Folie @ Trois
135 pages
Français

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Description

Tout va bien pour le docteur Crissie Weil, psychiatre dynamique, qui se lance dans la télépsychiatrie via le réseau Internet, jusqu’à ce qu’une avocate folle emménage dans son immeuble. Ce n’est pas dans le tempérament de Crissie, de ne pas réagir quand on lui vole son mari et qu’on essaie de saboter son activité professionnelle. Rapidement, les deux femmes de ce thriller psychologique sont emportées dans une relation d’amour et de haine aux lisières de la folie. Apfeldorfer décrit ici des personnages dont la psychologie lui est familière: l’une est psychiatre, l’autre souffre de troubles du comportement alimentaire. Le récit est simple, efficace et troublant à mesure qu’on s’aperçoit que les plus fous ne sont pas ceux que l’on soupçonnait. Il entame aussi une réflexion sur la psychiatrie de demain puisque les nouveaux moyens de communication sont en train d’en révolutionner la pratique: aux États-Unis mais aussi en Italie et en Grande-Bretagne, de nombreuses structures de soins proposent des consultations à distance, et il existe déjà en France des services d’aide psychothérapique sur l’Internet. Gérard Apfeldorfer est psychiatre et psychothérapeute. Il a publié, aux éditions Odile Jacob, Maigrir c’est dans la tête.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 1999
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738164094
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB, AVRIL  1999
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr .
ISBN : 978-2-7381-6409-4
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Remerciements

Je remercie Sophie Chrisment, ma muse, sans qui ce livre ne serait pas. Sans Karine Toledano, mon éditrice occulte, ce livre ne serait pas ce qu’il est. Sans Catherine Meyer, ce livre ne serait ni éditable ni édité.
Que soit aussi remercié le docteur CarolJonas, pour ses précieuses indications juridico-médicales.
Je remercie encore Colette Apfeldorfer, Pascale Loisel, Michel Guy, mes premiers lecteurs, qui m’ont encouragé et m’ont prodigué leurs conseils.
Prologue

