Je est un autre
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Description

Florian Genesty, écrivain exilé à Londres, revient régulièrement dans sa ville natale de Saint-Étienne pour revoir sa famille et ses amis. Un retour aux sources qui aurait tout pour le satisfaire, si un meurtrier en série ne prenait la mauvaise idée de tuer un à un ceux qui croisent sa route : un amour de jeunesse, un ami fidèle, le premier éditeur qui lui fit confiance quand il débutait, sa vieille copine psychanalyste, un jeune étudiant rencontré par hasard, une cousine éloignée. Sur les cadavres encore chauds, le mystérieux assassin dépose des étoiles rouges, les mêmes que Florian Genesty retrouve sur son balcon. L'écrivain s'interroge, il s'inquiète, il en est bientôt sûr : c'est lui qui est visé à travers chacune des victimes. Pourquoi ? Il l'ignore. Mais c'est à lui que l'on cherche à faire peur. Jusqu'au jour où... Je est un autre, un thriller qui tisse sa toile autour du personnage principal et du lecteur, jusqu'à les enfermer dans une spirale d'interrogations sans fin. Et bien sûr, le dévoilement final ouvre les portes de ténèbres que la plus folle imagination n'aurait su entrevoir.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 octobre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342056792
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0056€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Je est un autre
Christian Soleil
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Je est un autre
 
À la mémoire de David Bowie,
En souvenir d’une lointaine soirée clermontoise.
1
Le soleil déclinait au bout du boulevard Vivier-Merle. Les tours de verre et de béton de la Part-Dieu, inondées de soleil, reflétaient ses éblouissants éclats. Ludovic Gravier sortit de l’Institut Supérieur de Gestion Commerciale où il préparait un MBA de marketing et communication. En haut des marches, il cligna des yeux, surpris par la lumière intense de cette après-midi d’hiver. L’air était vif. Une bise tonifiante venait fouetter son visage. Il sourit au jour finissant et commença de descendre les marches.
Ludovic était une bonne nature. Toujours satisfait, d’humeur égale, il était un garçon que tout le monde aimait. Visage lisse aux traits harmonieux, corps d’athlète parfaitement entretenu par la pratique régulière de sports multiples, caractère généreux et serviable : il disposait des atouts physiques et moraux qui rendent un garçon de vingt-deux ans irrésistible aux jeunes filles comme aux jeunes gens.
Il y avait pourtant en lui une faille que chacun percevait au premier regard : sa mélancolie. Nul ne connaissait les raisons de son état mental, mais Ludovic semblait plongé en permanence dans un dialogue intérieur dans lequel il s’enlisait. Depuis que son père était parti vivre avec son jeune associé, délaissant sa famille et ne s’occupant plus de son fils, depuis qu’à la même époque sa grand-mère et confidente était morte « des suites d’un cancer », comme on disait désormais pour éviter de croire que le cancer puisse tuer directement, il se retrouvait vide, indifférent au monde, incapable d’accéder à ses propres émotions, hors d’atteinte pour les autres.
Les visites hebdomadaires chez un psychiatre autoritaire et la collection de cachets qu’il devait avaler chaque matin avaient achevé de le couper du réel. Ses résultats scolaires s’étaient effondrés en quelques semaines. La directrice de l’école, Ghislaine Desmarques, n’avait pu se résoudre à le chasser de l’établissement : on éprouvait une certaine pitié à voir ce garçon parfait sur tous les plans se traîner dans les couloirs, un sourire poli sur le visage, habité par des images et des désirs de mort. Ludovic avait plusieurs fois tenté de se suicider. Il avait ingéré l’équivalent de deux semaines de son traitement antidépresseur : un lavage d’estomac avait permis d’éviter le pire. Il s’était ouvert les veines dans sa baignoire : une camarade de classe inquiète avait appelé les pompiers ; on avait pu le sauver de justesse. Tout le monde se demandait quelle technique il emploierait la prochaine fois.
Aucun de ses amis n’imaginait que Ludovic ferait de vieux os. Le jeune homme figurait la silhouette même du désespoir romantique. Il avait fait sienne le fameux aphorisme de Gérard de Nerval, son poète préféré, selon lequel : « La mélancolie est l’état de ceux qui voient les choses comme elles sont. » Mais il ne faisait jamais une gloire personnelle de la misère qu’il promenait sur ses traits du matin jusqu’au soir. La vie lui était réellement insupportable. Il ne s’aimait pas beaucoup. Mais il ne s’intéressait pas suffisamment à lui-même pour se détester vraiment. Il écrivait en secret des poèmes dans lequel une part de lui-même, qui continuait paradoxalement d’espérer, décrivait des visions solaires et colorées.
Un coup de klaxon le fit sursauter alors qu’il traversait la chaussée au feu rouge piéton. Le conducteur de la voiture qui manqua de justesse de le renverser cria un torrent d’insultes par la fenêtre entrouverte de sa portière. Ludovic ne broncha pas. Tout juste s’il remarqua l’incident. Il était ailleurs. Comme toujours. Il mit le pied sur le trottoir d’en face, devant la concession BMW dont les rutilantes berlines le regardaient passer derrière les vitrines. Il n’eut pas un regard pour elles, absorbé qu’il était dans ses pensées. Machinalement, il fit une halte un peu plus loin, à l’approche de la terrasse d’un de ces snacks à la décoration design qui remplaçaient peu à peu les traditionnels bouchons lyonnais depuis que manger devenait une performance, une action tournée vers un objectif de santé et de productivité, plutôt qu’un plaisir individuel ou collectif. Il leva la tête vers le ciel embrasé qui se reflétait dans la façade vitrée d’un hôtel standardisé. Sa main plongea dans la poche arrière de son jean et il en sortit son smartphone, sur lequel il consulta machinalement ses mails. Quelques paroles anodines envoyées par des amis et des connaissances. Rien de très important. Depuis la mort de sa grand-mère, rien n’avait beaucoup d’importance…
Ludovic se mit à fredonner une chanson de David Bowie dans laquelle le chanteur évoquait sa propre mort, quelques semaines seulement avant sa disparition :
 
