Gang de flics
98 pages
Français

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Description

«  Mon nom est Alain Chemedikian. Durant plusieurs années je fus l'une des têtes du gang des ripoux. Un gang qui fit couler pas mal d'encre et courir beaucoup de flics, jusqu’à ce que la France découvre, abasourdie, une association contre-nature entre la police et le monde des voyous lyonnais.  »  Voici l’histoire d’un descendant d’immigrés arméniens, un fils d’ouvrier promis à un destin de maçon, mais qui va choisir la voie de la rébellion et de la délinquance. Avec ses deux amis d’enfance, il forme un gang de petits voyous. Mais lorsqu’un des membres du trio est assassiné par le gang des Lyonnais, leur vie bascule.Alain s’associe en 1985 avec un policier «  ripou  » que lui présente un parrain lyonnais. Leur nouveau gang va compter pas moins de 5 «  flics  », tous issus du même commissariat du centre-ville de Lyon  !  Un commissariat à la dérive dont le patron est «  tenu  » par un chantage d’ordre sexuel. À l’actif de ce gang inédit, pas moins de 55 braquages en 6 ans  : bars PMU, banques, supérettes… À l’aube, armés et cachés derrière des masques de vieillards ou d’hommes politiques célèbres, les truands se font remettre la caisse. En tout, le butin amassé est énorme  : 24 millions de francs  !Mais l’odyssée va finir dans le sang… Le gang tombe en 1990 dans les filets du commissaire Neyret et ses deux leaders sont condamnés à perpétuité.  Après 20 années de réclusion, libéré pour bonne conduite, Alain Chemedikian parle pour la première fois et raconte les coulisses d’une des plus incroyables affaires de l’histoire criminelle.Frédéric Ploquin est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire du grand banditisme et de la police. Il a notamment publié chez Fayard la trilogie Parrains et caïds ainsi que Les Gangsters et la République.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 juin 2020
Nombre de lectures 6
EAN13 9782380940169
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Pour Tiffany et Cyril, ma fille et mon fils
 
 
 
 
 