La plupart des personnes tentées par le suicide n’ont guère conscience qu’elles échoueront probablement là comme ailleurs. Ce ne fut pas le cas de Dominique Gonthier ; elle resta vivante, mais réussit son suicide .
Dominique avait fait les choses avec le sérieux et la compétence qui lui étaient habituels. Elle avait pris une chambre à l’hôtel Bristol, rue du Faubourg-Saint-Honoré, et avait accroché la pancarte « ne pas déranger » à l’extérieur. Elle s’était déshabillée, avait pris une douche rapide, s’était séché les cheveux, avait procédé à un maquillage léger. Puis elle avait extrait de sa petite valise de cabine, la même qui lui servait pour ses déplacements en avion, sa robe en Stretch bleu électrique, la plus belle qu’elle possédait, une taille cinquante-quatre faite tout spécialement à ses mesures et lui ayant coûté au moins cinq fois le prix normal ; elle l’avait revêtue après l’avoir au préalable soigneusement défroissée au moyen du petit fer à vapeur qu’elle laissait en permanence dans sa valise. Elle avait sorti une enveloppe cachetée, portant l’indication « pour Jacques » en caractères d’imprimerie, et l’avait posée sur la table de chevet, adossée au téléphone, de telle sorte qu’on ne puisse pas la manquer lorsqu’on entrerait dans la pièce. Elle avait ensuite soigneusement disposé les cinquante comprimés de somnifère et les cinquante comprimés d’antidépresseur selon un carré parfait sur l’écritoire du petit bureau et les avait contemplés un court instant. Enfin, elle avait sorti de la valisette une bouteille de vieille fine champagne, un cadeau professionnel reçu quelques années auparavant et auquel elle n’avait jamais touché toujours à l’abri dans son papier de soie, ainsi qu’un petit verre à cognac, lui aussi soigneusement emballé ; elle s’était servi un premier verre, et avait commencé à déglutir les comprimés un par un. Un comprimé de somnifère, une petite gorgée de cognac, puis un comprimé d’antidépresseur et une nouvelle gorgée de cognac. Nous avions donc là deux cents déglutitions : le côté mécanique de la chose, allié aux premiers effets de l’alcool et des médicaments, fit qu’elle avait déjà perdu la notion du temps, du lieu où elle se trouvait, et même de ce qu’elle était en train d’accomplir lorsque le téléphone sonna, puis qu’on se mit à tambouriner à sa porte .
Si Dominique n’était pas morte, c’est assurément parce qu’elle était une suicidante néophyte. Certains, fermement décidés à mourir, se disent que l’heure n’est plus à la mesquinerie, ce d’autant plus qu’ils comptent bien régler avec une carte de crédit. Pourquoi ne pas passer ses derniers moments sur cette terre dans une chambre spacieuse et propre, pourvue d’un lit confortable ? Si bien que lorsqu’une personne seule et l’air absent arrive à pied avec une valisette à la main, sans avoir au préalable fait de réservation, qu’elle demande une chambre pour une nuit, qu’il est clair que ni conjoint ni amant ne doivent la rejoindre, qu’elle tend au réceptionniste une carte de crédit délivrée par une agence bancaire parisienne, et qu’elle précise en outre qu’elle ne veut pas être dérangée, le premier geste du concierge, dès qu’elle a le dos tourné, consiste à appeler le détective de l’hôtel .
La règle veut que ce dernier laisse au client un délai raisonnable pour mettre en scène son acte avant d’intervenir. Rien de plus gênant, en effet, que d’arriver sur les lieux en avance, alors que le drame n’a pas débuté. Après une demi-heure, donc, le réceptionniste appelle, demande si tout va bien, si on n’a besoin de rien. Si personne ne répond, le détective s’en va écouter derrière la porte, histoire de vérifier que le client ne chantonne pas sous sa douche ou dans son bain. S’il n’entend rien, ou bien si ce ne sont que sanglots étouffés, il frappe à la porte. Si le client n’ouvre pas, il se sert de son passe .
Dominique avait donc été conduite à l’hôpital, et là, on avait procédé à un lavage d’estomac. Le bon côté des lavages d’estomac réside dans le fait que le patient, le plus souvent semi-comateux, ne garde qu’un souvenir confus des événements. Tout le reste n’est que mauvais côté : on vous assoit devant un lavabo, on vous enfile, malgré vos molles protestations, un tuyau en caoutchouc dans l’estomac, on y adapte une grosse ampoule de verre qu’on lève au-dessus de votre tête et qu’on remplit d’eau au moyen d’un broc. Lorsque tout se passe bien, l’eau descend alors directement dans votre estomac. On abaisse ensuite l’ampoule ; grâce au principe d’Archimède et à vos soubresauts abdominaux, votre contenu stomacal est alors évacué dans un seau prévu à cet effet. On recommence l’opération jusqu’à ce qu’une eau raisonnablement claire sorte du tuyau. On vous met alors dans un lit, on vous prend le pouls, la tension, on vous fait une prise de sang, on vous pose une perfusion et on vous laisse vous endormir, pour mieux revenir vous torturer quelques heures plus tard .
Ces petites tracasseries médicales – piqûres et perfusions, sondages urinaires, sempiternelles prises de tension, examens et palpations d’un corps dépouillé de tout artifice, à peine voilé par une chemise ridicule impossible à fermer – ne sont rien. Les questions stupides d’une secrétaire administrative demandant la date de naissance et le nom de jeune fille de votre mère, ou votre numéro de Sécurité sociale et à quelle caisse vous êtes affilié ne sont rien. Les questions maladroites d’apprentis médecins, du genre « et avant cet épisode, avez-vous déjà été malade ? » ou bien « êtes-vous dépressif ? » ne sont rien non plus. Les questions du médecin ou du psychologue de service sur les raisons de votre geste ne sont toujours rien. Votre suicide reste durant tout ce temps une chose abstraite, qui peut se résumer en quelques phrases : « je me suis suicidé parce que je n’ai plus de goût à rien », « je me suis suicidé pour qu’eux, tous autant qu’ils sont, prennent conscience de la souffrance qu’ils m’infligent », « je me suis suicidé parce que je ne vaux rien et que je me déteste » .
En fait, jusque-là, tout va bien. Vous êtes dans les limbes. Vous n’avez pas encore compris le principal, à savoir que vous êtes toujours vivant, qu’il va falloir reprendre les choses là où vous les aviez laissées. C’est en règle générale lorsque vos proches font leur apparition au pied de votre lit, le visage revêtu de cet air de commisération qu’ils jugent de circonstance, que vous prenez enfin la dimension de votre échec, et que montent en vous d’amers regrets de n’avoir pas été plus adroit. Des larmes vous viennent aux yeux, tandis que tous ces idiots autour de vous assurent que rien de tout cela n’est grave, que vous êtes tiré d’affaire, que tout va désormais très bien se passer. Deux cas de figure sont alors possibles : le plus souvent, votre long calvaire, la souffrance accumulée des derniers mois, des dernières années, votre situation de faiblesse actuelle, tout cela vous donne tout à coup envie de croire à nouveau en ces personnes qui vous avaient pourtant si profondément déçues. Vous tombez dans leurs bras, agréez à leurs promesses fallacieuses ; ils sourient, conscients d’avoir gagné cette manche .
Mais il arrive parfois que le suicidé ne soit pas dupe. Il garde ses distances, reste sur son quant-à-soi. Le suicide devient un acte fondateur. Il y a l’avant du suicide, et son après. L’avant apparaît comme noyé dans la brume ; c’était une autre vie, un autre moi. L’après émerge lentement. Au début, vous vous dites que vous n’avez fait que reculer pour mieux sauter, que vous vous y prendrez mieux la prochaine fois. Puis, curieusement, l’appétit de vivre revient et vous vous dites que votre vie, à partir de maintenant, est comme une vie supplémentaire, un cadeau qui vous est fait. Votre avatar précédent est bel et bien décédé, vous êtes mort et c’est un autre soi qui renaît. Un être délié de ses obligations antérieures, libre de faire ce que bon lui semble, juste comme il l’entend. Vous ne devez plus rien à personne. Vous souriez à l’idée des infinies possibilités qui s’offrent désormais à vous. Votre entourage, naïf, en conclut que le mauvais moment est passé, que tout va redevenir comme avant. En fait, jamais, jamais plus ! En somme, vous avez réussi votre suicide et qui plus est, vous êtes toujours vivant. Félicitations.
Le premier à accourir, la mine enfarinée, avait été Jacques. Dominique faillit un moment succomber aux sirènes de la facilité : il semblait si gentil, si triste, si attentionné. Croire en ses promesses serait si simple, si confortable, si reposant. Puis Jacques lui fit le coup du « que deviendrais-je sans toi », et Dominique s’aperçut qu’elle se moquait totalement de ce que Jacques

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