Fermé pour l’hiver
223 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Les chalets du comté de Vestfold, qui servent de résidence estivale aux Norvégiens aisés, sont fermés pour la morte saison, et ont été la cible d’une série de cambriolages… Lorsqu’un homme cagoulé est retrouvé assassiné dans le chalet d’un célèbre présentateur de télévision, William Wisting, inspecteur de la police criminelle de Larvik, une ville moyenne située à une centaine de kilomètres au sud-ouest d’Oslo, est chargé de l’enquête. Mais la disparition du corps avant son autopsie et l’incendie d’un appartement, détruisant des indices essentiels, risquent d'anéantir tous ses efforts. La situation se complique encore puisque la propre fille de Wisting se voit mêlée malgré elle à cette affaire. Après s’être séparée de son petit ami, la jeune journaliste se réfugie dans le chalet que son père a hérité d’un oncle, à quelques kilomètres du lieu du crime. Lors d’une promenade, elle découvre un corps sans vie dérivant dans un bateau, les yeux dévorés par les oiseaux…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 mars 2018
Nombre de lectures 221
EAN13 9782072782404
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jørn Lier Horst
Fermé pour l'hiver
Traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier
Gallimard


Né en 1970, Jørn Lier Horst est un ancien officier de police. Les enquêtes de William Wisting, traduites en vingt-six langues, ont fait de lui un des auteurs les plus populaires de Scandinavie, avec plus de deux millions et demi de livres vendus et de nombreux prix à la clé (le Glass Key, le Riverton Prize ou encore le Swedish Academy of Crime Writers Award). Une adaptation est en cours, par les producteurs de Millénium et de la série TV Wallander .



1

Le brouillard déferlait de la mer en bancs épars. Vapeur au-dessus de l'asphalte mouillé, il créait de petits halos autour des réverbères.
Ove Bakkerud conduisait avec une seule main sur le volant. Autour de lui, l'obscurité enveloppait le paysage.
Il aimait cette époque de l'année, avant la chute des feuilles. Le dernier séjour au chalet de Stavern, pour clouer les panneaux devant les fenêtres, remonter le bateau et fermer pour l'hiver. C'était une perspective à laquelle il se réjouissait pendant tout l'été. Son week-end à lui. Le travail lui-même ne prenait que deux ou trois heures le dimanche après-midi. Et le reste du temps lui appartenait.
Il ralentit, quitta la route principale pour rouler sur le gravier crissant. La lumière des phares glissa sur la haie d'églantiers le long du chemin qui menait au parking. L'horloge du tableau de bord indiquait 21 : 37 quand il coupa le contact, sortit de la voiture et respira l'odeur rafraîchissante de l'air marin. Les vagues qui battaient le rivage grondaient comme un tonnerre lointain.
La pluie s'était arrêtée et le vent venait à présent en rafales aiguës qui désagrégeaient la brume. Le cône de lumière du phare de Tvistein balayait régulièrement la terre ferme et déposait des étincelles sur les rochers humides.
Il referma son blouson sur sa poitrine, alla derrière la voiture et sortit les sacs de provisions du coffre. Il était heureux à l'idée de manger du steak saignant au dîner, des œufs au plat et du bacon au petit déjeuner. Des plats virils. Il plongea sa main libre dans sa poche pour s'assurer que la clef y était et s'engagea sur le sentier qui montait au chalet sur l'éminence. Une légère côte et la mer entière se déployaient devant lui. Il faisait sombre, mais il sentait le vaste panorama. Ce qui l'emplissait toujours d'une paix caractéristique.
Quand la famille avait acheté le chalet près de vingt ans auparavant, ce n'était qu'une cabane peinte en rouge, avec infiltrations et sans isolation. Sitôt qu'ils en avaient eu les moyens, il avait détruit le chalet entier pour en reconstruire un autre sur les anciennes fondations. De fil en aiguille, sa femme et lui avaient forgé leur paradis personnel. Dès les premières années, pendant lesquelles il consacrait tout son temps libre à la construction, cet endroit était devenu un lieu où il pouvait se détendre, respirer, se déconnecter. Un lieu où l'heure qu'il était ne comptait pas, où le temps empruntait ses propres voies, au gré de la météo et de son bon vouloir.
Il déposa les sacs de vivres sur les dalles d'ardoise devant le chalet et chercha ses clefs. La lumière du phare atteignit la façade avant de disparaître de nouveau. Ove Bakkerud se figea, retint son souffle. Sa main droite resserra sa prise autour du trousseau. La bouche sèche, il sentit la chair de poule se répandre sur ses avant-bras et dans sa nuque.
Le faisceau lumineux repassa, comme pour confirmer ce qu'il avait entrevu. La porte entrebâillée. Le montant éclaté. Le verrou par terre.
Il regarda autour de lui, mais ne vit que l'obscurité. Il entendit un bruit dans les fourrés, une branche qui cassait. Quelque part au loin, un chien aboyait. Puis le silence se fit. Rien que le bruissement du vent dans les feuilles d'automne et les vagues qui s'écrasaient sur la plage.
Ove Bakkerud fit un ou deux pas en avant, saisit le sommet du battant et tira la porte. Puis il tâtonna jusqu'à l'interrupteur et alluma la lanterne extérieure et le plafonnier de l'entrée.
Avec sa femme, ils avaient parlé de la possibilité d'une effraction. Il avait lu dans les journaux que des bandes de jeunes pénétraient dans des chalets pour en détruire le mobilier et que des gangs plus professionnels en quête de biens de valeur y effectuaient des razzias et écumaient des lotissements entiers. Pourtant il peinait à croire ce qu'il vivait à présent. Il avait le sentiment d'un outrage fait aux lieux. Leurs lieux.
C'était le salon qui avait subi le pire. Tiroirs et placards étaient ouverts et leur contenu balancé à tout-va dans toute la pièce. Verres et assiettes brisés, coussins de canapé jetés pêle-mêle. Tout ce qui était vendable avait disparu. Le nouvel écran plat, la chaîne et la radio. Le placard dans lequel il conservait vins et alcools était vide. Seul demeurait une bouteille de cognac entamée.
Il se baissa et ramassa le bateau en bouteille qui reposait habituellement sur le manteau de la cheminée, mais gisait maintenant sur le sol, le verre fendu d'une longue fissure. Deux des mâts du frêle voilier étaient cassés. Il se souvenait des heures passées à contempler les doigts épais de son grand-père paternel qui, miraculeusement, avaient transformé les petites pièces en un véritable navire. L'instant où, le bateau en place dans la bouteille, son grand-père avait tiré les fils et dressé les mâts.
Sa voix tremblait lorsqu'il téléphona à la police et se présenta.
— À quand remonte votre dernière visite au chalet ? s'enquit l'opérateur.
— À deux semaines.
— Le cambriolage a donc eu lieu après le 19 septembre ?
Ove Bakkerud promena son regard sur le chaos laissé par les cambrioleurs. Il se sentit soudain totalement exsangue.
— Savez-vous s'ils sont allés dans d'autres chalets ?
— Non, répondit Ove Bakkerud en regardant par la fenêtre.
Le chalet de Thomas Rønningen était éclairé.
— Je viens d'arriver.
— Nous pouvons envoyer une patrouille regarder ça demain, poursuivit l'opérateur de la police. Entre-temps, ce serait bien que vous touchiez le moins de choses possible.
— Demain ? Mais…
— Êtes-vous joignable au numéro affiché ? Nous vous appellerons quand nous aurons un véhicule disponible.
Il ouvrit la bouche pour protester, exiger une intervention avec chiens et police scientifique, mais se tint coi. Il déglutit, remercia de l'aide reçue et raccrocha.
Par où commencer ? Il alla chercher une pelle et un balai dans la cuisine. Puis se souvint de l'injonction de laisser les lieux intacts. Il reposa tout et resta à la fenêtre à observer le chalet voisin.
Il était surpris de voir la lumière allumée. Thomas Rønningen ne venait pas souvent en automne. Présentateur d'un grand talk-show du vendredi soir, c'était un homme occupé. Il avait néanmoins pris le temps de célébrer l'émission de la rentrée en août. Rønningen et lui avaient alors siroté un cognac devant la cheminée extérieure et le présentateur lui avait raconté des anecdotes sur tout ce qui se passait dans les coulisses avant, pendant et après l'antenne.
Une ombre fila devant les grandes fenêtres illuminées du salon de Rønningen. Les cambrioleurs avaient pu y aller aussi. Ils y étaient peut-être encore. Il se dirigea à longues enjambées vers la porte et saisit au passage la lampe de poche qui était indemne à sa place habituelle. La police changerait peut-être ses priorités si elle apprenait que Thomas Rønningen aussi était touché.
Le sentier qui descendait à la mer sinuait entre des broussailles denses et des pins tortueux à ramure compacte. La torche illuminait des racines et des galets polis, mais elle ne l'empêcha pas de s'égratigner sur des aiguilles de pin et des ramilles.
Bien qu'éclairées, les fenêtres de ce côté étaient placées trop haut sur le mur pour qu'il puisse voir à l'intérieur.
Il laissa la lumière de la torche errer sur le sol avant de rejoindre l'escalier qui menait à l'entrée. Le vent saisit la porte et la claqua contre le garde-corps de la terrasse. Un sentiment d'inquiétude intense s'empara de lui et secoua sa nuque et son dos de frissons. Il prit conscience qu'il n'avait rien pour se défendre.
La lumière de la torche arriva sur le chambranle. Qui portait les mêmes traces d'effraction que le montant de sa propre porte, à une différence près.
Ce battant-ci était maculé de sang.



