Chemins d amertume
340 pages
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Chemins d'amertume , livre ebook

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Description

Il ne faisait guère de doute que je vivais en exil. J’avais les manières, les expressions, les attitudes qui laissaient supposer cela. Cependant, très tôt, dans cet exil j’ai involontairement pris un air de vacancier, comme si la réponse la plus saine que j’avais pu trouver à ma situation fut légère et non amère.
Ce fut donc un drôle d’exil. Si ce n’était cette géographie rectiligne du bord de mer dans laquelle le plus clair du temps je vivais isolé, rêveur (maintenant plus encore qu’autrefois), il en aurait fallu peu pour me croire heureux. Le temps passant, de ce statut délicieux, qui aurait pu faire croire à une injustice ou à un malentendu, je ne glissais pourtant jamais vers, celui incongru, d’étranger ou de banni. Ces termes auraient été indécents : comme un manque d’égard à cet abri.

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Informations

Publié par
Date de parution 30 janvier 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332681812
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-68179-9

© Edilivre, 2014
Présentation
Il ne fait guère de doute, je vis en exil. J’avais les manières, les expressions, les attitudes qui auraient laissé supposer ce fait. Cependant, très tôt dans cet exil j’ai involontairement pris un air de vacancier, comme si la réponse la plus saine que je pus trouver à ma situation fut légère et non amère. Ce fut donc un drôle d’exil. Si ce n’était cette géographie rectiligne du bord de mer dans laquelle le plus clair du temps je vivais isolé, rêveur (maintenant plus encore qu’autrefois), peu aurait suffi à me croire heureux. Le temps passant, de ce statut délicieux qui aurait fait imaginer une injustice ou à un malentendu, en quelque sorte un destin, je ne glissais pourtant jamais vers celui incongru d’étranger ou de banni. Cela aurait été indécent comme un manque d’égard à cet abri. Bien au contraire, cette lumière ou cette étrange douceur malgré ce qu’on en entendait parfois de cette terre, avait su, si ce n’était me plaire, du moins m’amadouer, m’apprivoiser, réduire au silence toutes mes réticences. Curieusement encore, je restais ficelé à ma langue maternelle comme si, en dépit du plaisir d’être ici, j’étais continuellement ailleurs. Je comprenais lentement que cet ailleurs n’était pas autre chose que moi-même. A quoi pouvait donc me servir cette langue dont je préservais l’héritage ? Elle était tout au long de ce voyage semblable à cette boussole, à ce compas, à cette carte maritime ; elle m’aidait à ne pas perdre le Nord.
Guillaume, Juillet 2010
Prologue Lola
Pour faire partie du cercle étroit des amies de Rachel, il était nécessaire de se comporter comme elle, ce qui aurait signifié peu de chose si ce n’était que tout cela avait été ressenti à la longue, aussi bien par son entourage immédiat que par ses lointaines relations, comme agaçant et puéril ou de partager avec elle, ce que la plupart parmi elles convenaient malgré tout bien aisément, l’aversion qu’elle avait pour toute espèce d’autorité. En fait, ce qu’elle semblait reprocher à ce monde qu’elle aimait peu et auquel elle était si effrayée de ressembler un jour, était cet échec singulier, irrévocable dans la recherche du bonheur. On ne pouvait guère la plaindre ou s’étonner de son attitude dès que l’on avait pris connaissance de sa vie familiale désordonnée et la tristesse qui souvent y régnait, si bien que, voilà peu de temps encore, lorsqu’elle avait décidé une bonne fois pour toute de quitter le domicile parental, cela avait apparu naturel à tout un chacun et peu lui en avaient fait le grief malgré ses dix-sept ans à peine. Le cocon familial lui pesait certainement depuis fort longtemps et elle s’en était allée sans le moindre regret ; d’aucuns avaient prétendu y voir un simple coup de tête. Elle avait néanmoins préservé une relation, certes discontinue, avec son père qui, suivant les moments, admirait sa détermination ou s’inquiétait de son comportement qu’il jugeait pour le moins péremptoire et essayait alors de formuler ses craintes par des remarques ponctuées d’une bizarre litanie : « Tu es bien sûre, ma chérie ». Jamais elle n’avait compris ces réticences, accepté cette inquiétude qu’elle croyait être responsable de tous ses déboires. Elle lui avait reproché un manque certain de confiance, lacune que jamais, à ses yeux, il n’avait su combler et qu’elle imaginait toujours être le fruit amer de son mariage raté. Elle le pensait soumis à sa mère qui depuis toujours s’adresser à lui d’une voix désagréable à laquelle la sienne pourtant, même si elle avait répugné à l’admettre, aurait pu tant ressembler. Elle aimait probablement son père mais cela ne l’empêchait pas de lui manifester son profond mécontentement lorsqu’il se montrait trop faible. Ne l’avait-elle pas imaginé différent ? Longtemps elle avait tergiversé, avait voyagé de rencontre en rencontre, avant de trouver ce qu’elle avait espéré être un havre de paix. Le jeune homme était banal à souhait en dépit d’une allure à la mode qui se résumait à un jeans, un perfecto clouté et à un crâne partiellement rasé, mais il lui apportait cependant, ce qui lui avait paru décisif à l’époque, une révolte, plutôt une sorte d’attitude qu’elle estimait, naïvement sans doute, pertinente et sincère. En guise