L’Échéphile kidnappé
166 pages
Français

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L’Échéphile kidnappé , livre ebook

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Description

Ronald Longchamp est encore jeune lorsqu’il se fait kidnapper dans d’étranges circonstances, à Paris, rue Pigalle quelques instants après être sorti de son club d’échecs. Il s’éveillera dans un monde incompréhensible, seul et confiné dans une grande salle obscure et ensablée. Aucun bruit, rien à faire, et aucune manifestation extérieure si ce n’est le renouvellement discret de la nourriture qui lui permettra de subsister... indéfiniment. Après une longue période de solitude durant laquelle il apprend à organiser sa vie intérieure, il réalisera incidemment qu’il parvient à établir un contact avec un être énigmatique par l’intermédiaire d’un tuyau de canalisation. Ce n’est que très progressivement qu’il prendra conscience de la raison de sa venue forcée en ce lieu précisément.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 janvier 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414011834
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-01181-0

© Edilivre, 2017
Prologue
« Il apparut à Gautama que la prison dans laquelle il avait été enfermé pendant des milliers de vies s’était brusquement ouverte. L’ignorance en avait été le geôlier. Son esprit avait été voilé par l’ignorance, de même que la lune et les étoiles sont cachées par les nuages d’orage. Obscurci par les vagues incessantes de pensées trompeuses, l’esprit avait à tort divisé la réalité en sujet et objet, soi et autrui, existence et non-existence, naissance et mort, et de ces distinctions étaient nées des vues erronées : la prison des sensations, du désir, de la saisie dualiste et du devenir. La souffrance de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort n’avait fait que consolider les murs de la prison. La seule chose à faire était de s’emparer du geôlier et de le démasquer. « Ignorance » était son nom. Une fois le geôlier éliminé, la prison disparaîtrait pour ne plus jamais être reconstruite. »
Thich Nhat Hanh, Old Path, White Clouds, Berkeley, Parallax Press 1991, p.121
Premiere Partie Le receptacle
I La liberté
Ronald Longchamp était fortement affecté par sa défaite. Il venait de perdre une partie d’échecs qui était l’avant-dernière du traditionnel tournoi de printemps du club Caïssa à Paris.
C’était une belle fin d’après-midi de juin 1980, il avait 23 ans. Il remontait la rue Pigalle, relativement hermétique à toutes les sollicitations visuelles du monde extérieur. Il se demandait pourquoi il avait plongé dans ce piège grossier, acceptant de prendre un second pion pour finir par se faire enfermer un fou après une série d’échanges forcés. Il se souvenait, agacé, de cette phrase de Tordjman, son entraîneur, aphorisme trivial en somme que lui-même prodiguait régulièrement à ses propres élèves : « Il ne faut pas courir plusieurs lièvres à la fois ». Pourquoi diable ne s’était-il pas contenté d’entrer dans cette possible phase de simplifications pour se diriger vers une calme finale supérieure ?
La vision soudaine et percutante d’une photo érotique à côté de l’entrée d’un cabaret avait réussi à éveiller des sensations libidinales focalisées bien au sud de sa tête échauffée. Sensations qu’il s’appliquait à refouler, faute de pouvoir assouvir de manière satisfaisante une sexualité qu’il avait décidé de ranger au placard depuis que Virginie l’avait quitté quelques semaines plus tôt.
A son départ du club d’échecs, Madame Chaudé de Silans avait pourtant tenté de le rassurer : « Mais, Longchamp, ce n’est pas grave, les victoires, les défaites, ça va ça vient, cela fait partie de la vie des joueurs d’échecs ! ». Cela aussi il le savait ; mais, formulée par Madame Chaudé, vénérable présidente du cercle d’échecs le plus connu de Paris, l’observation devenait digne de considération. Elle était grand-maître international, ancienne championne d’élite qui, bien avant la naissance de Ronald, avait failli se qualifier au championnat du monde ! La remarque, qui aurait pu passer pour banale si elle lui avait été adressée par quelqu’un d’autre, lui rappelait au fond qu’aussi passionné qu’il fût, l’essentiel de la vie ne se situe ni dans la victoire ni dans la défaite. Il lui fallait encore affiner sa capacité à interpréter ces expériences, à en tirer leçon, à réajuster le tir pour les futures rencontres, et toujours dans l’humilité. C’était là, en tout cas, la conclusion philosophique dont il essayait de se convaincre régulièrement, afin d’adoucir la douleur de ces évènements dramatiques récurrents.
Pourtant, un rêve qu’il avait fait une nuit revenait périodiquement hanter son âme et semblait bien en contradiction avec ces sages théories :
Il s’était vu dans une cellule pénitentiaire en compagnie d’un être sordide qu’il percevait comme un dangereux rival. Un geôlier ouvrit la porte et expliqua à Ronald qu’il devait jouer une partie d’échecs contre son sinistre compagnon et qu’après celle-ci, on lui dirait s’il allait mourir ou vivre, cette décision étant indépendante du résultat de la confrontation. Il s’appliqua donc à battre son adversaire, s’investissant corps et âme dans sa mission de vaincre et finit par gagner.
A ce moment, le geôlier entra et lui déclara : « La décision a été prise : tu vas mourir ». Et du tac au tac, Ronald rempli d’un enthousiasme fiévreux lui répondit : « Ce n’est pas grave, j’ai gagné ! »…