« Nos parents, immigrés arméniens, nous ont bien éduqués. Il n’y avait pas trop de sous à la maison, mais ma mère n’était pas prostituée et mon père n’était pas alcoolique. Ce n’est pas de leur faute si je suis parti en cacahouète. Je n’ai aucune circonstance atténuante. J’aurais évidemment préféré que certaines choses n’arrivent pas, mais je ne cherche pas non plus d’excuses. J’étais parfaitement conscient au moment des faits pour lesquels j’ai été condamné. »
CHAPITRE 1 L’inspecteur avait mis sa cagoule
Je connaissais Wurtz depuis l’école maternelle, c’est dire si j’avais eu le loisir d’éprouver sa confiance. Pour ce coup-là, un de plus dans une longue série, le rencard (le tuyau, si vous préférez) venait de lui. Peu de mes amis pouvaient se vanter d’avoir un tel sens de l’observation, surtout dans le domaine qui nous intéressait : celui du vol. Il n’était pas allé très loin pour mener ses investigations et je ne lui ai pas donné tort : le territoire le plus praticable pour un voleur n’est-il pas celui que l’on maîtrise le mieux, dont on connaît tous les recoins, le rythme et le pouls sur le bout des doigts ? Il est de ce fait le moins risqué, à condition bien sûr de ne pas croiser un voisin dans le feu de l’action !
La commune de Décines, à l’est de Lyon, était notre bac à sable depuis toujours. C’est là que nous avions grandi. Mais il ne s’agissait pas ce jour-là d’une partie de cache-cache. Wurtz, que j’appelais depuis toujours ainsi parce que c’était le nom de l’allée de notre enfance, avait longuement observé les abords d’une petite banque. Aujourd’hui disparu, l’établissement était situé rue de la République. Il jouxtait une boulangerie, ce qui avait son importance parce qu’il y a généralement du mouvement devant une telle enseigne, des voitures qui se garent le temps de prendre le pain.
De fidèle camarade, Wurtz était devenu mon associé occasionnel. Gamins, nous étions soudés. Lorsque nous montions sur un coup, ma vie dépendait de la sienne et réciproquement, mais il ne participerait pas à ce braquage, prudence oblige : il y avait une trop grande probabilité pour qu’un client de la banque ou de la boulangerie le reconnaisse. Car Wurtz n’était pas un voyou comme moi, il avait un pied dans le monde légal, celui où l’on rencontre des relations d’affaires avec un costume sur le dos, et même une cravate autour du cou, du moins à l’époque, les années 1980.
Wurtz avait suivi à la trace le gérant d’un supermarché, pour finir par constater que cet homme apportait régulièrement la recette de ses caisses dans cet établissement. Seul. En ce temps-là, béni pour les gens de mon espèce, les clients des grandes surfaces payaient presque tous en liquide. Les montants que ce gérant déposait sur son compte nous faisaient rêver. Si nous parvenions à lui faire lâcher sa sacoche, nous ne serions certainement pas déçus du contenu.
Je jubilais par avance en faisant part de ce projet à ceux que j’appelais alors mes « collègues », et qui faisaient équipe avec moi. J’avais fixé à trois le nombre de participants. Trois, c’était mon chiffre fétiche pour ce genre d’expéditions. Ni plus ni moins. Longtemps, nous avions opéré à trois, Monsieur Wurtz, comme je le surnommais parfois, et Chaïn, de son vrai nom Georges Manoukian, un ami d’enfance lui aussi, que nous n’avons pas pu sauver d’une mort violente, puisqu’il a été exécuté par balles, nous laissant brusquement orphelins – j’y reviendrai. Personne ne le remplacerait jamais, j’avais cependant opté pour d’improbables recrues. Le hasard des rencontres avait en effet mis sur mon chemin des policiers. Oui, des flics. Wurtz au chômage technique pour des raisons de sécurité, j’en avais mobilisé deux pour monter sur cette banque de Décines. J’allais dire « réquisitionné », mais je n’ai jamais eu la fibre d’un commissaire de police. D’ailleurs j’aurais tendance à dire que mes associés du moment n’avaient pas, eux non plus, une âme de flic – quelqu’un aurait voulu casser leur commissariat, ils ne s’y seraient pas forcément opposés. Je leur avais proposé de faire d’une pierre deux coups, et ils n’avaient exprimé aucune sorte de doute : la sacoche du gérant ET le coffre de la banque. J’ai toujours aimé enchaîner, tant qu’à faire de se retrouver dehors avec l’arme à la ceinture et les cagoules dans la poche, autant ramasser la mise le plus largement possible.
Du côté des moyens mobilisés, nous étions à peu près rodés. Nous avions prévu les deux véhicules de rigueur, volés, bien sûr – à l’époque dérober une voiture ne présentait pas de difficulté particulière. Pour le hold-up, une petite camionnette que j’avais aménagée comme d’habitude. Ou plutôt bricolée, puisque j’avais peint la vitre arrière de façon à la rendre opaque, non sans laisser une petite bande nous permettant de surveiller ce qui se passait à l’extérieur. Les plaques minéralogiques correspondaient à celles d’une voiture d’un modèle similaire, non déclarée volée, selon la technique, bien connue des voyous, de la « doublette ». Je n’étais certainement pas le seul à procéder ainsi, mais je débranchais aussi systématiquement le système électrique reliant la pédale de frein aux feux arrière. De cette façon, le conducteur d’une voiture de police lancée à notre poursuite pourrait plus difficilement anticiper nos manœuvres. Une sorte de brouillage qui nous permettait de gagner quelques précieux mètres.
