Je penserai à toi
210 pages
Français

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Je penserai à toi , livre ebook

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Description

Innocent ou coupable, impénitent ou repentant, chaque protagoniste de ce recueil de nouvelles doit un jour rendre des comptes à la justice.
Qu'il soit motivé par l'argent, la jalousie, ou encore l'esprit de vengeance, le crime est ce qui les rassemble malgré leurs différences.
De faits divers en faits divers, l'auteur suit les équipes de police qui tentent de démêler le vrai du faux dans le discours alambiqué des suspects qu'ils interrogent.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 octobre 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334219167
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-21914-3

© Edilivre, 2018
Le ciel fit l’eau pour Jean-qui-pleure et le vin pour Jean-qui-rit.
Antoine Désaugiers.
Le crime de Norbert Fournié
Le jour se lève. Comme tous les matins, j’ai droit au sermon.
Vanité des vanités, dit l’Écclésiaste, vanités des vanités, tout est vanité. J’ai vu tout ce qui se fait sous le soleil ; et voici, tout est vanité et poursuite du vent.
Mais la Bible n’est pas le sujet.
Soutenu par deux gros oreillers, Norbert Fournié, 87 ans, malade, tournait et retournait dans son esprit la même pensée criminelle : comment se débarrasser de son voisin de chambre ? Jour après jour, immobilisé, pratiquement infirme, son morbide calcul torturait ses méninges. « Comment, sans possibilité de faire le moindre pas, le faire passer dans l’autre monde – proprement − sans faire de vagues ? »
C’est à cette époque-là que je me suis pointé devant son lit pour des soins de kinésithérapie. Vingt séances. Une sciatique le faisait souffrir. J’avais mon cabinet depuis environ cinq ans, donc un peu de métier et du cœur à l’ouvrage.
Je ne le savais pas encore mais pour lui j’étais celui qui débarquait au bon moment ; j’étais l’arme du crime. Du moins l’espérait-il.
D’après ma première impression, le vieux Norbert et son teint terreux ne devaient pas aller bien loin dans le futur. Il avait une maladie dans le sang qui l’affaiblissait progressivement depuis plus d’un an, mais côté mental, il avait aussi la maladie perfide des gens qui ont le cerveau un peu dérangé. En général on ne s’en aperçoit pas forcément. Surtout lorsque, comme moi, on ne voit la personne que demi-heure par jour du lundi au vendredi.
Le mince sourire de Monsieur Fournié, l’approche, la voix étaient amicaux, mais cela ne voulait pas dire que ses sentiments, ses objectifs le fussent également.
Dès le premier jour il m’avoua ne plus pouvoir supporter Alexandre Rouquet. Ses pieds, selon lui, sentaient le saucisson ; il ne comprenait rien en politique ; son humour l’exaspérait au plus haut point…
– Un jour, me confia-t-il, quand je lui ai dit que j’entendais moins bien de l’oreille gauche que de la droite, il m’a conseillé de boucher un peu l’oreille droite avec du coton pour entendre pareil des deux côtés.
Je continuai à le masser en souriant. Il me raconta son histoire de somnambule.
– Un matin, il s’est plaint que je me levais un peu trop souvent, la nuit. Soi-disant que ça le réveillait, lui qui ronfle comme un vieux tracteur. Je lui ai répondu que je ne le faisais pas exprès, que j’étais somnambule. Vous savez ce qu’il a dit à Robert, mon fils ?
Il fronça le nez, reprit son souffle et, avec un sursaut d’énergie probablement puisée dans cette rancœur qui lui pourrissait la vie, il gronda entre ses fausses dents :
– Pour faire passer l’envie de se lever aux somnambules, il faut acheter une boite de punaises et les éparpiller autour du lit. C’est le meilleur remède.
C’était drôle. Lui ne le prenait pas à la rigolade. J’en riais au-dedans de moi, mais la suite, sans que je puisse l’imaginer une seconde, filait tout doucement vers une impitoyable fin.
Norbert Fournié et Alexandre Rouquet, veufs, vivaient sous le même toit chez leur enfant respectif – Robert et Nicole – lesquels s’étaient mariés trente ans auparavant. Norbert était le père de Robert ; Alexandre était le père de Nicole. Les époux Fournié avaient d’abord accueilli Norbert. C’était cinq ans avant qu’on fasse de la place dans la grande chambre pour y ajouter le lit d’Alexandre. Celui-ci, 79 printemps, était plus jeune et relativement en meilleure santé dans la mesure où son cœur continuait de battre à l’aide de petits ressorts placés dans ses artères. Il chantait à la chorale, buvait du vin, s’adonnait à la lecture et la peinture… tout pour rendre jaloux Norbert qui, recroquevillé sur lui-même, souffrait de cette différence ; souffrait en quelque sorte de cette comparaison avec « l’autre », avec celui qui partageait sa chambre. Plusieurs fois par jour, sans même s’en rendre compte, il lui fallait trouver un aliment à cette jalousie ; trouver un aliment à ses reproches.
– Vous saviez qu’il lit des livres de philosophie ? me dit-il lors de ma deuxième ou troisième visite. Quand on lit des livres de philosophie, c’est qu’on n’est pas capable de réfléchir soi-même !
