L Eté dernier
282 pages
Français

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Description

« Personne au village ne savait à quel moment et à quelle occasion la rumeur s’était mise à circuler. Très vite, elle avait pris une dangereuse bifurcation pour se muer en malédiction d’un autre âge. Quand elle menaçait de s’éteindre, un fait presque anodin la fortifiait pour attendre le moment propice de se venger. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 octobre 2012
Nombre de lectures 2
EAN13 9782748395235
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'Eté dernier
Christiane Baudin
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
L'Eté dernier
 
 
 
Ce roman est dédié à ma sœur Lucie, ma famille et  mes amis fidèles qui me soutiennent dans les aléas de la vie.
 
 
 
Prologue
 
 
 
Accroché au flanc sud du Mont Gibloux, le village protégeait jalousement ses secrets et ses silences jusqu’aux limites de son périmètre et, au gré des années, le temps passait lentement, peut-être n’avançait-il pas du tout tant les villageois étaient farouchement opposés à toutes formes d’ouvertures. Rien ne se trouvait à leur portée, tout était à mille lieues de la commune : les artères principales et les accès ouvrant sur les grands axes routiers, les commerces… Pourtant, il se distinguait des autres villages par sa situation remarquable ancrée sur un versant ondulé de pentes douces et de collines rondes. Sans doute que les habitants ne connaissaient rien d’autre que les Préalpes fribourgeoises et la chaîne du Jura.
 
Tout à la fois petit par sa superficie et massif par ses maisons, le village devait sa notoriété au refus de ses deux cents habitants d’adhérer au projet de fusion mis en étude par un groupe d’économistes de Fribourg qui, à leur avis, ne connaissaient rien d’autre que les théories en longues palabres et les pots-de-vin échangés avec les hypocrites des autres communes. Non, le village ne pouvait se comparer à une communauté d’amish ou à d’autres sectes, c’était un état d’esprit enraciné dans leurs gènes et lorsqu’une personne étrangère osait le qualifier de bizarre, un silence venait sceller les lèvres de la caste du petit village.
 
Les origines du drame ont commencé par des rumeurs, de celles qui font mal et détruisent à petit feu la stabilité d’un village auxquelles se greffe un enchaînement de circonstances malheureuses. Les villageois de cette période noire ont lâchement contribué à condamner une innocente. Par leur crainte de la justice, ils ont divulgué des calomnies sur des êtres différents par leur hérédité et ont réveillé des actes passés qui ne devaient jamais être dévoilés. Quant à la justice, faute de procéder à l’arrestation du véritable coupable, et surtout pour calmer les esprits échaudés des villageois, elle a procédé à l’inculpation d’une innocente.
 
Aujourd’hui, ces actes obscurs ne sont plus que des évènements oubliés et si lointains que les jeunes générations ignorent tout des intrigues montées de toutes pièces et des scandales bâtis sur des présomptions pour aboutir à l’inconcevable.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Première partie
 
 
 
Chapitre 1 1980
 
 
 
En ce début de mois de juillet, le village écrasé de soleil et de moiteur avait l’air engourdi ; même le temps semblait s’être assoupi, sauf l’inlassable glouglou de la fontaine qui mettait à dure épreuve les nerfs des habitants tant le ton en était monotone. Les enfants, las d’avoir pataugé dans une bassine remplie d’eau, s’étaient endormis sous le tilleul ombragé au centre du village. Leurs mères allongées sur des transats surveillaient leurs rejetons en cillant des yeux, contentes de jouir d’un moment de trêve. Entrecoupés de bâillements sonores, leurs dialogues avaient pour sujet les bienfaits d’une cure amaigrissante et, en grimaçant, elles ingurgitaient les extraits végétaux de plantes que la « Burka », l’innocente du village, leur procurait en ratissant les prés en jachère. Puis, l’une d’entre elles fit, sans l’évoquer carrément, quelques allusions sur la rumeur malveillante qui circulait, mais elle fut aussitôt interrompue par une moue critique de sa voisine.
 
Malgré la chaleur, les hommes dans la force de l’âge s’activaient sur les terres en pleine productivité ; certains fauchaient les herbes hautes des pâturages délaissés par le bétail en transhumance. Les vieux, l’âme solitaire, et au rythme lent de leurs battements de cœur, entassaient les branches des arbres déchiquetées par le dernier orage de grêle. Leurs larges mains aux doigts abîmés et aux bords des ongles crevassés perpétuaient le rituel : scier et élaborer les fagots pour ensuite les disposer contre les murs de leur ferme. L’air de rien, ils lorgnaient, le regard méfiant, l’arrivée de nouvelles ethnies dans les villages voisins et pensaient qu’elles ne tarderaient pas à anémier une souche de Fribourgeois déjà bien amoindrie par le sang des « ritals ». Ceux qui avaient participé à la mobilisation se disaient que les nouveaux lotissements des Communes proches ressemblaient à des cantonnements envahis de camions enfumés, de Jeep poussiéreuses grignotant, mètre par mètre, le recul des terres.
 
