Fantôme (L inspecteur Harry Hole)
312 pages
Français

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Fantôme (L'inspecteur Harry Hole) , livre ebook

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312 pages
Français

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Description

Harry Hole avait choisi de fuir la Norvège et ses échecs. Aujourd’hui il doit revenir à Oslo pour enquêter sur le meurtre d’un dealer dont l'assassin ne serait autre qu’Oleg, son fils adoptif. Ses investigations le conduisent dans les bas-fonds d’une ville ravagée par la fioline, une nouvelle drogue terriblement addictive. La police et le pouvoir politique semblent indifférents au problème. Ne pouvant compter que sur lui-même pour se battre contre un système corrompu, Harry doit également affronter ses ennemis intimes : ses propres fantômes…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 octobre 2014
Nombre de lectures 45
EAN13 9782072549120
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

FOLIO POLICIER
Jo Nesbø
Fantôme
Une enquête de l’inspecteur Harry Hole
Traduit du norvégien par Paul Dott
Gallimard
Né en 1960, d’abord journaliste économique, musicien, auteur interprète et leader de l’un des groupes pop les plus célèbres de Norvège, Jo Nesbø a été propulsé sur la scène littéraire en 1997 avec L’homme chauve-souris , récompensé en 1998 par le Glass Key Prize attribué au meilleur roman policier nordique de l’année. Il a depuis confirmé son talent en poursuivant les enquêtes de Harry Hole, personnage sensible, parfois cynique, profondément blessé, toujours entier et incapable de plier. On lui doit notamment Rouge-Gorge , Rue Sans-Souci ou Les cafards initialement publiés par Gaïa Éditions, mais aussi Le sauveur , Le bonhomme de neige , Chasseurs de têtes et Le léopard , tous parus en Folio Policier.
PREMIÈRE PARTIE
Chapitre 1

Les cris l’appelaient. Telles des lances sonores, ils transperçaient tous les autres bruits du soir dans le centre d’Oslo, le ronronnement régulier de la circulation sous les fenêtres, la sirène lointaine qui montait et descendait, les cloches de l’église qui venaient de se mettre à sonner. C’était maintenant, à la tombée de la nuit, et éventuellement juste avant le lever du soleil, qu’elle partait en quête de nourriture. Elle promena son nez sur le linoléum crasseux de la cuisine. Enregistra et classa à toute vitesse les odeurs en trois catégories : comestibles, menaçantes ou sans intérêt pour la survie. Le parfum âcre de la cendre de tabac. Le goût doucereux et sucré du sang sur un coton. L’exhalaison amère de la bière dans une capsule de Ringnes. Des molécules de soufre, de salpêtre et de dioxyde de carbone s’élevaient d’une douille métallique vide adaptée à une balle de 9 x 18 mm, appelée aussi Makarov, d’après le pistolet pour lequel le calibre avait été conçu. La fumée d’un mégot encore chaud à filtre jaune et papier noir frappé de l’aigle impérial russe. Le tabac était comestible. Et là : des effluves d’alcool, de cuir, de graisse et d’asphalte. Une chaus sure. Elle la flaira et constata qu’elle se laissait moins facilement manger que le blouson dans le placard, celui qui sentait l’essence et l’animal en décomposition dont il était fait. Son cerveau de rongeur se concentra donc sur la façon de franchir l’obstacle devant elle. Elle avait essayé par les deux côtés, tenté de glisser son corps de vingt-cinq centimètres et de moins de cinq cents grammes. En vain. L’obstacle gisait sur le flanc, dos au mur, et l’empêchait d’accéder au trou menant à son nid et à ses huit nouveau-nés aveugles et nus qui réclamaient de plus en plus bruyamment ses mamelles. La montagne de viande sentait le sel, la sueur et le sang. C’était un être humain. Un être humain vivant ; ses oreilles sensibles lui permettaient de distinguer les faibles battements de cœur sous les hurlements affamés de ses petits.
Elle avait peur, mais elle n’avait pas le choix. Nourrir sa progéniture passait avant tous les dangers, tous les autres instincts, au prix de tous les efforts. Elle s’immobilisa donc le nez en l’air, dans l’attente de la solution.
Les cloches sonnaient en rythme avec le cœur humain. Un coup. Deux. Trois, quatre…
Elle découvrit ses dents de rongeur.
 
