Du sang sur la glace (Tome 2) - Soleil de nuit
114 pages
Français

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Du sang sur la glace (Tome 2) - Soleil de nuit , livre ebook

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Description

Chargé de recouvrer les dettes pour le Pêcheur, le trafiquant de drogue le plus puissant d’Oslo, Jon Hansen succombe un jour à la tentation : l’argent proposé par un homme qu’il est chargé de liquider lui permettrait peut-être de payer un traitement expérimental pour sa petite fille, atteinte de leucémie. En vain… Trouvant refuge dans un petit village du Finnmark, le comté le plus isolé de Norvège, et alors qu’il est persuadé d’avoir tout perdu, Jon croise la route de Lea (dont le mari violent vient de disparaître en mer) et de son fils de dix ans, l’espiègle Knut… Une rédemption serait-elle possible? Mais on ne trahit pas impunément le Pêcheur. Et 'rien de pire qu’une balle dont on ne sait pas quand elle va arriver…'

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 septembre 2018
Nombre de lectures 19
EAN13 9782072797576
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0374€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jo Nesbø
Soleil de nuit
Du sang sur la glace, II
Traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier
Gallimard


Ancien footballeur, musicien, auteur interprète et économiste, Jo Nesbø est né à Oslo en 1960. Il a été propulsé en France sur la scène littéraire avec L'homme chauve-souris , sacré en 1998 meilleur roman policier nordique de l'année. Il a depuis confirmé son talent en poursuivant sa série consacrée à Harry Hole. Il est également l'auteur de Chasseurs de têtes , Du sang sur la glace , Le fils et Soleil de nuit .



1

Par où commencer ce récit ? J'aurais voulu pouvoir dire par le début. Mais je ne sais pas où est le début. Pas plus que quiconque je ne connais les véritables liens de causalité de ma propre vie.
Dois-je commencer quand j'ai compris que je n'étais que le quatrième meilleur footballeur de ma classe ? Quand Basse, mon grand-père, m'a montré ses dessins – ses dessins à lui – de la Sagrada Familia ? Quand j'ai tiré ma première bouffée de cigarette et entendu ma première chanson du Grateful Dead ? Quand j'ai étudié Kant à la fac et cru que j'avais compris ? Quand j'ai vendu ma première barrette de haschich ? Ou bien les choses ont-elles commencé quand j'ai embrassé Bobby – qui en l'occurrence est une fille – ou encore la première fois que j'ai eu en face de moi le petit être fripé qui hurlait à pleins poumons et qui allait recevoir le nom d'Anna ? À moins que ce n'ait été dans l'arrière-boutique du Pêcheur quand il m'a expliqué ce qu'il voulait que je fasse ? Je ne sais pas. On se fabrique des histoires avec une tête et une queue, une logique inventée, pour que la vie puisse sembler avoir un sens.
Alors autant commencer ici, en pleine confusion, à un endroit où le destin paraît marquer un instant de pause, retenir son souffle. À un moment où je songeai une seconde que j'étais en route, et pourtant arrivé.
 
