sur une mort par asphyxie, mais s’il y avait unechose que les maçons savaient faire, c’était assurerune circulation d’air correcte. La pauvre femme avaitfini par se déchaîner sur le mur à coups de dents.Et la technique avait peut-être payé, puisque l’Écossais Andersen se servait de crins et de sang, pensantainsi pouvoir faire l’économie d’une chaux de meilleure qualité, le mur était poreux et cédait à présentsous les coups répétés de fortes dents värmlandaises.Mais sa gloutonnerie lui fit avaler de trop grossesbouchées de mortier et de brique. Elle finit par neplus pouvoir ni mâcher, ni avaler, ni recracher, et lesable, les gravats et des fragments d’argile brûléebouchèrent ses voies respiratoires. Son visage bleuit,son cœur battit de plus en plus lentement, et ellecessa de respirer.
Elle était ce que la plupart des gens qualifieraientde décédée.
Mais le mythe prétendait que le goût de sang deporc avait fait croire à cette malheureuse bonnefemme qu’elle était encore en vie. Elle avait parconséquent glissé librement des cordes qui la retenaient, hors du mur, et était repartie. Certaines personnes âgées de Grünerløkka se souviennent encorede cette histoire entendue dans leur enfance, celle de cette femme à tête de porc qui va et vient arméed’un couteau pour décapiter les petits enfants quirestent tard dehors, parce qu’il lui faut avoir le goûtde sang en bouche pour ne pas disparaître totalement. Peu de gens en revanche connaissaient le nomdu maçon, et Andersen avait imperturbablementcontinué à fabriquer son mélange spécial. Quand ilétait tombé d’un échafaudage, trois ans après avoirœuvré sur l’immeuble dans lequel l’eau coulait pourl’heure, en abandonnant derrière lui deux centscouronnes et une guitare, il restait encore presquecent ans avant que les maçons ne commencent àutiliser pour leurs mélanges de mortier des fibressynthétiques semblables à des cheveux, et qu’on nedécouvre dans un laboratoire milanais que les mursde Jéricho avaient été renforcés par du sang et descrins de chameau.
La majeure partie de l’eau ne coula néanmoins pasvers l’intérieur du mur, mais vers le bas. Car l’eau, lapoltronnerie et le désir cherchent toujours le niveaule plus bas. Les premiers centilitres furent absorbéspar l’argile grumeleuse et poudreuse qui occupaitl’espace entre les poutres de ce plafond à hourdis,mais il en arriva encore et l’argile fut imbibée, l’eaupassa au travers et détrempa un Aftenposten datédu 11 juillet 1898, qui relatait que la conjoncturehautement favorable que connaissait le secteurdu bâtiment à Kristiania avait vraisemblablementatteint un sommet, et qu’on pouvait espérer que destemps moins cléments attendent les spéculateurs. Enpage trois, on pouvait lire que la police n’avait toujours aucune piste dans l’affaire de la jeune couturière qui avait été retrouvée la semaine précédente criblée de coups de couteau dans sa salle de bains.En mai, une fille tuée et mutilée de la même façonavait été retrouvée près de l’Akerselva, mais la policerefusait de dire s’ils établissaient ou non un lien entreces deux affaires.
L’eau coula du journal, entre les planches en dessous et sur l’intérieur du plafond. Puisque celui-ciavait été perforé durant la fuite de 1968, l’eau ruissela par les trous, forma des gouttes qui restèrent ensuspension jusqu’à ce qu’elles soient suffisammentlourdes pour que la pesanteur l’emporte sur l’adhérence. Elles lâchèrent alors prise et churent de troismètres et huit centimètres. Là, l’eau s’arrêta. Dansde l’eau.
 
Vibeke Knutsen tira énergiquement sur sa cigaretteet souffla la fumée par la fenêtre ouverte du quatrièmeétage. C’était l’après-midi, et de l’air chaud s’élevaitde l’asphalte surchauffé de la cour en emmenant lafumée un peu plus loin le long de la façade bleu ciel,où elle se désagrégeait. De l’autre côté du toit, elleentendait le bruit de quelques voitures qui passaientdans Ullevålsveien, d’ordinaire si fréquentée. Maisc’étaient les grandes vacances, et la ville était pourainsi dire vidée de ses habitants. Une mouche gisaitles six fers en l’air sur l’appui de fenêtre. Elle n’avaitpas eu l’intelligence de fuir la chaleur. Il faisait plusfrais à l’autre bout de l’appartement, qui donnait surUllevålsveien, mais elle n’aimait pas la vue qu’elle enavait. Vår Frelsers Gravlund 1 . Plein de gens célèbres. Célèbres et morts. Au rez-de-chaussée, une boutiquevendait des « monuments », comme il était écrit surl’enseigne, à savoir des pierres tombales. On pouvaitsûrement parler de proximité au marché.
Vibeke appuya son front sur le verre frais.
Elle avait été heureuse que la chaleur arrive, maisla joie avait rapidement disparu. Elle regrettait déjàles nuits plus fraîches et les gens dans les rues. Cejour-là, cinq clients étaient passés à la galerie avantle déjeuner, et trois après. Elle avait fumé un paquetet demi par pur ennui, avait eu si peur et avait eu lagorge si sèche qu’elle avait à peine pu parler quandle chef avait appelé pour lui demander comment leschoses se passaient. Pourtant, à peine fut-elle rentréeet eut-elle mis des pommes de terre à cuire qu’ellesentit de nouveau monter l’envie.
Vibeke avait cessé de fumer quand elle avait rencontré Anders, deux ans auparavant. Il ne le lui avaitpas demandé. Bien au contraire. Lorsqu’ils s’étaientrencontrés à Grande Canarie, il lui avait mêmetapé des clopes. Pour s’amuser, en quelque sorte. Etquand ils avaient emménagé ensemble un mois seulement après leur retour à Oslo, l’une des premièreschoses qu’il avait dites, c’était que leur relation devaitpouvoir supporter un peu de tabagisme passif. Queles représentants de la recherche contre le cancerexagéraient certainement. Et qu’il ne lui faudraitque peu de temps pour s’habituer à l’odeur de tabacdans leurs vêtements. Le lendemain, elle

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