Celle qui ne pleurait jamais - Prix du Polar 2017
204 pages
Français

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Celle qui ne pleurait jamais - Prix du Polar 2017 , livre ebook

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Français

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Description

Christophe Vasse Celle qui ne pleurait jamais Policier Éditions Les Nouveaux Auteurs 16, rue d’Orchampt 75018 Paris www.lesnouveauxauteurs.com ÉDITIONS PRISMA 13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex www.editions-prisma.com   Copyright © PRISMA MÉDIA / 2017 Tous droits réservés ISBN : 978-2-8195-04467 Pour Tonton Pierrot Pour Ticlaude PREMIÈRE PARTIE Prologue Blam. Blam. Elle sursaute à chaque détonation. Elle ne veut pas se boucher les oreilles, il l’aurait vue, lui aurait demandé pourquoi. Il n’aurait peut-être même pas pris la peine de poser la question, il se serait approché, aurait posé sa main sur elle, aurait souri de ce sourire qu’elle connaît si bien. Et Dieu sait ce qu’il aurait fait après. Il faut qu’elle entende, que son corps tremble à chaque nouvelle explosion, cela fait partie du jeu. De son jeu. La clairière est envahie de fleurs. Le ciel est bleu jusqu’à l’infini, le soleil et la brise œuvrent de concert pour diffuser juste ce qu’il faut de chaleur. Son corps n’a soudain plus aucune consistance, le simple souffle du vent suffirait à l’emporter au loin. Loin d’ici. L’arracher à ce fracas qui lui transperce les tympans et s’immisce au plus profond de son être. Ce pourrait être une si belle journée. Elle en aurait presque pleuré. Blam. Blam. Elle seule doit endurer, il n’y a personne alentour, personne pour stopper cet insupportable divertissement.

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Informations

Publié par
Date de parution 06 juillet 2017
Nombre de lectures 13
EAN13 9782819504467
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Christophe Vasse
Celle qui ne pleurait jamais
Policier
Éditions Les Nouveaux Auteurs
16, rue d’Orchampt 75018 Paris
www.lesnouveauxauteurs.com
ÉDITIONS PRISMA
13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex
www.editions-prisma.com
 
Copyright © PRISMA MÉDIA / 2017
Tous droits réservés
ISBN : 978-2-8195-04467
Pour Tonton Pierrot
Pour Ticlaude
PREMIÈRE PARTIE
Prologue

Blam.
Blam.
Elle sursaute à chaque détonation. Elle ne veut pas se boucher les oreilles, il l’aurait vue, lui aurait demandé pourquoi. Il n’aurait peut-être même pas pris la peine de poser la question, il se serait approché, aurait posé sa main sur elle, aurait souri de ce sourire qu’elle connaît si bien. Et Dieu sait ce qu’il aurait fait après.
Il faut qu’elle entende, que son corps tremble à chaque nouvelle explosion, cela fait partie du jeu. De son jeu.
La clairière est envahie de fleurs. Le ciel est bleu jusqu’à l’infini, le soleil et la brise œuvrent de concert pour diffuser juste ce qu’il faut de chaleur. Son corps n’a soudain plus aucune consistance, le simple souffle du vent suffirait à l’emporter au loin. Loin d’ici. L’arracher à ce fracas qui lui transperce les tympans et s’immisce au plus profond de son être.
Ce pourrait être une si belle journée. Elle en aurait presque pleuré.
Blam.
Blam.
Elle seule doit endurer, il n’y a personne alentour, personne pour stopper cet insupportable divertissement. Il a choisi l’endroit, bien sûr, pas un seul être vivant à des kilomètres, la campagne s’est même vidée de toutes ces créatures sauvages, qui se sont enfuies au premier coup de feu.
Une pause. Plus de cartouche.
Il baisse le bras, puis tourne la tête. Il lui sourit, s’avance dans sa direction. Elle retient ses tremblements, déglutit avec peine. Ces moments sont les pires ; il vient vers elle, silencieux, elle attend, immobile, paralysée par la peur. Elle ne sait pas ce qui va se passer dans les prochaines minutes, un simple contact, sans conséquence, ou l’horreur absolue, une mort insoutenable, sans cesse répétée. Elle soutient son regard, il n’aurait pas supporté qu’elle détourne les yeux. Il lève le canon à hauteur de ses cheveux, soulève une mèche. Elle peut sentir la chaleur de l’arme contre sa tempe.
—  Tu veux essayer ?
Elle ne répond pas immédiatement, réfléchit à la réponse qu’elle va lui faire, à ses conséquences, surtout.
—  Tu veux essayer, répète-t-il plus fort. Son sourire a disparu.
Un instant, une succession d’images défile devant ses yeux. Elle voit l’arme entre ses mains, elle se voit la brandir, tirer, une première fois, le sang qui gicle, se répand sur son T-shirt ; il s’écroule. Elle tire une nouvelle fois, le corps tressaille quand le projectile s’y enfonce, elle tire, encore et encore. Cette fois, c’est le crâne qui explose et la cervelle se répand en un jus épais et nauséabond.
Elle revient à la réalité, au canon qui la brûle, à ces yeux qui l’observent plus intensément, comme pour mieux lire ses pensées.
Elle secoue doucement la tête. Il laisse échapper un rire bref.
—  Une autre fois, alors.
Le canon descend doucement. L’immonde sourire reparaît quand il frôle sa poitrine immature de la pointe de son arme. Elle est paralysée, ne peut plus soutenir son regard et baisse les yeux.
—  On rentre, ordonne-t-il.
Il glisse l’arme sous sa ceinture et s’éloigne. L’occasion est passée. Elle se dit qu’elle aurait dû le faire, qu’elle aurait pu mettre fin à tout, là, tout de suite. Elle maudit son manque de courage, son indécision. L’instant d’après, elle envisage les conséquences de son geste, essaie de se convaincre qu’elle ne pouvait pas faire ça. Elle lève la tête ; son beau-père file à travers les herbes hautes d’un pas décidé.
Une autre fois.
Oui, il y aura d’autres occasions, se dit-elle finalement. Un jour prochain, elle trouvera le courage. Un jour prochain, elle franchira le pas.
Alors, ce sera une toute nouvelle vie.
1

