Dans les silences du siècle
236 pages
Français

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Dans les silences du siècle , livre ebook

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Description

Pour avoir discuté dans un train avec une inconnue à la frontière tchèque, Elias, jeune cadre allemand au-dessus de tout soupçon, se trouve embarqué malgré lui dans les méandres d’une affaire politico-industrielle. Peu à peu, le scandale le cerne jusqu’à l’étouffer : trahisons internes à l’entreprise, groupes occultes utilisant le désordre comme mode de gouvernance, et violence plus intime et plus sourde subie en silence par sa compagne Beatrix.
Dans un univers en perte de repères, où un poète peut se comporter en odieux personnage, et un dirigeant de groupe s’avouer en mal de rédemption, ses contemporains ne parviennent plus à se trouver un langage commun. Même lui, qui dispose des indices laissés par l’inconnue, ignore si elle est sa pire alliée ou sa meilleure ennemie. Mais son pari sur l’innocence lui premettra de recevoir en retour le soleil de morceaux de musique, vibrant dans les silences de ce siècle.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 mai 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414297931
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194 avenue du Président Wilson – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-29794-8

© Edilivre, 2019
Exergue


Au « California Dream », au mirage californien, qui traverse le roman, et nos rêves.
1 ère partie Itinéraires
1
Ce matin-là n’est pas comme les autres. Il l’a senti dès son arrivée au bureau, à l’atmosphère électrique qui régnait dans les couloirs et à la tension croissante au fil de la matinée, venue peu à peu empêcher le déroulement de toute activité normale.
– Vous avez vu, Elias ?
Clara, la secrétaire du service, n’a pas tardé à venir frapper à sa porte pour scruter son degré de connaissance de l’affaire. Déduisant de son air stupéfait qu’il ne sait rien, elle s’absente un instant et revient d’un pas décidé, porteuse d’un journal qu’elle place sous ses yeux d’une main tremblante d’indignation. Lui, le cadre expatrié allemand, doit savoir, au même titre que les autres. S’il ne lit pas le tchèque, surtout ce parler crû de tabloïd friand de scandales, ce n’est pas grave, elle lui traduira l’article.
Il ne voit d’abord qu’un simple pavé de texte, qu’effectivement il ne comprend pas. Mais juste au-dessus, sur la photographie illustrant l’article, un visage de femme amaigrie aux yeux creusés le fixe et semble crier au secours.
Ce visage leur est passé mille fois sous les yeux à tous, imprimé sur leurs trombinoscopes et leurs dépliants, même si d’habitude, moins fatigué et plus avenant, il est plutôt celui d’une jolie femme.
Margaret Fuhlmann, l’héritière de leur groupe, actionnaire majoritaire de l’entreprise, apparaît sur ce cliché plus que malade, en fin de vie. Il se murmurait bien ces derniers temps dans les couloirs, à Vienne, à Prague et partout, qu’elle filait un mauvais coton, au sujet duquel on envisageait des pare-feux à la direction centrale. Maladie incurable, cancer ? Mais l’anorexie, personne n’y avait pensé. Clara lui traduit : l’aspect quasi-incurable de son mal, la longue durée de son séjour en clinique tenu secret de tous, six mois maintenant.
La nouvelle est une bombe, dont la déflagration va se propager du siège allemand de Francfort jusqu’au tréfonds des filiales, comme ici en Tchéquie.
Des bureaux directoriaux jusqu’aux chaînes automatisées où les hommes veillent à l’assemblage des pièces, tous les employés doivent à cet instant commenter l’information.
– Quand on pense qu’on ne nous a rien dit !
La jeune femme, vibrante de colère, se fait le porte-parole de la rumeur qui secoue l’institution et qui sera confirmée à Elias cinq minutes plus tard, quand à la machine à café, ses collègues lui exprimeront leur impression d’être victimes d’une trahison personnelle : ils apprennent le problème en même temps que le grand public, et n’ont bénéficié d’aucune primeur de l’information !
Tout en les écoutant, Elias songe que leur direction de la communication doit en ce moment même s’appliquer à corriger le tir en direction de la presse. Pour sa part, en tant que responsable du marketing tchèque, il pèse inconsciemment les conséquences sur le Conseil d’Administration local, mais aussi sur leurs partenaires commerciaux et leurs clients. Jusque là, leur entreprise a bénéficié d’une réputation de sérieux que rien n’était venu entacher, y compris à l’international.
Mais ce malaise affectant leur dirigeante, d’une nature toujours vaguement inavouable, quoi que l’on dise, risque de leur faire perdre en crédibilité, ce d’autant plus qu’il a été dissimulé. Mais surtout, cette annonce peut en précéder une autre, à laquelle tout le monde pense sans même oser l’évoquer : que va-t-il advenir d’eux dans le cas du décès de l’héritière ?
Une bombe, c’est le mot. Après avoir retourné l’idée en tous sens en entendant de loin ses collègues conjecturer sur leur triste sort, il reprend le chemin de son bureau. Là, encore sonné, il s’empare du journal que Clara a laissé traîner, comme si elle l’avait assez vu ou qu’il portait malheur. Il s’attarde à détailler la photographie de cette femme en la comparant avec celle d’un dépliant qu’il ressort d’un de ses tiroirs. En jouant de l’effet d’avant-après, il cherche à trouver dans les traits de la quadragénaire encore rayonnante sur l’imprimé le signe de sa défaillance future, de cette fêlure qui devait préexister en elle, comme pour tenter de saisir le cours de la fatalité.