Depuis des lustres, jamais un incident ne s’était glissé dans le sacro-saint rituel de chaque samedi : les aînés faisaient grincer leurs articulations en astiquant, en « poutzant » les cours des fermes sur toute leur étendue et, malgré leurs douleurs, ils avaient à cœur de le faire eux-mêmes, car la nouvelle génération voyait les angles arrondis et oubliait trop souvent de déloger la poussière. Oui, tout paraissait presque parfait dans le village, si l’on oubliait le passé omniprésent sous chaque pan de bois, sous chaque surface de mur et, selon les ragots, cet étalage de propreté n’était qu’une façade pour cacher ce qui l’était beaucoup moins à l’intérieur.
 
Toutefois, si l’on était attentif aux caractéristiques des habitations, chacune se différenciait par son architecture, lesquelles avaient toutes un aspect distinct par le matériau utilisé. On aurait dit que chaque foyer prenait garde à ne pas imiter son voisin et, ceci, jusque dans les détails de la réfection d’un bâtiment, peut-être par peur de briser un ordre bien établi. Ce règlement se flairait aussi dans les relations de voisinage, car on évitait à ne pas aller au-delà du sujet comme si une sorte de pacte secret avait été signé pour éviter les propos qui donneraient matière à la discorde. Sa réputation mitigée, voire affolante pour le clergé, allait bien au-delà des frontières du district de la Sarine par la forme fuselée du clocher de la chapelle à l’architecture évoquant le minaret d’une mosquée.
 
Pour la deuxième fois en dix ans, une chose impensable venait s’ajouter au refus de la fusion des communes : les administrés à majorité vieillissante venaient de rejeter en force le nouveau remaniement parcellaire. Dans leurs délibérations lors des assemblées, ils ne voyaient que des bouleversements inutiles et tout ce remue-ménage n’amènerait rien de bon, si ce n’était qu’une suite de nouveaux lotissements qui aboutiraient à des invasions de citadins. Les paysans ne pouvaient envisager, rien qu’une seconde, que leurs terres léguées par leurs pères soient échangées par d’autres terres sur lesquelles leurs parents n’auraient pas sué sang et eau. Fiers, ils l’étaient tous sans exception. Fiers de vivre comme leurs aïeuls avaient vécu sans se trouver nez à nez avec des demandeurs d’asiles de toutes nationalités.
 
Bien dressée sur la butte, la chapelle gothique du XIX e  siècle au clocheton long, incongru, avait été construite par le bourlingueur Émile Deray. Ce dernier s’était inspiré de son voyage en Turquie. Quand il visita Istanbul, la mosquée bleue avec ses huit minarets le séduisirent pour se muer en hantise qui ne le quittait pas pour trouver son apogée dans la construction du célèbre minaret. À l’intérieur de cette dernière, les yeux éblouis des visiteurs ne savaient où se poser, car dans chaque alcôve, chaque corniche, une statue précieuse était présente. À gauche de l’autel, un retable rarissime datant de la construction de la chapelle était enchâssé dans un cadre en bois. Les sœurs Deray, descendantes du voyageur, veillaient sur ce bâtiment comme s’il renfermait le mythique Saint-Graal. Les stèles du cimetière se dressaient à l’ombre des chênes. Et dans cet endroit, on devinait la richesse des familles rien qu’en admirant les monuments funéraires en marbre.
 
Et, à environ cinquante mètres de cette dernière, se dressait à vous couper le souffle, la demeure insolite des Deray. Prétentieuse, bourrée d’arrogance, la façade principale en pierres de tuf était posée sur des colonnes cannelées de tufs et résistait à tous les assauts tumultueux de la nature. La dalle supérieure soutenait le fronton, rappelant les demeures du vieux sud américain. Sous la voûte, le mur nord était revêtu d’une rosace en petites mosaïques de teinte bleu et rouge. Un toit, réplique de certaines habitations asiatiques s’emboîtait pour se terminer en forme de rectangle. La demeure, par ses formes variées et par ses nombreuses dépendances, dominait toutes les habitations et formait à elle seule le centre du village. Et lorsque les regards des promeneurs du dimanche s’attardaient sur ses diversifications, une admiration se mêlait à un soupçon de stupeur.
 
Un linteau, placé au-dessus de la porte d’entrée, était sculpté de symboles en lettres gothiques : les armoiries familiales et le patronyme de son constructeur, Émile Deray. En plein centre de la poutre, un pentagramme formé d’une étoile à cinq branches était censé protéger la maison des attaques insidieuses de quelques farfadets malintentionnés. La serrure de la porte à double battant était munie d’une serrure en fer forgé et d’une barre transversale sécurisante.
 
À l’intérieur, la disposition des pièces du rez-de-chaussée jusqu’au troisième étage se présentait telle une enfilade de chambres aux plafonds rehaussés de moulures et de petites rosaces finement décorées. Ces pièces mitoyennes n’en finissaient pas de se

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