L Amour ou la mort
100 pages
Français

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Description

« Elisabeth, qui épiait en coin le type étrange au fond de la salle, vit ses doigts se crisper sur sa tasse, certainement avec force car elle crut voir le bout de ses doigts blanchir. Son regard devint noir et son visage sévère se ferma un peu plus ; il se leva prestement, mit sa veste et sortit rapidement en passant devant elle, sans la regarder. Elle vit un homme grand, athlétique, de qui émanait une puissance peu commune, et qui avait dans les yeux une détermination à faire froid dans le dos. Elisabeth comprit qu'il y avait un rapport avec ce que venait de dire Galliani ; il se passait quelque chose, elle ne savait pas quoi, mais il se passait quelque chose. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 octobre 2013
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342014365
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'Amour ou la mort
Luc-Olivier Moreau
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
L'Amour ou la mort
 
 
 
 
 
 
 
Vladimir Reynal, accroupi devant l’âtre, remit une bûche dans le feu finissant sur les braises rougeoyantes qui éclairaient une partie de son visage ; il resta ainsi, quelques minutes, à regarder ; d’abord des flammettes timides qui essayaient de se raccrocher à l’écorce du rondin sec, en lançant des lueurs par endroits, rapidement, puis se rétractant jusqu’à ce que des flammes plus sûres, plus vigoureuses, plus hautes, enlacent totalement de leurs bras brûlants le bois hurlant, dans un crépitement de mille pétards illuminant la pièce d’un halo jaune et caressant.
 
Vladimir s’épousseta les mains et se releva. Sur la table, le thé aromatisé était maintenant infusé, il se servit une tasse, le liquide changeant de récipient dégageait une vapeur odorante d’orange dessinant un petit nuage qui disparut aussitôt, il reprit tranquillement sa place, sur une chaise à bascule en bois qu’il avait dénichée dans une brocante deux ans plus tôt, devant la cheminée, soufflant sur sa boisson brûlante et regardant inlassablement la danse des mèches aux couleurs nuancées sautiller dans le brasier.
 
Cette année-là, l’hiver était rude, le vent sifflait violemment le long des gouttières givrées, s’infiltrant dans chaque recoin, dans chaque fissure dans un bruit de souffle géant, la neige était tombée en abondance tapissant le sol d’un manteau blanc de plus d’un mètre d’épaisseur, à chaque bourrasque s’échappaient des grands sapins, alourdis de leur blancheur gelée, de fines particules glacées ressemblant sous la lumière de la lune à une pluie d’étoiles légères flottant dans l’air, l’hiver était d’autant plus rude que le chalet de Vladimir se trouvait à 3 300 mètres d’altitude, sur le Mont Perdu, au sommet des Pyrénées, à quelques pas de la frontière espagnole.
 
Le chalet est complètement isolé, au milieu d’une forêt dense, inaccessible l’hiver à cause des intempéries, à la bonne saison on ne peut y accéder qu’à pied, par des petits chemins. Le premier village voisin est Gavarnie, une petite station de sports d’hiver qui ne comprend pas plus de 165 habitants à l’année, Gavarnie est 2 000 mètres plus bas, une dénivellation abrupte qui décourage les plus téméraires de grimper jusqu’en haut.
 
La solitude, voilà ce qu’est-il venu chercher ici, ne plus voir personne, ne plus parler, ne plus avoir à dire des banalités à des gens qui font semblant d’être intéressés par vos propos, être seul, absolument seul, uniquement avec la nature comme compagne, comme amie, comme confidente.
 
Cinq ans déjà. Voilà cinq ans qu’il avait dégotés, après une recherche assidue, une vieille bicoque en bois, abandonnée, qui prenait l’air de partout, un ancien relais pour alpiniste, délaissé, oublié, que la nature avait commencé à reprendre dans sa végétation, à envahir de ses herbes, de ses branches, un refuge qui se dégradait au fil des saisons, élimé par les vents rugueux. Cinq ans qu’il vivait à cet endroit, qu’il avait retapé et réparé patiemment, clouant chaque planche, rajustant chaque fenêtre, pièce par pièce il en avait fait son nid, plutôt son refuge car il n’y avait aucun confort, l’endroit était austère, avec simplement le strict minimum vital, aucune femme n’aurait pu vivre ici et très peu d’homme l’aurait supporté.
 
Cinq ans qu’il s’était exilé de toute vie humaine, isolé du monde, vivant comme un trappeur, de sa chasse, il connaissait les bois par cœur, chaque feuille, chaque arbre, lui était familier. La solitude exacerbe vos sens alors pour se nourrir, il traquait le gibier avec son odorat, son ouïe, il était devenu le prédateur parfait, contournant le vent, se tapissant comme un renard, se superposant avec l’environnement, il devenait un arbre, un taillis, chasseur invisible, tuant sans pitié des animaux qu’il respectait, mais la survie de l’un passe par la mort de l’autre. Il ne tuait jamais par plaisir ou par jeu, exclusivement pour s’alimenter, il ne prenait rien de trop, juste ce dont il avait besoin.
 