Je souris mais ne répliquait rien. Il poursuivit son monologue. C’est fou ce que les vieux sont bavards tant qu’ils ont un restant de souffle. Il ne se passait pas trente secondes sans qu’il trouve quelque chose à dire. En l’occurrence toujours autour du même chapitre : Alexandre Rouquet.
Je massais sa cuisse trop décharnée quand, entre deux propos fielleux, un nouveau grief sortit de sa bouche. La semaine précédente, Norbert avait commenté le résultat de son analyse de sang et la chute inexorable des globules blancs. Alexandre Rouquet lui aurait alors conseillé de demander au docteur si ce n’étaient pas des globules jaunes qui les avaient remplacés. Cela, évidemment, en référence aux pastis ingurgités avant la maladie.
Haut-perché sur son orgueil, en descendre eût été comme essayer de séparer le lait et le café d’un café au lait.
Jour après jour, ce rancunier de Norbert Fournié avait accumulé un arsenal de motifs plus ou moins farfelus qui le poussaient à concrétiser son lugubre projet. Et ce, jusqu’à même ajouter à cet arsenal un coup de téléphone vieux d’au moins deux ans en arrière, pendant lequel Alexandre eut une conversation interminable avec un ami et, du coup, avait fait manquer à Norbert le secrétariat du service médical, fermé passé une certaine heure. Il ne pouvait que l’avoir fait exprès.
Petit à petit, visite après visite, mon singulier patient me fit comprendre que je pourrais gagner beaucoup d’argent si je lui donnais un petit coup de main. Pas grand-chose comme travail : dévisser une lampe, déplacer un carton… Il se pencha vers la table de nuit et ouvrit un tiroir en grimaçant de douleur.
Nous en étions à la dixième séance de soins et, à ce stade, je n’étais pas très fier de moi au vu des résultats obtenus. Néanmoins je savais que l’âge était un gros handicap pour récupérer rapidement. Je comptais surtout sur les médicaments, mais ne constatant aucun progrès significatif, en même temps je me demandais s’il les avalait.
– J’ai de l’argent, ici, et aussi mon carnet de chèques. Dites-moi votre prix.
Je conservais mes distances. Il insista.
– Je ne suis pas dingue, ne vous en faites pas pour moi. Je n’ai pas encore signé à la banque pour donner procuration à mon fils et ma belle-fille. Je donne encore ce que je veux, à qui je veux.
Je ne pus me retenir de rire.
– Ah, non, ne riez pas, écoutez-moi, s’accrocha-t-il, je ne vous demande pas de l’étrangler ou de l’empoisonner…
Il venait de sortir du tiroir une grosse enveloppe marron et un carnet de chèques.
– Ça suffit. Rangez tout ça, Monsieur Fournié, lui intimai-je d’une voix autoritaire. Je ne liquiderai pas votre voisin de chambre. J’ai autre chose à faire.
Je me levai, m’essuyai les mains. Il était temps que je parte. À ce moment précis, je crus que Fournié perdait la raison. Comme déjà souligné, il nous restait environ dix séances ; les mener à terme me semblait subitement compromis. Au moment de franchir la porte :
– Ça va, vous ? me questionna-t-il. Votre ménage, votre maison, votre voiture, vous n’avez besoin de rien ?
Je sortis sans répondre.
Le lendemain et le surlendemain, Norbert Fournié aligna encore ses opinions très personnelles sur Alexandre Rouquet. Il en avait marre de toutes ces peintures affreuses qu’il accrochait sur les murs. Les bouquets de fleurs qu’il avait disposés un peu partout étaient en plastique. C’était un lève-tard qui ne lui adressait jamais la parole, sauf pour lui demander de baisser le son de la télé ou lui poser des devinettes d’imbéciles.
– Hier soir, me précisa-t-il, comme il allait sortir pour se rendre à la chorale, je lui ai dit : « Allez, allez chanter Jésus, vous gagnerez quelques points de plus pour le Paradis ! » Vous savez ce qu’il a trouvé à me répondre ?
Je fis un signe négatif de la tête.
– Il m’a dit d’un air entre deux airs : « Tiens, en parlant de Jésus, une petite devinette… En enfonçant un clou, comment éviter de se donner un coup de marteau sur les doigts ? » Je lui ai répondu que je n’en savais rien. Il a joint ses mains et il m’a dit : « En tenant le marteau des deux mains. »
Lors des deux ou trois séances suivantes ce fut la même rengaine. Je commençais à trouver nos rapports un peu monotones. Moi-même, me dis-je, faisais partie de la monotonie quotidienne de Norbert Fournié. Avec moi, il devait nourrir sa solitude d’une gentille petite farce. Bientôt il m’avouerait qu’il n’était pas sérieux. C’est au moment où je me faisais de plus en plus à l’idée qu’il s’amusait à mes dépens que je dus me rendre à l’évidence. Sa main agrippa mon poignet avec une force que je lui avais jusqu’alors sous-estimée, ses doigts se serrèrent.
– Aidez-moi, bon sang, aidez-moi.
Je me dégageai et me levai promptement.
– Que je vous aide à quoi, Monsieur Fournié ? Que je vous aide à quoi ?
– M’aider à me débarrasser de lui. Je ferai de vous un homme riche. L’important pour moi, maintenant, c’est qu’il descende deux mètres sous terre et qu’il n’en remonte pas.
– Taisez-vous. Ce n’est pas à nous de décider qui doit mourir ou pas.
– Non, je ne me tairais pas. À force de me faire aboyer, je vais mordre.
Il me regardait avec une tête à faire peur aux oiseaux. Inutile de préciser que je rejetai cette offre de folie meurtrière. Je n’avais pas pris pour métier celui de soigner les gens pour ensuite leur faire rendre l’âm

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