106
pages
Français
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2020
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Ebook
2020
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Publié par
Date de parution
21 octobre 2020
Nombre de lectures
5
EAN13
9782380941418
Langue
Français
Publié par
Date de parution
21 octobre 2020
Nombre de lectures
5
EAN13
9782380941418
Langue
Français
À mes parents, Raymonde et Claude, avec amour et gratitude .
Introduction
Zinedine Zidane, l’homme que, tendrement, nous appelons « Zizou », est devenu un mythe, l’un des rares mythes français vivants. Mythe signifie « récit », en grec ancien. Alors Zinedine Zidane, aux yeux du monde, est devenu récit. Récit fabuleux. Très beau. Très lisse.
Ce récit nous dit… Une étoile est née et ne cesse de briller : trajectoire mythique . Le jeune prodige a grandi entouré d’une mère aimante, d’un père sage et méritant, d’une famille simple et unie, construite sur des valeurs fortes : enfance mythique . Le footballeur de génie est devenu un homme complet, aussi beau que bon : personnage mythique . Il était fait pour elle, elle pour lui, premier amour qui dure toute une vie et qui engendre une magnifique descendance de quatre fils : Véronique et Zinedine, mariage mythique . Il réussit tout, il gagne tout, d’abord comme joueur, puis comme entraîneur, et, à 48 ans, il a aussi le temps pour lui : avenir mythique .
Mythique ne signifie pas faux ni facile. Nous, public de France et du monde, savons intuitivement qu’un être d’exception se trouve au principe de ce mythe. Et nous savons que travail, persévérance et exemplarité sous-tendent la magie. C’est pourquoi une forme d’unanimité a régulièrement porté Zinedine Zidane en tête des personnalités préférées des Français ; c’est pourquoi, de lui, nous avons tout accueilli, tout aimé, y compris l’insensé.
En le distinguant ainsi, nous savons ce que nous faisons et pourtant, nous ne savons presque rien. Qui est l’homme derrière le masque, si beau, si lisse ?
Au fond, ce que nous connaissons de lui se réduit à son mythe : discours public que tout le monde nourrit des mêmes épisodes, des mêmes traits, des mêmes formules, dans un usage de la parole se révélant bien pauvre, répétitif, et finalement muet. Les proches racontent, les journalistes rapportent, les internautes ressassent, chaque anecdote, même nouvelle, étant toujours de la même eau, qui glisse sur lui. Car décliner à l’envi « il est parfait » et « ce n’est que du bonheur » ne dit rien de Zinedine Zidane. Rien d’intérieur, de contrasté ni de profond. Rien d’éminemment humain.
Stupéfiant paradoxe : Zinedine Zidane fait partie des figures les plus médiatisées de la planète, mais l’un des premiers mots qui vient à chacun pour parler de lui est mystère ou énigme . La conclusion s’impose : le monde entier se trouve baigné dans un discours trop pâle pour éclairer l’homme.
Or, Zinedine Zidane désire nous dire autre chose . C’est mon intime conviction, et la source de mon émotion chaque fois que je l’écoute. Certes, il concourt à sa propre opacité quand il se retranche dans le silence. Mais quand il choisit de parler, il semble avoir à cœur de livrer ses sentiments et sa réalité profonde. Son langage, particulier – fruste disent certains – me touche infiniment parce que je le ressens, non comme sommaire, mais comme étranger au semblant. Quand Zidane parle, il ne cherche pas l’effet de langage pour induire chez nous des représentations et des images, pour nous faire penser, rêver ou croire. Zidane n’est pas un illusionniste de la parole – et ce, non parce qu’il manque d’esprit, mais parce qu’il tend à faire entendre une vérité nue. Cette pureté sous-jacente, ces moments d’apparition comme à ciel ouvert m’ont intriguée et captée, me portant à sonder le monde intérieur de cet homme complexe et secret, que je pense être bien davantage que son mythe.
Approcher cet être rare, si éloigné de ce que Lacan appelait « l’homme du commun », est l’objet de ce livre, que je conçois comme une biographie d’âme . En tant que psychanalyste, je cherche à mettre mon écoute profonde, aimante, et mon savoir entendre au service de celui qui désire dire autre chose . L’inconscient, en chacun de nous, tend toujours à dire autre chose : ce que nous croyons et souhaitons le plus intimement, ce que nous ignorons de nous-mêmes mais dont notre langage porte les traces. Qui n’a fait un jour l’expérience d’un lapsus confondant ou n’a exprimé, comme involontairement, une vérité essentielle ? Sur le fil de son discours et des événements intimes de sa vie, je vous propose un voyage « dans la tête de Zidane », avec l’intention non pas de mettre Zinedine Zidane en position d’objet (d’étude, de critique, de jugement), mais au contraire en position de sujet ; sujet aimé de nous, et que nous désirons écouter au plus près de son âme, pour l’aimer mieux encore.