Il l’a rencontrée une fois, se souvient-il, au moment de sa splendeur, lors d’une soirée officielle, au siège, à Francfort.
En robe de soirée rehaussée de bijoux, elle brillait sous les lustres de cristal de l’immense salle de bal où elle tenait son discours de fin d’année. Une maîtresse femme, dont il avait appris par la suite qu’elle se séparait de son époux, un quinquagénaire volage n’ayant pu tenir son rang de prince consort auprès de cette multimillionnaire.
Ce qui peut certes expliquer en partie le problème actuel. Mais le contraste avec la femme perdue en pyjama est si saisissant qu’Elias se refuse à croire que le mystère de cette femme se réduise à un problème d’alcôve. Il ne peut dans le même temps retenir un mouvement de compassion pour celle qui est après tout sa patronne et qui les fait vivre tous, par son nom et sa fortune.
Il revient au journal. Ses yeux glissent sur le texte, assez court mais trop complexe pour lui, et dont seuls les nombreux points d’exclamation accrochent son attention, de même que le nom de la commune où se situe la clinique, Ofkeno. Où a-t-il vu ce nom, déjà ? Et soudain, au bas du pavé, le nom de la journaliste, Maria Schweber, lui saute aux yeux. Il abat le journal, stupéfait. Comment est-ce possible ?
2
Il prend de temps à autre le train depuis Prague pour rejoindre sa compagne à Vienne. Bien sûr, le trajet est beaucoup plus long et plus fatigant qu’en avion, mais c’est sa seule chance de pouvoir partir quand il s’y est pris trop tard. Or cela lui revient, Ofkeno est le nom d’une petite gare sur le trajet.
Un endroit perdu en vérité, un petit village dans la forêt. On n’aperçoit que les bâtiments de la gare en passant, dont il apprécie la marquise de fer ouvragé qui lui évoque un plaisant dix-neuvième siècle mais aussi, dans un autre registre, les départs enfiévrés pour la guerre. Il n’y a rien vu ce jour-là, il y a un mois, pas plus que d’habitude. Assommé par la monotonie du trajet, il s’était assoupi peu après le départ de la capitale, à la perspective des longs bois à traverser.
À présent, il s’en souvient, il a déjà entendu des rumeurs à Prague à propos d’une immense bâtisse cachée par d’épaisses murailles, le long de la voie. Les filles parlaient de temps en temps au bureau, dans des confidences à demi-chuchotées, d’une ancienne caserne transformée en clinique fort coûteuse pour de riches patients qui s’y feraient traiter pour des troubles alimentaires. Mais cet univers de paillettes et de privations volontaires se situait alors à mille lieux du sien.
Aujourd’hui, tout coïncide. C’est là que la photographie a été prise et que Margaret se trouve, sans doute pour tenter de se cacher de la presse dans la forêt tchèque. En vain, apparemment, puisqu’on l’y a dénichée.
Habituellement, se souvient-il, n’apparaissent sur ce quai, à l’arrêt du train, qu’un ou deux couples de vieilles personnes, qu’il devine être des parents de patients. Tassés sur eux-mêmes après une visite éprouvante, ils rejoignent le convoi sans rien se dire, pressés de se retrouver en tête-à-tête pour ruminer sans fin leur peine sur l’état de santé de leur enfant. Il doit s’agir de filles le plus souvent, a-t-il toujours pensé, comme les statistiques tendent à le prouver. Mais ce soir-là, un mois environ auparavant, il n’a rien vu. Aucune silhouette fantomatique ne s’est acheminée vers le convoi, qui ne s’arrête que quelques minutes seulement à cet endroit. Tout s’est déroulé de manière silencieuse et comme au ralenti, dans la brume.
C’est donc un peu contrarié dans un premier temps qu’il a constaté l’intrusion de cette fille juste après le redémarrage, dans le compartiment où il se trouvait seul : il devait y avoir de la place ailleurs, le train était presque vide. En faisant glisser la porte de bois, elle venait déranger sa somnolence solitaire, en même temps que le sas de décompression qu’il s’aménage chaque fin de semaine entre ses deux pays et ses deux mondes. Quand il y pense, il se fait l’effet d’un équilibriste parcourant sans cesse, au fil des voies aériennes et terrestres, la distance entre la tour grise où il travaille, et l’univers viennois doré de Béatrice.
Puis, rapidement, la curiosité l’a emporté sur l’agacement : l’allure de la nouvelle venue, sa maigreur autant que sa pâleur, lui ont rappelé l’endroit qu’ils venaient de dépasser. La jeune femme semblait flotter dans ses vêtements, au demeurant simples comme si elle les avait saisis au vol avant un départ précipité, veste de laine noire sur un tee-shirt et des jeans, avec, aux pieds, de grosses baskets qui lui donnaient un air de guerrière lilliputienne.
Le regard d’Elias avait glissé sur l’ossature fine de son visage et sur sa peau tendue et diaphane, presque transparente, pour se concentrer sur le regard vert clair qui cherchait fébrilement un endroit où elle puisse s’écrouler. Sans un mot, sans un signe de considération pour lui, après avoir repéré la deuxième banquette libre, elle s’y était allongée en lui tournant le dos, son sac de toile calé entre sa tête et le dossier. L’instant d’après, comme si elle n’avait pu différer d’un instant sa plongée dans le sommeil, il n’avait pas tardé à entendre sa respiration régulière de dormeuse.
Tout compte fait, sa présence serait peu encombrante. Pour l’en remercier, voyant sa frêle stature se recroqueviller du peu de chauffage de ce début de printemps, il

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