De sang et d encre
176 pages
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De sang et d'encre , livre ebook

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Description

C'est l'été, à Paris. L'auteur de polars André Rey, qui n'a rien produit depuis plus de deux ans, sort de sa maison d'édition qui vient de lui refuser une avance. Il tombe sur un jeune homme qui fait la manche. Touché par ce dénuement qu'il compare au sien, il sympathise avec lui. Puis, sensible à sa beauté et à son charme énigmatique, il l'invite à partager un séjour dans sa maison de campagne, non sans l'idée de s'en faire, un peu plus qu'un compagnon d'infortune, un amant. Soucieux de sortir de la crise financière qu'il traverse, il décide de mettre son bien en vente. L'agence immobilière à laquelle il s'adresse est tenue par un couple dont le mari est loin de le laisser indifférent. Il engage avec lui une liaison toxique qui couve un drame.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 décembre 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332833792
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-83377-8

© Edilivre, 2015
Citation


Si infâmes que soient les canailles, ils ne le sont jamais autant que les honnêtes gens.
Octave MIRBEAU
Chapitre premier
J’allongeais le pas, sans but précis, sans chercher à savoir où ils me conduisaient. Dans un état de vive agitation, entièrement absorbé par les mouvements de ma pensée, je remâchais : « Tu t’attendais à quelle attitude de sa part ? Déjà beau qu’il ne t’ait pas obligé à rendre gorge, comme il l’a laissé entendre à un moment : – Mon bon ami, considérez que je ne puis, en l’état des choses, vous accorder cette avance que vous sollicitez. Estimez-vous heureux, au demeurant, que je ne vous contraigne pas à restituer celle qui vous a été consentie, sans résultat, six mois plus tôt… » Oui, en effet, j’avais tout lieu de me satisfaire de ce geste magnanime qui ne rendait pas doublement pénible ma situation financière. Et bien que je ne pusse m’en féliciter tout particulièrement ; mon attitude n’ayant pris aucune part à ce « bon mouvement ». Durant tout le temps où m’avait été signifié le refus de ma requête, j’étais resté muet, me bornant à étirer mes lèvres dans un petit sourire compréhensif et navré, non sans éprouver in petto la honte de ma conduite et d’une telle démarche. Plus de deux ans, en effet, que je n’avais pas noirci une seule page, cruellement à court d’inspiration, et que, malgré cet état de choses, je faisais appel, pour la seconde fois, à la générosité de ma maison d’édition ; un peu comme on quémande une aumône. Comment mieux me faire sentir, à ce moment, ma chute et mon abaissement ?
« Que vous arrive-t-il ? Construire une petite histoire plus ou moins bien ficelée, ça ne vous a jamais paru sorcier ! Vous savez faire. Il fut un temps où vous les produisiez à profusion, les unes à la suite des autres. Vous nous avez habitué à une habileté si parfaite. Prenez deux ou trois semaines de bon repos. Vous possédez, si ma mémoire est exacte, une maison à la campagne. Vous finirez bien, dans le calme bucolique, par trouver l’inspiration. À défaut, puisez quelques idées à travers vos anciens polars. Après tout, c’est toujours un peu le même scénario qui se répète dans ces récits : la femme, le mari jaloux, l’amant et le maître chanteur, ou je ne sais quoi encore… ? Enfin, je ne vais pas vous apprendre votre métier. Pensez à vos lecteurs, à la prochaine sortie de votre roman… »
Penser à cet hypothétique et satané bouquin ! je n’y manquais pas un seul instant ! Depuis des mois, je n’en épuisais pas le sujet, sous tous ses aspects : moral et financier. Une vraie prise de tête ! Peut-être même était-ce à cause de cela, finalement : parce que j’y pensais beaucoup trop, que rien ne sortait de moi. Ne devrais-je pas prendre du recul, couper quelque temps avec mes habitudes, me dépayser, comme me le conseillait si gentiment mon éditeur ? Jusque-là, mis à part ce dernier, je n’avais confié à personne mes difficultés. Par pudeur ou par orgueil, plus que par excès d’optimisme, tant il m’apparaissait, les jours, les semaines et les mois passants, que je ne me sortirais pas de cet état de stérilité permanent où baignait mon esprit. Et pourtant, ne suffirait-il pas d’en parler, de m’en ouvrir à quiconque pour voir poindre enfin cette petite lueur qui jusque-là me faisait terriblement défaut ? Mais à qui m’en remettre qui puisse se montrer d’une aide réelle et efficace ? Renaud avait déserté ma vie depuis des mois, et de toute façon il ne m’eût été d’aucun secours, tant s’en faut. Son mépris de la chose écrite, et plus particulièrement son ironie à l’égard de mes petits polars, n’ayant pas été sans ajouter à nos multiples frictions, voire sans être, dans une certaine mesure, la cause de notre séparation… Delphine, elle, en l’occurrence, pourrait très bien apparaître comme ma providence. L’admiration qu’elle ne laissait pas de me témoigner, le regard aigu qu’elle posait sur les choses, seraient susceptibles de relancer en moi l’espoir et peut-être bien l’inspiration.
