Juin est un mois cruel
104 pages
Français

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Juin est un mois cruel , livre ebook

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Description

Derrière sa fenêtre, une femme abîmée par la vie attend chaque jour le passage d'un enfant. Qui sont-ils ? Qu'est-ce qui les sépare ? Qu'est-ce qui pourrait les réunir ?

Une femme de pierre, venue du fond des âges, mi sorcière mi guérisseuse, veille sur leur destin commun, pour essayer de leur faire prendre un nouveau départ.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 novembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334028738
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-02871-4

© Edilivre, 2015
Citation


Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent
Maïakovski
Chapitre 1
Mes nuits sont courtes habitées de cauchemars récurrents.
Je suis accrochée aux ailes d’un moulin, le vent souffle, les ailes tournent de plus en plus vite. Je vais tomber, je tombe. Non, je flotte dans les airs, légère comme une plume. Je suis transportée au-dessus des champs, des toits ; j’étends les bras, je fais l’avion, loopings et cabrioles s’enchainent avec grâce. Je ris de plus en plus fort, je hurle ma joie, je suis sans entraves.
Le vent tourne sans prévenir, le ciel s’ardoise, les bourrasques me bousculent et me voilà fétu de paille livré à la fureur du ciel, la chute libre s’amorce, vertigineuse, j’effleure une cheminée je sens que je vais m’écraser. Je me réveille en sursaut les yeux ouverts sur le noir de ma chambre, cœur éperdu, corps moite et glacé. Ces réveils en fanfare sont devenus fréquents, je me lève à tâtons dans l’obscurité. En passant devant la cuisine, l’œil vert de la pendule du four me nargue. Cinq heures seize.
Frigo, gorgée d’eau, redodo.
Je regagne le lit tiède en sachant que c’est fini pour cette nuit. Je vais me retourner, pile face, face pile, vingt fois avant de me relever. Par la fenêtre du salon, le ciel hésite entre la nuit et le jour. Les premières lueurs de l’aurore teintent l’horizon d’un rose poudré. La ville dort, quelques véhicules passent quai  Dampierre, les  camions partent ravitailler le marché à deux pas et les premiers travailleurs encore ensommeillés vont prendre leur poste. Dans quelques instants se propagera la folie des cloches, elles se répondent d’un quartier à l’autre. Pas moins de dix églises dans cette ville et autant de clochers qui appellent à la première messe, rituel immuable depuis le Moyen Age et qui suffit à justifier l’adage connu de tous : « que fait-on à Troyes ?  On y sonne ! » Bientôt la ville va s’animer, la circulation va s’épaissir, les rideaux de fer se lever. Le long du canal qui barre le centre-ville comme une balafre, les premiers touristes vont commencer leurs déambulations, l’appareil photo en bandoulière ou le smartphone brandi à bout de bras, pour essayer de capturer l’âme de la ville, véritable musée à ciel ouvert. Ils vont parcourir les rues bordées de maisons médiévales, s’insinuer dans les ruelles pavées, s’extasier devant les portails dorés, aller prier, peut-être, dans l’église ou s’arrêta la pucelle d’Orléans, et se restaurer d’une andouillette au chaource avant de remonter dans leurs autobus climatisés pour finir d’aller claquer leur fric dans l’un des six cent cinquante magasins d’usine qui polluent la périphérie. De cette ville qui est devenue mienne, ils n’auront rien vu, rien saisi.
Les bruits du jour n’ont pas atteint les appartements,  les voisins dorment, pas encore de raclement de chaise, de chasse d’eau tirée, pas une porte ne claque, tout est silence. C’est l’heure exquise où je peux essayer d’écrire sans être dérangée ou distraite. J’ai quatre jours devant moi pour trouver un sujet de roman et pour l’instant l’inspiration n’est pas au rendez-vous. Je gribouille, je rature et mes soupirs font écho à ceux de Tolstoï qui dans son panier a soulevé une paupière nonchalante puis s’est remis en boule me tournant le dos ostensiblement, je le dérange, ce n’est pas l’heure des chats, il veut dormir.
Je jette sur le papier quelques idées en m’appuyant  sur les consignes qui m’ont été données à l’atelier d’écriture, je suis une écrivante en herbe, une toute petite pousse d’écrivante à peine sortie de terre, mais enthousiaste et déterminée. Lorsque le défi d’écrire un texte long m’a été lancé je me suis follement imaginé que ce serait facile puisque tout le monde écrit. Rien qu’à la rentrée littéraire, plus de six cents romans,  pourquoi pas moi ?  J’ai engrangé du savoir, de la technique depuis que je consacre deux heures par semaine à cette activité qui me passionne. Je dois trouver un sujet, si possible inédit. Grâce à l’écriture je sens que je peux me reconnecter à mes rêves de jeunesse. Il est plus que temps puisque je me suis égarée dans un vécu qui ne m’a apporté que désillusions et chagrins.
Un sujet donc, qui n’a jamais été traité. Mission impossible ou quasi, tout a été dit par d’autres et avec talent. Qu’est ce qui me prend de vouloir me mesurer à eux, quel orgueil me pousse en avant, quel besoin de lumière ?
