Choucroute royale
418 pages
Français

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Description

Recette strasbourgeoise.
Prenez cinq étudiants désœuvrés qui aimeraient donner un sens à leur vie. Choisissez cinq gangsters, proches de la retraite, qui veulent réaliser le plus beau coup de leur carrière. Faites mijoter à part. Mélangez. Ajoutez quelques autres personnages (en particulier des artistes, vivants ou morts). À mi-cuisson, ajoutez encore deux policiers. Assaisonnez avec beaucoup d’humour, pas mal d’amour, un peu de violence, un zeste de culture, une bonne dose de rebondissements et une pincée de choucroute. Laissez sur le feu.
Rien ne va se passer comme prévu.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 juillet 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414070503
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0120€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-07048-0

© Edilivre, 2017
Exergue

« Pour moi, ajouta-t-il, je me serais contenté d’une ordinaire mais bonne choucroute, avec des saucisses, du lard, des tranches de porc rissolées. »
Je baillais doucement, non d’ennui, car j’adore parler cuisine, mais d’une faim brusquement venue : je fais grand cas d’une choucroute bien conditionnée.
J. R AY , La Choucroute.


A en juger par la vitesse à laquelle courent les quatre compagnons, au milieu de cette nuit sans lune, sur ce quai recouvert de neige, dans un vent de panique tel qu’en put concevoir le prophète Habakuk, on jurerait qu’ils sont poursuivis : ils foncent tels de vrais dératés.
L’un derrière l’autre, en ligne droite, ils fendent l’air comme des flèches d’ébène, obscurs dans la nuit blanche, aérodynamiques ; quoique mal en point pour trois d’entre eux :
Hors d’haleine, les deuxième et troisième sprinters sont à bout de force. On devine qu’ils souffrent et qu’ils grimacent sous leur masque, et l’on entend leur souffle rauque. D’assez petite taille, le premier court avec facilité, mais son bras gauche est en sang, sa manche déchiquetée. Il semble se retenir de pleurer.
Celui qui ferme la marche, en revanche, très grand et très robuste, demeure imperturbable. Quand son prédécesseur ralentit, il le rappelle à l’ordre. Souvent, sans perdre la cadence, il se retourne pour s’assurer que personne n’est en vue dans leur sillage. Et contrairement aux autres, qui ont chacun un sac à dos, il en porte deux : non seulement les compagnons sont dans de sales draps, mais en outre il en manque manifestement un à l’appel.
Ce doit être une bien étrange nuit, inoubliable, pour ces quatre bolides qui, bon an mal an, paraissent glisser sur la chaussée enneigée tant ils vont vite, ces quatre Surfers d’Argent sans argent et sans surf, ces quatre skaters sans skate, ces quatre Dark Vador sans la cape, et visiblement sans la Force.
On ajouterait en fond sonore la Chevauchée des Walkyries , ou l’ Allegro Barbaro de Bartók, et le cauchemar serait total.
Mais c’est donc sans musique, sans tambours ni trompettes, qu’ils courent au milieu de cette nuit sans lune, le long de l’eau, dans un vent de panique.
Et pourquoi courent-ils ? Et vers quelle destination, s’ils en ont une ?
Il serait intéressant d’avancer une hypothèse ou deux, mais voilà qu’une immense plaque de verglas les attend sur la route.
Ils l’ont vue.
Malgré son bras handicapé, la silhouette noire et rouge la franchit d’un bond athlétique, et ses New Balance ont à peine retouché le sol qu’elles reprennent leur cavalcade diabolique, comme si elles avaient rebondi sur des starting-blocks.
Les Puma du suivant, moins aériennes, survolent l’obstacle de justesse. Cela passe quand même.
Ouch. Les Nike du troisième n’ont pas bénéficié d’une impulsion suffisante et elles glissent sur la glace. « Merde ! »
Heureusement, juste avant qu’il ne s’étale par terre, le sauteur malheureux est attrapé au collet, relevé et rétabli par le quatrième qui avait déjà pris son essor, ses BK écartées l’une de l’autre sous lui. Sur sa lancée, il l’entraîne d’un seul geste au-delà de la plaque. « C’est bon ? » demande-t-il en lui donnant une tape dans le dos. « Ouais, c’est bon », fait l’autre en haletant. Et de repartir sans plus attendre pour reformer la file indienne, toujours en ligne droite.
Arrivés au premier pont qu’ils rencontrent, ils prennent à gauche sans hésiter et, quittant leur canal et leur quai, ils s’enfoncent dans une rue perpendiculaire. Leurs pas résonnent un instant quand ils arrivent sous la grande arche médiévale qui se trouve être là, refuge crénelé sous lequel ils s’arrêtent pour souffler.
Le plus grand jette un coup d’œil dans la rue – déserte – et se tourne vers les autres. A l’abri du beffroi, le blessé commence à gémir de douleur. Les deux derniers peinent à respirer. Tous, un à un, ils enlèvent leur cagoule et se regardent.
A voir la tête qu’ils font, ils se sont fourrés dans un drôle de pétrin ; quelque chose a dû méchamment foirer quelque part.
I Enrôlements
Sa vieille servante lui servit toujours les morceaux qu’il aimait le plus, apprêtés de la façon qu’il voulait ; il eut toujours la meilleure choucroute.
E RCKMANN- C HATRIAN , L’Ami Fritz.
1
Si on me presse de dire pourquoy je l’aymois, je sens que cela ne se peut exprimer, qu’en respondant : Par ce que c’estoit lui ; par ce que c’estoit moy.