d’acquiescement, elle avait cru bon de se faire tatouer, au haut de son dos et de son épaule, un rat plutôt lubrique dont le museau ouvert laissait échapper un rire mauvais ou, pour conclure son œuvre, elle avait exécuté des piercings qui lui traversaient la joue ou l’aile du nez encore que ceux-ci aient été plus discrets que l’on ne pouvait se l’imaginer. C’était toujours pour lui plaire qu’elle avait accepté la présence abusive de ses amis bruyants dans son petit appartement. Malgré tout cela, dès qu’elle portait ses lunettes fines, on se rendait aussitôt compte que son visage presque arrondi faisait songer à une petite fille à la sortie d’une école de Varsovie et que ses cheveux, roux et bouclés, avaient assurément accru cette impression particulière, semblable à celle qui émanait des veilles photos jaunies qui embellissaient jadis les albums de famille. Elle se méfiait de tout ce qui, en elle, aurait pu encore rappeler l’enfance sous prétexte qu’elle avait grandi et qu’elle pouvait se permettre alors d’ignorer ses années passées. En fait, tout ceci aurait paru inexact, imprécis à qui se serait intéressé à la comprendre tant elle cachait difficilement une profonde tristesse dès qu’elle évoquait cette époque peu lointaine. Elle avait alors choisi de vivre sans que quiconque ait bien compris le sens de ce mot ou du comportement qu’il impliquait. Elle vivait, c’était tout disait-elle. Son ami avait certainement une qualité qui lui était devenu, au fil du temps, très appréciable : il parlait rarement à voix haute. Il n’avait pas la puissante vocale pour s’opposer à ses sauts d’humeur et, sans se l’avouer, elle en avait retenu une forme de docilité qui curieusement l’avait convenu. Certes, il faisait d’immenses efforts pour se contenir si ce n’était qu’il était parfois exaspéré, au bord d’un visible emportement, soumis à une intime émotion. Elle avait certainement des regards tendres envers lui mais, en fait, elle se méfiait des êtres tourmentés et sa relation ondulait avec sa capacité de résistance aux inquiétudes ou interrogations de son ami, comme à cet âge-là il était naturel que l’on en souffre et d’autant qu’elles étaient nécessaires à l’expression de ses talents de musicien interprète, du moins le pensait-il ainsi. Il n’était pas de nature violente, mais il se rongeait le sang dans un silence quelquefois pesant comme l’aurait fait une âme maussade ; aussi, quitte à le regretter, l’abandonnait-elle pour un autre, le trompait-elle, ne fut-ce que pendant quelques nuits, dès que son besoin d’insouciance ou d’indépendance avait repris le dessus et, bien que ses angoisses se soient accrues davantage, il n’était pas rare, aussitôt dégrisée, de la voir revenir vers lui en pleurant de chaudes larmes de pénitente et en promettant, comme une enfant, de ne plus recommencer. Elle tenait rarement sa parole. Ce jeune homme était amoureux, cela se voyait et elle le savait. Elle ne serait pas doutée, quand bien même on l’aurait mise en garde, de la réapparition de ces mêmes scènes de désordres familiaux qu’elle avait néanmoins fuies et qu’elle espérait ne plus jamais rencontrer. Elle ne s’était jamais résolue à interrompre ce rituel à moins qu’une lucidité soudaine ne l’ait aidée à faire le partage des choses. Un conformisme dans l’anticonformisme. Pour retrouver le charme disparue d’une ambiance intime, ainsi qu’elle le lui disait presque naïvement, ils s’étaient échappés à Londres dans une sorte d’escapade romantique, ceci durant quelques mois, à la recherche d’une incertaine inspiration musicale qui aboutit toutefois à la création discrète d’un disque à la gloire des musiciens américains des années cinquante, époque rêvée d’un bonheur qu’on avait cru éternel. Elle regretta peu de temps cet échec qu’elle avait, tout d’abord, attribué à un effet de mode ou à un malentendu. Elle n’avait pas eu de difficulté pour se consoler ailleurs. Elle avait vite tourné la page de ce monde qu’elle estimait secrètement injuste sans manquer de se réfugier dans une forme de dédain sarcastique qui lui avait permis de briller par des jeux de mots acerbes plutôt que d’esprit et qui ne pouvaient en aucun cas masquer un désarroi ou une indéniable insatisfaction comme une incompréhension de la vie. A l’entendre, il suffisait, pour peu que l’on ait pris acte de sa détermination, ce qu’elle croyait être une finesse de raisonnement, d’accepter la fin d’un ancien monde et se préparer à la naissance d’un nouveau qui évidement aurait su résoudre, juste par volonté et courage ou par nécessité, parce que les choses ne pouvaient plus perdurées ainsi le prétendait-elle sur un ton désespéré, ce que des siècles d’histoire de l’humanité n’avaient pu réaliser. Elle avait encore surpris son monde lorsqu’elle avait décidé un jour de s’inscrire à une université du mont Scopus, subitement prise de passion pour les sujets des sciences de la terre comme si elle avait espéré enfin comprendre quelque chose à ce monde complexe et déroutant. Elle habitait à cette époque dans un petit logement éloigné de l’université où sa vie triste et monotone lui suscitait un ennui profond et qu’elle trompait, aussi facilement qu’elle le pouvait, en jouant avec les souris qui avaient trouvé un refuge incertain chez elle, dans les recoins du couloir ou sous l’armoire bancale. Loin de tout, on avait cru qu’elle s’était assagie ou qu’elle avait su alors adoucir qu

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