Son arme de prédilection, un arc ! Se confondant avec la nature, dans la nature, jamais il ne tirait un coup de fusil, il ne chassait qu’avec son arc, sport qu’il avait pratiqué de nombreuses années, il excellait de précision et ses flèches ne rataient jamais leur cible, cette technique demande une grande patience et il en avait, il avait appris à attendre, voilà cinq ans qu’il attendait, il fallait de la persévérance, de la discipline, pour guetter le moment parfait pour lâcher sa pointe meurtrière, attendre une vue dégagée pour atteindre avec certitude le point vital. Il était redevenu un animal, instinctif, intuitif, un solitaire aux réflexes aiguisés, sans état d’âme ; après la mise à mort, il dépeçait la bête de son grand couteau à la lame argentée, méthodiquement, sur place, et il ramenait les quartiers de viande qu’il mettait dans du sel ou qu’il fumait pour les conserver. Il laissait toujours un peu de viande sur la carcasse pour les vautours qui étaient nombreux dans la région, ces rapaces à qui il lançait : « bon appétit, mes amis ! »
Le chalet n’avait ni eau courante, ni électricité alors pour ses besoins quotidiens en eau, Vladimir se servait d’une source qui sortait de la montagne quelques centaines de mètres en contrebas. L’hiver, elle était complètement gelée alors pour obtenir son eau, il cassait des morceaux de glace et les faisait fondre dans un réchaud. Son habitation était faite de rondins, avec une grande pièce unique ou trônait une table ronde et ses quatre chaises en bois devenu presque gris, avec le temps ; une haute cheminée en pierre dominait l’ensemble, dans le fond de la pièce, une grosse planche fixée sur le mur et sur une souche à son autre extrémité servait de plan de travail, posé dessus, un réchaud à gaz quatre feux quelque peu rouillé ; une mezzanine faite de planches épaisses couvrait un quart de la surface, une échelle y menait et là se trouvait son lit, un matelas posé sur le sol et une couette en duvet d’oie.
 
Pourtant il avait été quelqu’un d’autre, un homme comme tout le monde : avec une famille, des enfants, un travail, une maison confortable, une vie sociale bien remplie avec des dimanches de fête entourés d’amis devant le barbecue, des vacances d’été au bord de la mer, et avec une femme qu’il aimait, qu’il chérissait par-dessus tout, une femme qui avait donné un sens à sa vie, une femme qui lui passait ses bras autour de son cou en frottant tendrement son nez sur sa joue, murmurant des « je t’aime » de sa voix féline, une femme qui faisait son bonheur, chaque jour, chaque heure, chaque minute, jusqu’à cet accident odieux, cet accident monstrueux, d’un chauffard entièrement alcoolisé, roulant à contresens sur l’autoroute à plus de 180 kilomètres/heure, et qui percuta de plein fouet le véhicule de madame Reynal et de ses deux enfants. Aucun des trois ne survécut, la mort, arbitraire et injuste, fut instantanée.
Le seul à s’en être tiré était l’alcoolique, à part quelques contusions, il n’avait rien eu.
 
Après un procès houleux, Vladimir fou de rage avait bousculé plusieurs policiers pour aller crever Benjamin Ménard, le chauffard, dans le box des accusés, il avait été maîtrisé avec peine au moment où il commençait à l’étrangler, sa rage ayant décuplé ses forces ; la salle avait été évacuée et le procès reporté. Ménard fut condamné à six ans de prison ferme en tant que récidiviste, il avait à son actif plusieurs condamnations pour conduite en état d’ivresse.
 
La vie de Vladimir n’avait plus de sens, plus d’intérêt. Prostré, accablé, il était resté des jours durant chez lui, dans le noir, sans jamais sortir, sans manger, sans répondre au téléphone. Il se sentait coupable d’être encore vivant, il voulait mourir, rejoindre ceux qu’il aimait, la douleur était trop forte, insoutenable, se sentir impuissant accroît la souffrance et le sentiment d’injustice.
Alors, il s’était fait une promesse, assis sur son lit, la tête entre les mains, déchiré de chagrin, il s’était juré d’attendre, attendre quelle que soit la durée, attendre la sortie de Ménard et le tuer, le massacrer, cette ordure, cet assassin ne survivrait pas à son ignominie.
 
Vladimir était un mort en sursis, il avait lui aussi perdu la vie le jour de l’accident, il ne respirait que dans un seul but : faire justice, sa justice, et après il pourrait s’en aller de l’autre côté du miroir, vers les siens qui l’attendaient sans doute. Il n’avait pas d’autre horizon.
 
Il comptait les mois, les semaines, les jours, son unique pensée était pour Ménard, il lui avait crié le jour du procès quand les cinq policiers le traînaient, avec du mal, hors de la salle d’audience, devant une foule médusée, il lui avait crié les yeux exorbités : « je t’attendrai… Je te tuerai… Je te tuerai, Ménard ! »
Ménard avait compris qu’il disait vrai, il avait vu une bête sauvage, enragée, l’agresser avec une haine profonde au fond des yeux, il regardait Reynal se faire expulser en sachant qu’il serait derrière la porte le jour de sa sortie, un sentiment de doute, d’incompréhension et de crainte traversa ses yeux quand il se rassit sur son banc.
 
Vladimir s’était astreint à une vie d’ermite, loin des hommes, une vie dure, froide, presque insupportable, sans socialisation, pour ne pas oublier son objectif, ne pas se laisser endormir par un certain confort, une certaine facilité, il se faisait souffrir tous les jours, vivant comme une bête, c’

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