Une chose est sûre : Zinedine Zidane suscite des sentiments. Quand il agit, quand il s’exprime, quand il se tait. Il les suscite sans artifice, comme indépendamment de tout dessein conscient, comme par nature. Émouvoir, faire naître le respect, la reconnaissance, l’admiration, l’adoration, et parfois l’incompréhension, le sentiment de distance voire d’étrangeté, cela semble inscrit au cœur du langage singulier, verbal et non verbal, au moyen duquel il communique avec nous. Bien sûr, son jeu footballistique, virtuose, produit sur tout spectateur un effet intense. Bien sûr, sa fulgurante réussite de jeune entraîneur a sidéré et conquis. Mais la sphère des connaisseurs, spécialistes et témoins directs a su reconnaître que l’extraordinaire trajectoire dépasse le fait d’un sportif, fût-il de génie : elle tient à l’homme. « Il a une personnalité plus forte que la plupart de ses camarades », remarquait déjà Robert Centenero, dirigeant de l’un des tout premiers clubs où débuta le jeune joueur de 13 ans, dont le mental, à la fois lucide et passionné, transcendait un physique à la force encore incertaine. « Il y a quelque chose de grand chez lui […] Zidane fait partie des gens qui propulsent et bousculent tout », notait, impressionné, Aimé Jacquet, en 1994, l’année où il lui ouvrit la porte des Bleus. « Il symbolise le football tout entier 1 », a dit Carlo Ancelotti, qui a entraîné Zidane à la Juventus, et l’a guidé douze ans plus tard sur la voie, royale, de son apprentissage d’entraîneur au sein du Real Madrid. « Je crois qu’il est une personne incroyable. Je l’admire et c’est vraiment bien d’avoir ce genre de personnes dans le monde du football 2 », a déclaré Pep Guardiola, l’ancien coach iconique du Barça.
Zidane a une aura, comme un langage – vibratoire. Cette aura, que je chercherai à décoder, est l’une des clés du mystère entourant Zidane. J’ai voulu en saisir les éléments constitutifs, la captivante alchimie. Plus je me suis imprégnée du monde de Zinedine Zidane, plus s’est nourrie ma conviction que ce monde repose sur un équilibre , subtil et dynamique, entre le principe du masculin et celui du féminin. L’âme de Zidane recèle une splendide équation faite de yin et de yang . Dans un univers éminemment masculin qui ne célèbre que des mythes virils, Zidane entretient des liens puissants avec le féminin en lui – facteur de création mais aussi de fragilité intime. Comment Zidane a-t-il construit sa vie d’homme dans la lignée de Smaïl Zidane, ce père qu’il aime passionnément et à qui il dit tout devoir ? De quoi est tissée sa vie amoureuse et sensuelle, voilée par le mythe conjugal qui le présente sous les traits d’un mari immuable dans un mariage parfait ? Quelle place sa mère, en apparence effacée, tient-elle dans son extraordinaire réussite ? De quoi est fait le sidérant pouvoir de mutation dont il témoigne constamment ? Où va aujourd’hui sa trajectoire, dans l’étendue des possibles qui le caractérise ? Et que s’est-il passé en cet inoubliable 9 juillet 2006, dans l’arène de Berlin, théâtre du drame que le monde entier appelle désormais le coup de tête de Zidane ? N’impliquait-il réellement que deux protagonistes ; avec qui, avec quoi Zinedine Zidane avait-il rendez-vous ce soir-là ?…
1 Le dernier match – Le documentaire , les suppléments, d’Alix Delaporte et Stéphane Meunier, 2007.
2 RMC Sport, 17 décembre 2019, interview de Pep Guardiola après le tirage au sort prévoyant la rencontre entre le Manchester City de Guardiola et le Real Madrid de Zidane en huitièmes de finale de la Ligue des champions.
CHAPITRE 1 Au nom du père
« Au regard d’un père, Dieu est bien peu de chose 1 . »
1 Sigmund Freud. Je n’ai jamais oublié cette phrase écrite une seule fois au sein de l’immense œuvre freudienne. N’ayant pu en retrouver la référence exacte, je l’ai pourtant citée, avec l’aval des coauteurs, au sein d’un ouvrage de psychanalyse collectif intitulé : Le père et ses noms , Érès, 2012, p. 66.
Fin des années 1990. J’assistais l’auteur Pierre Lunel dans la rédaction de portraits pour une série documentaire intitulée « Femmes de lumière ». L’une d’elles était Bibi Russell, ex-mannequin international d’origine bangladeshie. Elle avait lancé, pour son pays, un programme intitulé « La mode au service du développement », en lien avec l’institution de microcrédit de Muhammad Yunus, futur lauréat du prix Nobel de la paix. Tous trois, nous parcourions les magnifiques plaines du Bengale, lorsque nous nous sommes arrêtés près d’une école de jeunes garçons, qui se trouvaient en récréation. Dès que nous sommes descendus de voiture, une nuée d’entre eux, à la tenue impeccable, nous a entourés d’un tourbillon de curiosité et de joie. Bibi leur a expliqué que nous étions français. Un garçon m’a saisi vivement la main. Ainsi interpellée, je me suis accroupie près de lui. Son regard dans le mien, il a demandé : « Zinedinezidane ? » Très émue par le lien qu’il venait d’instaurer entre nous, je lui ai répondu : « Oui. Zizou. » Et il s’est jeté dans mes bras.
Zinedine Zidane : ce nom, inhabituel, est si harmonieux qu’il forme une unité de sons, celle que l’humoriste Jamel Debbouze prononce à l’envi, « zin’dinezidane », dans la jubilation enfantine que nous procure toujours les jeux avec la langue. Qu’un nom porte les germes d’un destin ou s’en fasse les ailes se trouve singulièrement confirmé par l’univers du football, via des patronymes aussi magiques que Leo Messi (Messie), Diego Maradona (évoquant la Madone), Eden Hazard… Le nom de Zida