Je descendis de l'autocar au milieu de la nuit. Plissai les paupières face au soleil. Il lambinait au nord, au-dessus d'une île. Rouge, éteint. Comme moi. Derrière lui, encore de l'eau. Et ensuite, le pôle Nord. Peut-être était-ce là un lieu où ils ne me trouveraient pas.
Je regardai autour de moi. Dans les trois autres directions descendaient vers moi des collines basses. Bruyères rouges et vertes, rochers et deux ou trois bouquets de petits bouleaux. À l'est, le continent, rocheux et plat, s'écoulait dans la mer ; au sud-ouest il semblait tranché au couperet là où commençaient les flots. Environ cent mètres au-dessus de la mer d'huile naissait un plateau, un paysage ouvert qui s'étirait vers l'intérieur. Le Finnmarksvidda. Le trait, comme disait mon grand-père, s'arrêtait là.
Le chemin de terre menait à un groupe de maisons. La seule chose qui dépassait un tant soit peu était le clocher de l'église. Je m'étais réveillé sur mon siège au moment où nous dépassions, à côté d'un ponton en bois, un panneau avec l'inscription Kåsund . J'avais pensé « pourquoi pas ? » et tiré sur le cordon au-dessus de la fenêtre pour allumer le signal d'arrêt au-dessus du chauffeur.
J'enfilai ma veste de costume, attrapai mon sac en cuir et me mis à marcher. Dans la poche de ma veste, le pistolet battait contre ma hanche. Directement sur l'os. J'avais toujours été trop maigre. Je m'arrêtai pour abaisser la ceinture-portefeuille sous ma chemise afin d'amortir les coups avec les billets.
Le ciel était sans nuage et l'air si limpide que j'avais le sentiment de voir loin. Aussi loin que les yeux peuvent voir, comme on dit. Il paraît que le Finnmarksvidda est beau. Je n'en sais rien. N'est-ce pas ce qu'on a coutume de dire des endroits inhospitaliers ? Afin de se prévaloir d'une dureté à l'épreuve, d'une connaissance, d'une supériorité, à l'instar des gens qui se targuent d'aimer la musique insaisissable ou la littérature illisible. Oh, je l'avais moi-même fait. Pensant que cela compenserait peut-être certaines de mes insuffisances. À moins que ce qualificatif ne soit simplement voulu comme une consolation pour ceux qui sont réduits à vivre sur le Finnmarksvidda : « C'est si beau ici. » Car qu'y a-t-il de si beau dans ce paysage plat, monotone, aride ? C'est Mars. Un désert rouge. Inhabitable et laid. La cachette parfaite. Avec un peu d'espoir.
Sur le bas-côté, les branches d'un bosquet remuèrent. L'instant suivant, quelqu'un franchissait d'un bond le fossé pour atterrir sur la route. Ma main eut le réflexe de s'emparer du pistolet, mais je l'arrêtai, ce n'était pas l'un d'eux. Ce type avait l'air d'un joker tout droit sorti de son jeu de cartes.
« Bonsoir ! » me lança-t-il.
Il se dirigea vers moi dans un singulier dandinement, les jambes arquées au point que je voyais la route derrière lui entre ses genoux. Quand il approcha, je m'aperçus toutefois que ce n'était pas la coiffe d'un bouffon qu'il avait sur la tête, mais un bonnet same. Bleu, rouge, jaune, ne manquaient que les grelots. Il portait des bottes en peau claire et son anorak était parsemé de bouts d'adhésif noir et de déchirures d'où s'échappait un contenu marronnasse évoquant davantage la ouate d'isolation que les plumes.
« Je vous prie de m'excuser de vous poser la question, mais qui êtes-vous donc ? »
Il mesurait au moins deux têtes de moins que moi. Son visage était large, son sourire ample et ses yeux légèrement bridés, comme ceux d'un Asiatique. En superposant toutes les préconceptions que les gens d'Oslo ont des Sames, on aurait obtenu ce gars-là.
« Je suis arrivé par le car, expliquai-je.
— J'ai vu ça. Je suis Mattis.
— Mattis, répétai-je lentement pour gagner quelques secondes et réfléchir à son inévitable question suivante.
— Et vous, qui êtes-vous ?
— Ulf. »
Ce nom en valait bien un autre.
« Et que venez-vous faire à Kåsund ?
— Juste en visite, répondis-je avec un signe de tête vers le hameau.
— Visite à qui ? »
Je haussai les épaules.
« Personne en particulier.
— Vous êtes de l'Agence de la faune sauvage ou prédicateur ? »
Je ne sais pas à quoi ressemblent les employés de l'Agence de la faune sauvage, mais je secouai la tête et me passai la main dans mes longs cheveux de hippie. À couper, peut-être. Je me ferais moins remarquer.
« Je vous prie de m'excuser de vous poser la question, fit-il encore, mais qu'êtes-vous, alors ?
— Chasseur. »
Ce devait être cette histoire d'Agence de la faune sauvage. Et, dans un sens, c'était une vérité autant qu'un mensonge.
« Ah ? Vous allez chasser ici, Ulf ?
— Ça m'a l'air d'un beau terrain de chasse.
— Oui, mais alors vous avez une semaine d'avance, la saison n'ouvre que le 15 août.
— Y a-t-il un hôtel, ici ? »
Le Same éclata de rire. Se racla la gorge et expulsa une substance brune dont j'espérais que c'était bien de la chique ou quelque chose de ce genre. Le crachat atteignit le sol dans un claquement retentissant.
« Une pension de famille ? »
Il secoua la tête.
« Un chalet de camping ? Une chambre à louer ? »
Sur le poteau télégraphique derrière lui était collée l'affiche d'un orchestre de bal qui allait se produire à Alta. Ville qui ne devait donc pas se trouver très loin. Peut-être aurais-je dû rester dans le car jusque là-bas.
« Et vous, Mattis ? demandai-je en écrasant un moustique qui me piquait le front. Vous n'auriez pas un lit à me prêter pour cette nuit ?
— Le lit, j'ai fait chauffer le poêle avec. Nous avons eu un mois de mai très froid.
— Canapé ? Matelas ?
— Matelas ? »
Il désigna d'un geste la bruyère qui recouvrait le plateau.
« Merci, mais j'aime bien avoir un toit et des murs. Je vais voir si je ne me trouve pas une niche inoccupée. Bonne nuit. »
Je commençai à marcher vers les habitations.
« La seule niche que vous trouverez à Kåsund, c'est ça ! » cria-t-il avec une intonation tombante, plaintive.
Je me retournai. Son index pointait sur le bâtiment devant le hameau.
« L'église ? »
Il acquiesça.
« Elle est ouverte en pleine nuit ? »
Mattis inclina la tête.
« Vous savez pourquoi personne ne vole à Kåsund ? Parce que, à part des rennes, il n'y a rien à voler. »
Le petit homme rondelet sauta par-dessus le fossé avec une grâce étonnante et entreprit de patauger dans la bruyère. Vers l'ouest. Mes points de repère étaient le soleil au nord et le clocher qui, comme dans toutes les églises du monde – d'après mon grand-père –, était tourné vers l'ouest. Je mis ma main en visière et observai le terrain devant lui. Où diable avait-il l'intention d'aller ?
 