Mon goût des mots vient de la lecture, cette occupation d’enfant unique et solitaire. Un élan viscéral en mène d’autres vers la peinture, la musique ou le chant.
Un café va me booster les neurones,  huit heures trente, le manque de sommeil de la nuit  pèse sur mes paupières. Une capsule dans la machine, un double noir sans sucre et me voilà les mains en rond autour de mon bol debout près de la fenêtre de la cuisine. C’est l’heure de l’école. Tous les jours je le vois arriver par la rue de la Cité, il est ponctuel. Sa petite silhouette est affaissée par le poids d’un cartable aussi gros que lui, je sais qu’il va s’arrêter au passage pour piétons, regarder dans les deux sens, plusieurs fois, puis traverser en courant et là, s’arrêter un long moment au bord du canal. Il fait cette pause tous les matins, il regarde les péniches. Des fois il marche sur le bord du quai, trop près du bord, les deux bras tendus comme les ailes d’un albatros. Puis d’un coup, repart en courant. Il prend ensuite la rue du Paon et disparait de ma vue.Jusqu’au lendemain. C’est comme ça tous les jours à l’exception du mercredi. Ce matin  il lève la tête, reste un court instant immobile et me fait un geste de la main, comme un petit signe de reconnaissance  – je t’ai vu, je sais que tu me regardes – Surprise je réponds à son geste. Alors, il détale comme un lapin.
Quai Dampierre, le soleil entre à flots par les deux hautes fenêtres du salon. Cette journée de juin s’annonce brûlante et lourde. Après un mois de mai pluvieux  l’été a explosé d’un coup. J’ai toujours du mal, même après vingt ans à m’habituer à ce climat continental, des hivers glacés et neigeux avec un vent d’Est qui vous coupe le visage et des étés sans vent, torrides et orageux.
Après une douche rapide, j’enfile une robe d’été en lin, des nu-pieds à semelles compensées, me voilà prête pour ma balade quotidienne, une habitude à laquelle je ne déroge jamais, même par temps infect. Je me suis forgé un carcan d’habitudes une routine de vie qui m’aide à tenir debout. Un pied devant l’autre, un jour aprés l’autre.
Je dévale les marches de pierre usées du grand escalier de l’hôtel particulier qui a été converti en appartements. Ce matin je me sens légère, je fais une brève halte devant ma boite aux lettres : rien. Il y a de moins en moins de courrier.
Plus jeune, j’ai passé des mois entiers à épier le passage du facteur. Tous les jours, à peu près à la même heure, il me glissait dans la boite deux ou trois lettres parmi lesquelles souvent se trouvait une lettre d’amour.
Ah les délices d’avant Internet quand il fallait patienter avant de voir dans la boite la missive tant espérée, l’enveloppe bleue que l’on imaginait cachetée de baisers ;la glisser dans sa poche en douce et attendre d’être seule pour l’ouvrir, déshabiller la lettre avec volupté et lire les mots tendres, les relire, se les redire en attendant la suivante. A cette époque révolue, le facteur n’était pas un vulgaire préposé à Mobylette, c’était l’ambassadeur de Cupidon, celui qui pouvait faire ou défaire la journée. Les lettres d’amour se sont espacées puis ont disparu pour faire place aux factures et à quelques cartes de vœux manuscrites, lesquelles ont vite été avalées par la toile et ses e-cards.( cochez la case si vous souhaitez être avertie de la lecture de votre email). Le monde s’est converti à Facebook et à Twitter. Maintenant donc on twitte.  Twit twit, courrier d’oiseau pour cervelle de moineau, cent quarante signes maximum. Voilà une bonne idée de livre, pas d’angoisse de la page blanche, cent quarante mots et tout est dit. Avantageux avec ça, économie de papier donc joie des écolos, pas trop de frais pour l’éditeur, pas de fatigue pour le lecteur qui se lasse vite et fini les bibliothèques encombrées et poussiéreuses.
Je pousse la grande porte de bois en souriant de mes bêtises et la lumière me cueille, il fait un temps merveilleux. Je vais longer le canal puis comme tous les jours m’arrêter au Balto acheter le journal que j’irai lire en terrasse en sirotant mon deuxième café de la journée.
Le marinier nettoie sa péniche à grande eau, il a jeté l’ancre il y a longtemps devant mes fenêtres et n’est jamais reparti. Il faut croire qu’il a fini par trouver son point d’attache ultime. C’est un homme solitaire mais courtois, qui n’entretient pas de rapport avec ses voisins terriens, mais qui me salue aimablement d’un coup de casquette ancrée lorsque je passe sur le quai. Parfois nous échangeons des banalités sur le temps, et je le complimente sur l’abondance des géraniums qui ensoleillent  le pont du bateau.
Je file vers les rues médiévales ombragées, les pavés disjoints ont vu passer le temps, les maisons se penchent à se toucher, d’une fenêtre l’autre on peut se donner la main. Certaines façades de bois sont décorées de sculptures, des visages de pierre sans regard, figés pour l’éternité. Lorsque la ruelle des chats est vide, j’ai parfois un sentiment de malaise, je me sens seule et à la fois entourée, comme si des ombres me regardaient, le passé est là omniprésent, l’écho des luttes et des souffrances s’est affaibli, mais les murs se souviennent.
Lorsque je débouche sur la place, je suis étonnée de la densité de

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