2

La journée avait été longue.
Sur le canapé, William Wisting était penché en avant, les yeux rivés à la clef posée sur la table devant lui. Elle était corrodée, n'avait pas été utilisée de longue date.
Puis il se leva et traversa le salon. Dehors, le passage d'une averse subsistait sous forme de gouttelettes serrées sur la vitre. Un véhicule d'urgence progressait cahin-caha à travers les rues de Stavern. Le gyrophare fendait rythmiquement l'obscurité sans qu'il soit possible de déterminer s'il s'agissait d'une voiture de police ou d'une ambulance. Il la suivit du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse sur Helgeroaveien. Puis il se retourna et sortit une bouteille du placard d'angle. Espagnole, d'après ce qu'il voyait. Le millésime 2004 était inscrit en lettres d'or sur l'étiquette. C'était une bouteille qu'il avait reçue l'automne précédent au terme d'une conférence auprès de l'association des commerçants, lui semblait-il se souvenir. Elle avait l'air chère et le repos ne lui avait sûrement pas nui. Il aimait le vin, mais n'avait jamais montré assez d'inclination ou disposé de suffisamment de temps pour s'intéresser aux cépages, aux producteurs, aux régions vinicoles, à ce qui se mariait bien avec tel ou tel plat ou pouvait se boire sans accompagnement. Il lui suffisait de reconnaître un bon vin quand il en goûtait un.
— Baron de Oña ? suggéra-t-il à voix haute en regardant vers le canapé.
Suzanne lui sourit en faisant oui de la tête. Il lui rendit son sourire. Entrée dans sa vie deux ans auparavant, elle y avait pris une grande place. Une semaine plus tôt, une fuite dans sa maison avait eu

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