La lecture à portée de main
127
pages
Français
Ebooks
2020
Écrit par
Marie-Pierre Jungas
Publié par
Nombre7 Editions
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
127
pages
Français
Ebook
2020
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Publié par
Date de parution
22 avril 2020
Nombre de lectures
0
EAN13
9782368329948
Langue
Français
Ils sont sept.
Sept sportifs au niveau grandissant qui s’entraînent sans compter. Ils acceptent tout : la souffrance des séances imposées, l’hygiène de vie et la diététique strictes.
Pourtant un jour, les choses ne se passent plus comme prévu. Face à des phénomènes étranges, ils vont dépasser leurs limites.
Plus loin que ce qu’ils auraient pu imaginer...
Publié par
Date de parution
22 avril 2020
Nombre de lectures
0
EAN13
9782368329948
Langue
Français
Déterminés
La SAS 2C4L— NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu'ils produisent à la demande et pour le compte d'un auteur ou d'un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité.
Marie-Pierre Jungas
Déterminés
Nouvelles
Adrien Göesturg, le surfeur des neiges
L’accident s’est passé chez moi, à Courchevel, dans une station de ski que je connais par cœur et où je skiais presque avant de savoir marcher. Sur une piste que j’avais descendue si souvent et par n’importe quelles conditions météo.
Je l’avais étudiée, explorée dans ses moindres détails, je la connaissais par cœur, je pensais la maîtriser.
Cela n’aurait jamais dû se produire et pourtant ça m’est bel et bien arrivé.
Personne n’osera dire (par égard pour mon état actuel) qu’il faut vraiment être idiot pour chuter là où je suis tombé lorsqu’on est un enfant du pays. Mais je sais que tout le monde le pense. On va dire que ce n’est pas pareil, que je n’ai pas eu de chance, qu’une plaque de glace bien grande et bien lisse a interrompu une descente que j’effectuais à une belle vitesse lors d’un entraînement. C’est faux. J’allais certes très vite, mais il n’y avait pas de glace. J’ai chuté bêtement à cause d’un peu de terre et de quelques cailloux. Un moment de décontraction, et j’ai d’abord volé dans les airs, oh, pas bien haut, mais juste assez pour atterrir sur la nuque et sur un morceau de rocher qui n’avait pas retenu la neige. J’ai déchaussé, mon casque a fait un drôle de bruit, mon surf a glissé plus loin, tandis que je dégringolais la piste, tête première, pendant vingt ou trente mètres.
Jacques, mon entraîneur a dit après qu’il avait tout de suite compris que c’était très grave. Il s’est précipité vers moi. J’étais inconscient, ma tête saignait et il voyait du sang couler sous mon casque, par l’ouverture causée par le choc violent sur une pointe du rocher. Mais je respirais (en fait, je râlais) et mon cœur battait…
Il a appelé les secours qui sont arrivés très vite. Enfin… C’est ce qu’on m’a dit après, car je ne me souviens plus de rien.
Jacques était le seul témoin de mon accident et il a été très longuement interrogé par les policiers. Dans la station, certaines mauvaises langues ont raconté qu’on nous avait parfois vus nous engueuler. Mais quel sportif ne se dispute pas avec son entraîneur lorsque l’on connaît la dureté des séances qu’il faut encaisser pour atteindre le haut niveau tant recherché ? Dans ces cas-là, il y a toujours des gens prêts à cracher ce foutu venin qui leur empoisonne la vie.
Ma conscience a décroché à peu près en même temps que mon surf. Un mois et demi de trou noir dans ma vie. Je pense que c’est bien que je n’aie pas réalisé tout ce qui s’est passé pendant cette période. Mon électroencéphalogramme révélait un peu d’activité cérébrale qui alternait avec des périodes plates. Cela plongeait toute l’équipe soignante dans l’embarras. Pas vraiment en mort cérébrale, mais pas trop vivant non plus. Même pas bon pour donner mes organes.
Alors ils ont continué à me soigner en espérant que d’une manière ou d’une autre, le destin modifierait ma triste situation.
Ma mère était présente lorsque j’ai enfin ouvert les yeux. Elle était assise à côté de moi et lisait un magazine en me tenant la main. Elle a dû sentir qu’il se passait quelque chose d’important, car, malgré mon état, j’ai vite vu qu’elle me regardait bizarrement. Son visage a d’abord reflété de la surprise, puis de l’incrédulité et elle s’est mise à crier :
— Il s’est réveillé, il ouvre les yeux !
Des gens habillés en blanc sont arrivés dans ma chambre, ont constaté que j’avais effectivement les yeux ouverts. Ils m’ont ausculté, pris ma tension artérielle, m’ont demandé de leur serrer la main (si toutefois j’ai essayé, alors je n’ai rien senti), de regarder à droite, puis à gauche (là, j’ai entendu « C’est bien ! » donc je crois que je suis arrivé à le faire). Ensuite, ils se sont entretenus un moment avec ma mère et sont sortis de la chambre.
Heureusement qu’elle était là, car si je ne l’avais pas vue en me réveillant dans cet univers inconnu, je pense que j’aurais paniqué dans ma tête. Tout le monde était content : j’avais ouvert les yeux et on pouvait espérer que je récupérerais quelques facultés.