Juillet. Merde. On ne meurt pas en juillet. J’entends vraiment les cloches d’une église ou y avait un hallucinogène dans ces saletés de balles ? OK, c’est la fin. Et qu’est-ce que ça peut foutre ? Ici ou ailleurs. Maintenant ou plus tard. Mais méritais-je vraiment de mourir en juillet ? Sur fond de chants d’oiseaux, de tintements de bouteilles, de rires au bord de l’Akerselva et de foutu bonheur estival juste sous mes fenêtres ? Méritais-je de me retrouver par terre dans une piaule de junkie infecte, avec un trou de trop dans le corps, par lequel tout s’écoule : la vie, les secondes et les flash-back de tout ce qui m’a conduit ici ? Les grandes et les petites choses, la masse de hasards et de choix qui n’en étaient pas tous. Est-ce moi, est-ce tout, est-ce ça, ma vie ? J’avais des projets, non ? Maintenant, il reste un sac de poussière, une blague sans chute, si courte que j’aurais eu le temps de la raconter avant que cette foutue cloche arrête de sonner. Ah, saloperie de lance-flammes ! Personne ne m’avait dit que ça ferait si mal de mourir. T’es là, papa ? Te barre pas, pas maintenant. Écoute la blague : Je m’appelle Gusto. J’ai vécu jusqu’à l’âge de dix-neuf ans. T’étais un sale type, qui s’est tapé une sale bonne femme. Neuf mois plus tard, j’ai débarqué et j’avais pas eu le temps de dire « papa ! » qu’on me confiait à une famille adoptive. Là-bas, j’ai fait toutes les conneries que j’ai pu, et eux, ils ne faisaient que m’envelopper un peu plus dans leur étouffante couverture de sollicitude, et me demander ce que je voulais pour me tenir tranquille. Une foutue glace ? Ils n’étaient pas fichus de comprendre que les gens comme toi et moi devraient être exécutés à la naissance, exterminés comme la vermine, que nous transmettons mort et maladies, et nous reproduisons comme des rats dès que l’occasion se présente. Ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Mais ils veulent aussi quelque chose. Comme tout le monde. J’avais treize ans la première fois que je l’ai vu dans les yeux de ma mère adoptive : ce qu’elle voulait.
« Comme tu es beau, Gusto », elle a dit. Elle était entrée dans la salle de bains — j’avais laissé la porte ouverte, sans faire couler la douche, pour éviter que le bruit la mette en garde. Elle est restée une seconde de trop avant de ressortir. Et j’ai ri, car à ce moment-là je savais. Voilà mon talent, papa : je sais ce que veulent les gens. Est-ce que je le tiens de toi ? Étais-tu comme ça, toi aussi ? Une fois qu’elle est sortie, je me suis regardé dans le miroir de la salle de bains. Elle n’était pas la première à le dire. Que j’étais beau. J’étais plus précoce que les autres garçons. Grand, mince, déjà large d’épaules et musclé. Des cheveux noirs et luisants, comme si la lumière ricochait dessus. Pommettes hautes. Menton carré. Une grande bouche avide, mais des lèvres pulpeuses comme celles d’une fille. Peau hâlée et lisse. Yeux marron, presque noirs. « Rat brun », m’avait surnommé un garçon de la classe. Didrik, c’était ça, son nom ? Il voulait devenir pianiste professionnel, en tout cas. Je venais d’avoir quinze ans et il l’avait dit tout haut dans la classe. « Ma parole, le rat brun ne sait même pas lire correctement. »
Je me suis contenté de rire, je savais pourquoi il le disait, bien sûr. Ce qu’il voulait. Kamilla, dont il était secrètement amoureux, était un peu moins secrètement amoureuse de moi. À la fête de classe, j’avais pu tâter ce qu’elle avait sous le pull. Pas grand-chose. J’en avais parlé à deux ou trois gars, Didrik l’avait su, et il avait décidé de me mettre sur la touche. Je ne tenais certes pas forcément à faire partie d’un groupe, mais l’éviction, c’est l’éviction. Alors je suis allé voir Tutu au club de motards. J’avais déjà dealé du shit pour eux à l’école, et je leur ai expliqué que si je voulais faire mon boulot correctement, il fallait qu’on me respecte. Tutu m’a dit qu’il allait s’occuper de Didrik. Lequel n’a par la suite jamais voulu expliquer à qui que ce soit comment il avait réussi à se coincer deux doigts juste au-dessous de la charnière supérieure de la porte des chiottes des garçons. Mais il ne m’a plus jamais appelé rat brun. Et — d’ailleurs — il n’est jamais devenu pianiste profes sionnel. Putain, ce que ça fait mal ! Non, c’est pas du réconfort qu’il me faut, papa, c’est un shoot. Juste un dernier shoot, et puis je quitterai ce monde bien tranquillement, promis. La cloche sonne de nouveau. Papa ?
Chapitre 2