Cash girls suffer me, I’ve got no enemies
I’m walking down
It’s nothing to me
It’s nothing to see
If I never see the English evergreens
I’m running to
It’s nothing to me
It’s nothing to see…
 
Ludovic alluma une Chesterfield et reprit sa route hésitante et lente en direction de la gare de la Part-Dieu. La chaussée se resserrait légèrement à la hauteur d l’hôtel Ibis ; il marchait désormais plus près de la chaussée et des voitures. L’air sentait l’essence et le feu de bois – cette dernière odeur provoquée par la proximité d’un grill Courtepaille.
L’homme qui s’approcha de lui pouvait avoir une petite cinquantaine d’années. Taille moyenne, élégant, vêtu d’un costume gris clair et d’un tee-shirt noir, il avait noué un foulard rouge pâle élégamment froissé autour de son cou. Mince, élancé, il avait une silhouette quasiment adolescente. Son âge n’était trahi que par la mollesse relative du cou et l’apparition récente de ridules autour des yeux. Rien que de très léger. Il souriait quand il adressa la parole à Ludovic.
— Vous avez du feu ? demanda-t-il au jeune homme.
— Du feu ? s’étonna Ludovic en levant les yeux sur lui.
L’homme le regardait droit dans les yeux. Ludovic eut le sentiment qu’on l’hypnotisait. Avec nonchalance, il fouilla la poche extérieure de son sac, en extirpa un briquet de marque chinoise et tendit la main droite vers la bouche de l’homme, qui avait fiché entre ses lèvres une cigarette. L’inconnu enveloppa la main de Ludovic entre ses paumes jointes. Ils restèrent immobiles un moment. Ludovic frissonna. C’était comme si une onde le traversait soudain de la tête aux pieds. Quand ils se séparèrent, les jeux étaient faits. Le destin de Ludovic était scellé.
— Vous êtes étudiant ? demanda l’homme.
— Bien deviné, répondit Ludovic.
— En quoi ?
— Marketing et communication.
— C’est à la mode, dit l’inconnu. Il y a beaucoup de besoins dans ce domaine.
— J’espère, répondit Ludovic. C’est le genre de formation qu’on fait pour trouver un emploi, en général.
— Pas par passion ?
— Non, répondit Ludovic. Je ne crois pas. C’est intéressant, mais aucun enfant ne rêve d’être chef de produit chez Danone ni responsable de la communication à la SNCF.
— Ce n’est pas faux.
L’homme cligna des yeux dans la lumière éblouissante du soleil rasant.
— Les enfants, poursuivit Ludovic, ça rêve d’être musicien ou jardinier, d’écrire des livres, de faire la justice ou de chanter…
— Vous rêviez de faire quoi, vous ?
— Plein de choses. Musicien. Poète.
— Et vous faites du marketing ?
— Ce n’est pas incompatible, insista Ludovic. Je fais partie d’un groupe, je travaille comme DJ le week-end, je suis livreur de pizzas certains soirs à Francheville, j’écris des poèmes.
— Je vois que vous n’avez pas abandonné vos rêves d’enfant, murmura l’homme d’un air pensif.
Ils commencèrent de marcher en direction de la gare. L’homme avait donc fait demi-tour et revenait sur ses pas.
— Et vous, qui êtes-vous ? interrogea Ludovic après un bref silence. Il gardait la tête baissée, l’air sombre, le regard dans le vague.
— Moi, je travaille dans la justice.
— La justice ? Vous êtes juge ? Avocat ?
— Justicier, dit l’homme.
— C’est un truc de cinéma, non ? lança Ludovic. Pas un métier.
— On peut dire les choses ainsi, reconnut l’homme. C’est certainement plus qu’un métier. Un sacerdoce.
— Comment devient-on justicier ? demanda Ludovic.
— Oh ! réagit l’homme. Je suis bien incapable de vous le dire. Ce n’est pas le genre d’orientation que l’on maîtrise, vous savez.
— Comment vous l’êtes devenu, vous ?
L’homme se planta devant Ludovic alors qu’ils abordaient la place Charles-Béraudier, l’esplanade qui s’étend devant la gare de la Part-Dieu. Le garçon s’immobilisa et leva la tête. Il trouva l’homme beau : il aimait sa maturité, son regard leu rempli d’idéal, son sourire sardonique empreint d’un certain mystère.
— Tout a commencé par une injustice. Un choc. Immense. Mais je ne peux pas en parler ici.
L’homme regarda ses pieds tandis que ses yeux s’embuaient. Ludovic était touché.
— Je suis à l’hôtel ici, poursuivit l’inconnu.
Il montrait un petit établissement intégré à la gare et annoncé par des lumières au néon.
— Si vous montez dans ma chambre, je vous expliquerai.
Ludovic avait tellement besoin que quelqu’un s’occupe de lui qu’il était prêt à suivre à l’hôtel n’importe quel homme ou garçon qui lui donnerait l’impression de pouvoir le prendre en charge. Qu’on ne s’y méprenne pas : la question n’était pas financière. Ludovic ne manquait pas d’argent. Non. Il avait simplement besoin d’une épaule où poser sa fatigue de la vie, d’un regard bienveillant, d’une main cares

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