Mais ensuite, cela n’a pas trop évolué et après plus de deux mois de cet état, je me contente seulement d’ouvrir les yeux et de bâiller. Rien de plus. Avec toujours ces alternances de coma et de vigilance…
… D’électroencéphalogramme plat et d’activité cérébrale positive…
* * *
Maman vient me voir presque tous les jours lorsque je suis conscient. Elle reste le plus longtemps possible à côté de moi. Elle me masse les bras, les mains, les jambes, le visage tout en me parlant des gens que je connais. Elle espère toujours une amélioration, alors elle me tient aussi au courant de tout ce qui se passe dans la station. D’autant que j’y connais tout le monde.
D’après ce qu’elle m’a dit, j’ai eu beaucoup de visites après mon accident. Des amis, des cousins, mon médecin… autant de personnes qui ne sont venues qu’une ou deux fois, pas plus, vu l’état dans lequel elles m’ont trouvé ! Me voir ainsi les plongeait dans une stupeur incrédule dont ils ne ressortaient qu’en tentant de m’oublier. Ils ont préféré sans doute se dire que j’étais comme mort.
Moi aussi, j’aurais préféré être mort.
Jacques venait régulièrement au début puis, lorsqu’il a réalisé que je ne serais plus du tout comme avant, il a cessé de venir me voir ; il avait d’autres jeunes skieurs prometteurs à entraîner…
Johanna, ma petite amie, m’a elle aussi souvent rendu visite les premières semaines. Elle voulait croire que le garçon qu’elle aimait allait ressortir indemne de ce cauchemar et qu’il pourrait reprendre avec elle leur vie d’avant. Mais les jours passaient et mon seul exploit se limitait à ce clignement de paupières qui avait donné lieu à tant d’espoirs sans suite… Johanna y a d’abord cru, puis de moins en moins… Un jour, elle a annoncé, en larmes, à ma mère qu’elle ne viendrait plus, qu’elle avait espéré que je finirais par aller mieux, mais rien ne se passait et cela devenait trop difficile pour elle de me voir ainsi sans amélioration. Elle n’en pouvait plus ! Je pense qu’elle refera sa vie, elle est jeune et c’est dans la logique des choses.
Je ne peux pas leur en vouloir. Après tout, moi, qu’aurais-je fait à leur place ? Ils sont bien vivants, eux, et ce serait dommage de ne pas en profiter pleinement. Qu’ils vivent le plus possible ! Pour moi qui ne peux plus.
Mon père aussi s’est rapidement découragé. Après l’accident, il est venu très vite de sa Norvège natale, laissant sa seconde épouse avec les jumelles encore bébés (mes demi-sœurs que je n’ai jamais vues) pour se précipiter auprès de moi. Il s’est longuement entretenu avec les médecins. Maman était avec lui. Lorsqu’il a compris que je ne sortirais pas de cet état, alors que ma mère y croyait très fort, il est retourné à Bergen. Comme ça, sans me parler, sans m’expliquer ni même me dire « au revoir ». Malgré ce que lui avaient dit les docteurs, il a probablement pensé que mon cerveau avait cessé de fonctionner. Pour lui, je n’existais déjà plus !
* * *
J’avais neuf ans lorsque mes parents se sont séparés. Ils s’étaient rencontrés lors d’un voyage que ma mère faisait en Norvège. Papa tenait un magasin de souvenirs à Bergen et maman une boutique de sport à Courchevel. Lui parlait assez bien le français et ces deux points communs lui avaient donné l’occasion d’inviter au restaurant cette cliente pour qui il avait eu un véritable coup de foudre. Elle avait aussitôt accepté, séduite par ce grand gaillard à l’allure sportive et à la voix envoûtante.
Entre eux, le courant était très vite passé et pour être de jour comme de nuit avec elle, il a quitté son pays pour l’épouser. Ils ont vécu quatre années de bonheur sans ombre. Mon père donnait des cours de ski et tenait la boutique avec maman. Il avait un accent que peu reconnaissaient et c’était souvent un premier sujet de discussion avec les clients. Le charme de maman avait aussi un rôle dans le succès du magasin qui était devenu incontournable pour les vacanciers. Il faut dire que mes parents savaient choisir des articles qui plaisaient beaucoup à la clientèle, qu’elle soit locale ou touristique.
Mais le temps a fait son œuvre et mes parents se sont peu à peu moins bien entendus. À la maison comme au magasin, l’ambiance s’est progressivement dégradée et le poids des différences a malheureusement fini par s’imposer…
Par la suite, bien après le départ de mon père, les clients sont venus pour moi, Adrien Göesturg, le snowboarder dont on disait qu’il irait un jour aux Jeux olympiques. Parce que je devenais, les années passant, un jeune sportif très prometteur !
Ils ont divorcé et papa est retourné dans son pays, me laissant très perturbé ainsi que son ex-femme, incrédule et égarée parce qu’elle l’aimait encore. On m’a dit qu’à cette époque, j’étais un petit garçon très nerveux, toujours prêt à me battre dès qu’un événement, même minime, m’atteignait… Mais moi qui étais si jeune, j’étais seulement malheureux et désemparé… C’est tout et cela me suffit comme excuse…
Pour canaliser ce trop-plein d’énergie et de révolte, maman m’a inscrit dans le club de snowboard de la station. J’en faisais depuis déjà deux ans pour m’amuser avec mes copains, j’aimais ça et j’ai vite progressé grâce à Jacques, ce qui a été pour moi une vraie révélation : j’avais trouvé ma discipline.
Lui aussi a très vite perçu que j’avais les qualités nécessaires pour me distinguer dans ce sport. Il a commencé à me donner des