La souffrance était là, bien ancrée, dominant toutes ses tentatives de raisonnements consolateurs. S’il avait gagné aujourd’hui, il aurait peut-être rencontré Giffard demain et, avec un peu de chance, il aurait tiré une nulle et aurait ainsi pu terminer deuxième ou troisième…
« Nulle ? Pourquoi nulle ?… »
Ainsi renchérissait le flux incessant de ses pensées vindicatives, qui toujours, cherchaient une issue afin que sa conscience déstabilisée pût retrouver un provisoire équilibre… « J’aurais pu le battre, parbleu, même si Giffard est plus fort que moi ; sur une partie, tout est possible ! »
L’effort conceptuel de rencontrer Giffard le lendemain était éprouvant, d’autant qu’il était stérile puisque Ronald venait d’échouer. Le drame, lorsque l’on vit dans des concepts trop coupés de la vie réelle, c’est que l’on risque de partir bien loin de la réalité, dans des sphères impossibles. Il s’en aperçut bien vite et revint à cette évidence difficilement acceptable qu’il se reformula emphatiquement quoique mentalement comme pour sceller une détermination censée prendre déjà, la force d’un fait accompli : « j’ai perdu aujourd’hui… et demain… je rencontrerai un joueur moins fort… qu’il me faudra battre ».
Cette idée dégradante, faussement consolatrice qu’ayant perdu aujourd’hui il n’aurait pas à lutter aussi dur le lendemain, le rassura légèrement comme un poison pernicieux le tirant vers une condition inférieure. Cette régression mentale le fit réagir intérieurement ; « C’est intolérable ! Il faut encore travailler la technique, les finales, les combinaisons, je ne veux plus jouer aussi mal… »
Mais en se disant ces mots, il se voyait assailli par des pensées inconciliables qui tourbillonnaient comme des feuilles d’automne par un jour de grand vent.
Il avait peur de perdre, refusait cette peur qu’il s’imaginait pouvoir surmonter un jour en acquérant la maîtrise du jeu qu’il savait pourtant sinon illusoire, du moins relative. Toujours en quête d’un inaccessible idéal, il se sentait débordé par une tâche énorme à accomplir en solitaire et réalisait de fait qu’il devenait enclin à se fermer aux autres, aux non-joueurs d’échecs.
Il s’interdisait la perspective d’une possible rencontre amoureuse et renonçait à la douceur de cette vie bourgeoise qu’il avait goûtée jadis du côté de Valmondois, en grande banlieue nord. C’était le mirage d’un passé révolu auquel il aspirait encore mais uniquement en pensées. Réminiscences chimériques qui l’avaient laissé tout imprégné de ces atmosphères bucoliques où le débordement joyeux du gazouillis printanier des oiseaux avait bercé et confondu son âme. Là-bas, les amis chez qui il s’était si souvent « réfugié » au temps où son esprit était encore disponible, vivaient sereinement dans leurs maisons de campagne cossues. Par leur délicatesse teintée d’une assurance intellectuelle confortée par une vie sans problèmes matériels, ils avaient su lui donner l’illusion que tout ce que l’on peut espérer dans cette existence était définitivement à portée de main. Depuis cette époque, le summum de sa satisfaction, c’était qu’il savait que ces gens-là, si brillants selon lui, n’osaient plus, depuis longtemps déjà, lui proposer une partie d’échecs ; il était devenu trop fort pour eux.
Ainsi son ego se gonflait-il comme une bulle, l’enivrant du charme trompeur d’une expansion intérieure, charme mitigé toutefois par l’effet vague d’une pression mentale gênante.
Avec un peu de recul, Ronald ressentait que cette complaisante autosatisfaction, fût-elle passagère, était la faille, la source de la déperdition de son énergie vitale, la preuve de sa médiocrité. Il savait que les vrais champions étaient canalisés dans leur domaine de prédilection, leur passion, soit contraints par un mentor, soit suffisamment autodisciplinés pour ne pas laisser place à de telles pensées parasites.
Il atteignait déjà le haut de la rue Pigalle aux abords de la Place du même nom, lorsqu’il sortit de ces brumeuses errances mentales. Son attention fut attirée par une berline noire, arrivant en trombe, qui stoppa brusquement non loin de lui, devant une porte cochère où une prostituée fort provocante en minijupe et bas résille attendait le client. Malgré l’agitation de la scène, Ronald remarqua que cette femme le fixait intensément, mais pas d’un regard aguicheur. Il s’agissait d’un regard percutant jusqu’au cœur et profondément scrutateur lancé par un être qui croit en reconnaître un autre, bien connu jadis, en des temps oubliés. En toute autre circonstance, si l’atmosphère de l’instant n’avait pas été si troublée, ce regard eût mobilisé toute l’émotion du joueur. Furtivement, ce dernier eut l’étrange impression que son corps se dédoublait et qu’un spectre de sa forme, mais presque invisible, glissait hors de lui et continuait à cheminer sur le trottoir comme si de rien n’était. L’autre double, resté lui-même dans toute sa conscience, ralentit le pas et vit deux hommes sortant précipitamment du véhicule et se ruant dans sa direction. L’un d’entre eux lui adressa la parole pour lui dire des choses sans objet, comme on peut parfois l’éprouver dans les rêves où l’intensité des paroles prononcées contraste étrangement avec leur vide de sens. L’autre homme avait échappé à son champ de vision mais très vite, Ronald ressen

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