Il était près de minuit à l’aéroport d’Oslo Gardermoen, quand le vol SK-459 en provenance de Bangkok vira sur sa place attribuée à la porte 46. Le commandant de bord, Tord Schultz, immobilisa l’Airbus A340 et coupa sans tarder l’arrivée de carburant. Le hurlement métallique des moteurs baissa, jusqu’à ronronner gentiment puis s’éteindre. Tord Schultz regarda machinalement l’heure, les roues avaient touché le sol depuis trois minutes quarante secondes, douze minutes d’avance sur l’horaire. Le commandant et son copilote entamèrent la procédure d’arrêt et de parking, puisque l’avion devait rester au hangar cette nuit. Avec la marchandise. Il feuilleta le journal de bord. Septembre 2011. À Bangkok, la saison des pluies n’était pas terminée, la chaleur était étouffante, comme d’habitude, et Schultz avait attendu avec impatience de pouvoir rentrer profiter des premières soirées de fraîcheur de l’automne. Oslo en septembre. Pas de meilleur endroit sur terre. Il remplit la rubrique « Carburant restant ». La comptabilité du carburant. Il avait déjà été obligé de fournir des explications à ce sujet. De retour d’Amsterdam ou de Madrid, quand il avait volé plus vite que ne le préconisait le bon sens économique et flambé des dizaines de milliers de couronnes en kérosène pour arriver à l’heure prévue. Le chef pilote avait fini par le convoquer.
« Arriver à l’heure pour quoi ? avait-il rugi. Aucun de tes passagers n’avait de correspondance !
— La compagnie aérienne la plus ponctuelle du monde, avait grommelé Tord Schultz, citant leur publicité.
— La compagnie aérienne aux finances les plus merdiques du monde ! C’est tout ce que t’as trouvé comme explication ? »
Tord Schultz avait haussé les épaules. Il ne pouvait bien sûr pas dire les choses comme elles étaient, qu’il avait ouvert en grand les vannes de kérosène parce qu’il avait lui-même un impératif horaire. Le vol qu’il devait assurer, à destination de Bergen, Trondheim ou Stavanger. Qu’il était crucial que ce soit lui et pas un autre qui fasse le voyage.
Il était trop âgé pour risquer autre chose qu’une bonne engueulade. Il avait évité les fautes graves, le syndicat prenait soin de lui, et il ne lui restait que quelques petites années avant d’atteindre les deux cinq, cinquante-cinq ans, et son départ en retraite. Tord S

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