Oui, pensais-je très fort à cet instant, aller sonner à la porte de Delphine, qui, tel un rebouteux capable de vous remettre le squelette d’aplomb, me remettrait les idées en place… Mon élan se réfréna de lui-même, quasiment sur-le-champ. Je ne pouvais me maintenir longtemps dans cette illusion à l’aide de cette seule idée. De plus, depuis qu’elle était sortie de l’hôpital, après sa lourde opération de la hanche, Delphine consacrait toute son énergie à se rétablir et à se rééduquer. À plus de soixante ans, les soucis de l’âge venant, c’eût été à moi, son cadet de dix ans, son ami de toujours, de lui venir en aise moralement, de lui apporter soutien et réconfort… Ne restait plus que Jérôme, qui, en grand frère, pourrait encore m’aider. Il possédait cette faculté d’écoute et, surtout, une subtilité d’analyse qui m’avait toujours épaté – curieux, au demeurant, qu’il n’eût jamais songé à écrire. Mais, là encore, les circonstances ne s’y prêtaient guère ; la période plutôt néfaste qu’il traversait, à cause du naufrage de son entreprise, laissait peu de place à sa coutumière disponibilité. J’avais la nette impression, à l’instant où j’y pensais, que si l’un de nous deux devait se prêter à l’écoute des confidences angoissées de l’autre, ce rôle me revenait entièrement.
Et pourtant, me dis-je un instant, n’étions-nous pas un peu, lui et moi, dans la même situation critique, traqués comme des bêtes aux abois ? Il m’apparaissait à ce moment qu’en dépit des grandes difficultés que je rencontrais, je ne parvenais pas à en mesurer exactement, réellement, toute l’étendue et toutes les conséquences. Cela semblait indiquer qu’au mépris de tous mes découragements, je devais caresser l’arrière-pensée que les choses pouvaient très bien s’arranger pour moi d’un jour à l’autre. Qu’il suffirait de quelques pages noircies pour faire redémarrer « la petite mécanique à produire » – comme aurait dit mon éditeur – et me sortir de l’impasse où j’étais. Alors que pour Jérôme, comme pour Delphine d’ailleurs, il en allait tout autrement… Mon cher éditeur, si rempli d’optimisme ! Ce brave adepte de la pensée positive, qui, en me suggérant d’emprunter à mes productions passées, m’avait presque invité, de façon implicite et sans doute inconsciente, à envisager la solution du plagiat. Ce qui, à la réflexion, n’était pas une si mauvaise idée comme planche de salut. Visiter les bouquinistes, dégoter de vieux polars, les aménager selon les évolutions du temps présent, les adapter au goût du jour, puis les tourner à ma propre sauce…
« Le plagiat, quelle idée saugrenue ! » me dis-je soudain, presque à voix haute, en ricanant comme un pauvre malade, baissant un peu la tête pour me dérober aux regards des passants.
– Vous pourriez me dépanner d’une ou deux petites pièces, par hasard ?
– Pardon… ?
À peine avais-je levé des yeux introvertis sur l’inconnu qui me sollicitait en ces termes, qu’il se détournait de moi, en jetant : « C’est bon, laissez ! »
– Attendez ! dis-je dans un mouvement instinctif.
Le jeune homme me lança un coup d’œil incrédule par-dessus son épaule, tandis que j’explorais en vain le fond de mes poches – je fonctionnais généralement à la monétique.
– Je ne voudrais pas que vous pensiez à mal, dis-je d’un ton de sincère bienveillance. Je suis tout disposé à vous aider. Mais je n’ai, hélas, pas une once de monnaie sur moi.
Il haussa les épaules, l’air désabusé.
– Ça n’a pas une grande importance.
– Si ça n’a pas d’importance pour vous, bafouillai-je, il en va tout autrement en ce qui me concerne. Je traverse une mauvaise passe et je ne tiens pas, qui plus est, à me faire des reproches de conscience.
Je pensais confusément et curieusement alors que quelques minutes plus tôt j’avais tendu la main de façon peut-être plus pitoyable que ce mendigot et qu’il n’était pas improbable que je sois réduit, demain, tout comme lui, à faire la manche sur ce même trottoir.
L’inconnu me toisa avec ses yeux clairs, profonds comme des abysses.
– J’aimerais comprendre, me dit-il.
– Je suis tout disposé à vous expliquer. Vous avez bien deux minutes à m’accorder ?
– Vous plaisantez ?
– Excusez-moi, je suis terriblement maladroit.
Je ne songeais pas à faire de l’ironie. Que pouvait bien valoir, en effet, le temps de ce jeune homme ? Quelle autre occupation que de solliciter patiemment le bon cœur des passants indifférents pouvait bien l’accaparer ?
– Si vous y consentez, nous allons faire quelques pas ensemble jusqu’à un distributeur de billets.
Sans dire un mot, le quidam m’emboîta le pas.
Quel était, à ce moment, le mobile précis auquel j’obéissais ? Véritable mouvement de charité, joint à mes sourdes angoisses ? Le besoin de les partager ? Celui d’une compagnie ? Devinais-je à travers cette rencontre insolite comme une manifestation de la providence ? Ou bien, était-ce le vif attrait qu’exerçait sur moi cet inconnu ; sa jeunesse et sa belle mine ? Je ne restais pas des minutes à me poser ces questions. Je m’abandonnais à mes propres réflexes sans l’ombre d’une hésitation. Du coin de l’œil, j’observais mon compagnon de hasard. Il était d’aspect plutôt rassurant, propre sur lui, l’air placide, et j’avais pu lire dans ses yeux les ressources d’une saine et belle intelligence. Peut-être avais-je tout bonnement affaire à un étudiant désargenté qui comptait sur son physique et la générosité de pigeons de mon espèce pour pouvoir s’offrir de petites vacances estivales à moindres frais. Encore fallait-il posséder, en ce cas, un certain estomac pour parvenir à ravaler de la sorte son égo et sa dignité.
Un instant, je me tournai vers l’inconnu afin de le détailler

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