Le second véhicule, l’habituelle voiture-relais, était ce jour-là une Renault 25. Je l’avais positionnée non loin de l’objectif, à moins d’un kilomètre, derrière un muret. Une fois le butin chargé, nous abandonnerions la camionnette à cet endroit afin d’égarer nos éventuels poursuivants. Toutes les patrouilles étant focalisées sur ce véhicule, c’était à ma connaissance la meilleure façon de rentrer à la maison sans encombre. Un classique, là encore. Le premier truc que l’on apprenait à l’école des voleurs. Il n’y a jamais eu de patron au sein de notre gang, pas de chef ni de grades comme dans les commissariats, mais je bénéficiais dans ce domaine d’une expérience que mes équipiers n’avaient pas encore accumulée, eux dont la profession les incitait plutôt à naviguer du bon côté de la ligne blanche, et même, le cas échéant, à veiller à ce que les citoyens respectent la loi.
Ce jour-là, le 1 er décembre 1987, rien ne se passe cependant comme prévu. Il pleut des cordes sur l’agglomération lyonnaise et je comprends vite que cette mauvaise météo nous sera défavorable. Au volant, l’inspecteur Richard Durastante a positionné notre camionnette devant la banque, sauf que les clients de la boulangerie sont trop rares, et que nous risquons, à trop nous attarder, d’attirer l’attention. Pas un acheteur de baguette ou de croissant pour faire écran, de toute la longueur de son véhicule, entre nous et notre objectif.
La rue est désespérément déserte. Pour tuer le temps, j’observe en silence le crâne de « Dude », comme on surnommait Durastante, couvert d’une cagoule prête à lui dissimuler le visage le moment venu. Pas très discrète, cette coiffe pouvait suffire à attirer l’attention d’une personne avisée, mais c’était sans doute déjà trop tard. Je n’avais d’ailleurs qu’une confiance toute relative en ce garçon qui n’aurait jamais dû s’embarquer avec nous dans cette affaire, raison pour laquelle je lui avais attribué la place de chauffeur.
La pluie qui ruisselait sur le pare-brise gênerait la vision d’un curieux éventuel, mais chaque minute qui passait jouait contre nous.
Que faisait le type du supermarché ? Normalement, cet homme était ponctuel. Le directeur de la banque avait-il détecté notre présence ? À travers la bande prévue à cet effet, je l’avais vu sortir à plusieurs reprises sur le pas de la porte de son établissement. Il avait regardé dans notre direction ; mon autre acolyte, Don-Jean Giovannetti, assis à côté de moi à même le plancher de la camionnette, avait eu la même désagréable impression. Lui n’était que simple enquêteur dans la maison poulaga (la police). Moins gradé que « Dude », il paraissait plus solide, mais son regard trahit à cet instant l’inquiétude. Nous sommes trop exposés, à découvert. Une diversion s’impose. Je me tourne vers notre chauffeur : « Dude, ça traîne trop ! Si tu allais jouer le promeneur ? Va faire un tour et essaye de voir si le type est dans le coin. Fais signe dès que tu le vois. On doit régler ça rapidement. Je ne le sens pas très bien… »
Tandis que l’inspecteur s’exécute malgré le froid et la pluie, le silence retombe dans notre fourgonnette. Pas un bruit, à part le clapotis de la pluie sur la carrosserie. Le gérant du supermarché était-il plus prudent et observateur que prévu ? On devient vite précautionneux quand on trimballe un paquet de fric, j’en sais quelque chose ! Le drôle de bonnet retroussé de Durastante lui avait-il mis la puce à l’oreille ? Heureusement que personne ne me voyait ! Avec mon blouson, doublé d’une grosse canadienne, ma cagoule et les lunettes de ski destinées à dissimuler mes trop identifiables épais sourcils, le passant aurait forcément pris peur. Je n’étais d’ailleurs pas si à l’aise que ça. Le timbre de ma voix était lui aussi facile à reconnaître, tellement que je redoutais de devoir prendre la parole lors de l’attaque…
« Je suis sûr que le directeur nous a vus. Il va appeler les deks (les condés, en verlan, autrement dit les flics). Il va faire le 17. On y va. On reviendra. »
J’ai glissé ces mots à voix basse à l’oreille de mon complice, mais Giovannetti, l’un des rares lycéens à ne pas avoir eu le bac en 1968, me rassure. Il ne voyait pas venir le danger.
Les événements s’accélèrent brusquement lorsque nous apercevons la silhouette tant attendue. Notre homme avance dans notre direction, se fige un bref instant, avant de rebrousser chemin au pas de course. Plus de doute, notre présence a été détectée. Soit par lui, soit par le directeur, je n’ai pas le temps de trancher, alors que Durastante, certainement

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