M ONTAIGNE , Essais .
Dans un brouillard jaunâtre, un peu ambré par endroits, un peu ocre par d’autres, les bulles géantes palpitaient tranquillement autour de la cathédrale de Strasbourg. Les ballons translucides montaient le long de la flèche, zigzaguaient au-dessus de la nef, éclataient sans prévenir, réapparaissaient parfois. Pas un bruit n’accompagnait ce ballet céleste. Etrange. Troublant. Intéressant.
Cela faisait plusieurs années que Ken de Novel occupait ce vieil immeuble du quai Saint-Nicolas, et jamais encore il n’avait eu l’idée de placer entre son œil et la vue qu’offrait son salon un verre de Budweiser bien fraîche. Il trouvait le spectacle obtenu assez reposant pour l’esprit, apaisant. Exactement ce qu’il lui fallait, car il se sentait comme déprimé depuis quelque temps, et spécialement ce soir-là. Il abaissa le poétique récipient pour le porter à ses lèvres.
C’était par un lundi soir de novembre.
Avachi en face de lui, une Camel à la bouche, guère plus tonique, son copain Ahmed Stracci-Dupont le regardait.
« Tu penses à quoi, Ken ? demanda-t-il.
– A pas grand-chose, vieux… »
Ken ne voulait pas en dire trop, peut-être parce qu’il ne savait comment exprimer ce vague à l’âme qui le prenait de plus en plus souvent, cette sorte de léger spleen qui l’accompagnait à certains moments sans s’annoncer ; peut-être aussi parce qu’en cherchant à le formuler et à le communiquer, ce malaise, il risquait de l’officialiser, de lui donner de la consistance, d’en faire quelque chose de plus vivant qu’il n’était pour l’instant.
« Je pense, finit-il par avouer en ne révélant qu’une infime partie de la vérité, à une journée qui a été longue, qui m’a crevé, remplie exclusivement de cours d’amphi tous plus chiants les uns que les autres. Et toi ?
– J’y pensais pas spécialement, mais moi j’ai passé la journée dans mon labo à essayer de faire avancer ma thèse, à force d’expériences emmerdantes au possible. Et qui ont toutes échoué.
– Ah. C’est pas beaucoup mieux ! »
Ken de Novel était un gars pas très grand, et plutôt costaud. Cheveux châtains, yeux bleus, une bonne tête. Il portait un chandail gris chiné ouvert en V sur une chemise bleu ciel, un pantalon en velours côtelé beige à revers, le tout à la limite du râpé, avec deux ou trois trous de-ci de-là. Voilà son style. Les seules concessions à une certaine modernité vestimentaire résidaient dans ses Puma en daim rouge, mais elles agonisaient, et ses lunettes Giorgio Armani, assez tendance, et même en bon état.
Ahmed avala une gorgée de Bud avant de tirer une bouffée de sa cigarette. Depuis un petit bout de temps, maintenant, il était pote avec Ken. Ils s’étaient connus par la fac, quoiqu’ils fussent dans des branches un peu différentes. Chimie pour lui, Lettres modernes pour Ken. Mais bon. Ils s’entendaient vraiment bien. Evidemment, il avait fallu s’habituer à l’espèce d’ironie ou de morgue dont pouvait témoigner cet aristo de Ken, et puis aux codes supposés immémoriaux auxquels son éducation le faisait obéir et en lesquels il disait croire. Cela lui avait d’ailleurs valu chez certains – les plus cultivés du campus – le surnom de Ken le Survivant .
« Dis-moi, fit ce dernier sans transition, tu aimes ça, la choucroute ? Malgré tes origines arabes, tu as dû t’habituer à certaines des traditions du coin ? »
Ahmed rit. Il s’était également habitué à ce style de remarque de la part de son copain.
« Mais oui, connard, j’adore. C’est clair. Pourquoi cette question ?
– Je me suis risqué à en faire une. Enfin, à l’acheter et à la faire chauffer. Elle est sur le feu. Tu resteras bien pour la déguster ? »
Ken n’était pas doué pour la cuisine, pas même pour la cuisson. Quand il se lançait dans un plat, l’échec était souvent au rendez-vous. Accepter cette invitation comportait donc sa part de risque. Mais Ahmed se sentait trop bien dans ce canapé moelleux, dans cette pièce aux antiques boiseries, à proximité de ce frigidaire rempli de bières, avec ce drôle de type dont il avait du mal à se passer, pour seulement envisager qu’il lui faudrait quitter tout cela et rentrer chez lui dans le froid et la nuit, à affronter les doutes qui, lui aussi, venaient le troubler depuis quelques mois, relativement à ses études, ses capacités intellectuelles, sa vie. Autant retarder ce moment le plus longtemps possible, et à tout prix. Il décida d’accepter.
« Je décide d’accepter… Mais qu’est-ce qui t’arrive pour que tu te lances ainsi dans la chose culinaire ?
– J’attends de la visite.
– Oh… C’est de la femme ? »
Ils rigolèrent.
« Non, c’est un gars de l’Université Louis Pasteur, tu dois pas le connaître. Il bosse au service informatique. Un peu loser. Il avait mis une annonce pour un PC d’occase : je l’ai acheté, il doit me l’apporter ce soir.
– Félicitations, vieux ! Tu te mets enfin à la technique moderne ! J’aurais pas cru ça de toi !
– Hmm, déclara Ken en prenant un ton grave, je crois qu’il faut vivre avec son temps. Même si c’est dur. »
Il s’ouvrit une nouvelle canette, remplit son verre et le porta devant son visage. Cette fois, à travers les bulles, il considérait Ahmed Stracci-Dupont, ses yeux noirs, sa peau mate, ses cheveux gominés ; ses lunettes Giorgio Armani, son sweat-shirt qui avai

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