Peut-être était-ce le soleil qui brillait alors qu'on était au milieu de la nuit, ou le profond silence, ce village avait en tout cas quelque chose d'étrangement abandonné. Les maisons semblaient avoir été construites à la va-vite, sans soin ni attention. Elles ne paraissaient pas manquer de solidité, pourtant, plus qu'un foyer, elles donnaient l'impression de n'être qu'un toit sur la tête. Elles étaient fonctionnelles. Pour affronter les intempéries, des panneaux de façade ne nécessitant pas d'être repeints régulièrement. Des épaves de voitures dans des jardins qui n'en étaient pas, mais évoquaient plutôt des enclos de bruyère et de bouleaux. Des poussettes, pas de jouets. Seules quelques maisons avaient des rideaux aux fenêtres. Les vitres nues reflétaient le soleil et ainsi protégeaient des regards. Comme les lunettes noires de quelqu'un qui ne veut pas qu'on examine son âme de trop près.
Effectivement, l'église était ouverte. Enfin, l'humidité ayant fait jouer le bois, la porte s'ouvrit moins facilement que celle d'autres églises où j'étais allé. La nef était très petite, d'un aménagement sobre, mais belle aussi dans sa simplicité. Le soleil de minuit éclairait les vitraux et l'habituel Christ exsangue sur la croix était suspendu au-dessus de l'autel, devant un triptyque avec la Vierge Marie au milieu et David contre Goliath et l'enfant Jésus de part et d'autre.
Derrière l'autel, je trouvai sur le côté la porte de la sacristie. En cherchant dans les placards, je découvris deux aubes, un balai et un seau, ma

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