C’était son premier meurtre. Perdue au beau milieu de la Brie, trop provinciale pour la région parisienne et trop parisienne pour la province, la ville de Morency était une laissée-pour-compte dont l’anonymat ne tentait pas même les assassins. Son souvenir le plus marquant remontait à trois ans, lorsqu’il avait été appelé pour un accident plutôt horrible qui avait nécessité l’expertise de la brigade criminelle – il y avait tellement de sang dans l’appartement qu’on avait d’abord pensé à un meurtre. En fait, le type était hémophile et s’était mortellement coupé. Un coup de cutter maladroit dans la cuisse, une entaille bien profonde, et le gars s’était vidé de son sang.
Il écouta le bilan du légiste avec attention, plus pour s’assurer que le substitut aurait rapidement toutes les infos nécessaires – plus clair et précis serait son compte-rendu, plus vite il serait rentré chez lui – que par réelle conscience professionnelle. Il n’arrivait même pas à s’émouvoir à la vue de cet homme ainsi recroquevillé à ses pieds. Il se dit qu’une telle indifférence n’était pas normale et essaya de se représenter ce qu’avait pu être sa vie – un travail, des amis, une famille, une femme peut-être, des enfants – mais rien ne venait. Pas le plus petit pincement au cœur, pas la moindre ombre de compassion.
Il s’en foutait, tout simplement.
Pourtant, c’était bien là le genre d’événements qui pouvait distraire son quotidien si fade. Des journées entières passées à montrer les muscles au bord de la route, à régler des conflits de voisinage, à ramener au poste des types qui piquaient pour quelques euros de marchandises dans la supérette du coin. Sans parler de la paperasse. Il avait sous les yeux le cadavre d’un homme qui venait de se faire trucider à coups de couteau, voilà qui sortait de l’ordinaire. Qui pouvait savoir ? C’était peut-être le premier meurtre d’une longue série, le brouillon d’un tueur en série qui sèmerait le chaos dans la ville, la région, voire le pays pendant des mois.
Mais non, même à cette idée, il ne parvenait pas à ressentir le moindre petit frisson. Ces vingt années passées sous l’uniforme ne lui laissaient qu’indifférence et désillusion.
— Pas le plus petit doute sur l’homicide, donc ?
Le regard du légiste en dit long sur la pertinence de sa question.
— Un doute ?
Il sourit.
— Deux coups de couteau, aucune trace de l’arme… Si ce n’est pas un homicide, il faut faire venir Mulder et Scully (1) …
— Dans ce cas, fit Séverin en se redressant et en saisissant sa radio, ce n’est plus de mon ressort…
 
Le substitut du procureur arriva le premier, une grande perche avec la boule à zéro et des lunettes qui lui mangeaient la moitié du visage. Il était affublé d’un costume beige et d’une cravate grise ornée de petits éléphants bleus. Malgré son crâne dégarni, il ne paraissait pas avoir trente ans. C’était la première fois que Séverin voyait sa tête. Un nouveau, songea-t-il. Il fit un geste en direction de la chambre.
— C’est par là.
Il crut un instant que le jeune magistrat allait tomber dans les pommes en voyant le cadavre. Il résuma les constatations du légiste, lequel apporta ensuite des précisions assez techniques sur les circonstances probables de la mort et donna une estimation du moment où elle était intervenue. Le procureur ne s’éternisa pas. Il posa deux, trois questions, plus pour la forme que pour parfaire son appréciation de la situation, puis repassa dans le salon d’une démarche un peu chancelante.
— C’est ma première scène de crime, confia-t-il à Séverin. Ça… remue un peu.
— Je comprends.
En fait, il ne comprenait pas du tout, mais il estima maladroit de prétendre le contraire.
— Être confronté à la mort, c’est toujours difficile, poursuivit le substitut. Alors, quand elle intervient dans ces conditions…
Séverin s’aperçut qu’il respirait par la bouche. Le cadavre n’était pas tout frais et l’odeur qui enveloppait la scène pouvait à présent être qualifiée de franchement nauséabonde.
— La brigade criminelle ne devrait plus tarder, à présent, dit le magistrat avec une pointe d’anxiété dans la voix.
— Il y a du chemin depuis Versailles.
Il préféra ne pas en dire plus, histoire de ne pas ruiner les espérances du jeune homme qui semblait attendre la Criminelle comme le Messie. À cette heure de la journée, il était inutile de faire un pronostic sur le temps que la PJ mettrait pour faire la route jusqu’à Morency.
— Je vais prendre l’identité de toutes les personnes présentes et poser quelques questions aux voisins. C’est peut-être aussi bien qu’on attende la Crim’ à l’extérieur. Restez bien derrière moi, qu’on ne sabote pas leur boulot.
Le substitut ne demanda pas son reste et emboîta docilement le pas du policier.
 
La brigade criminelle investit les lieux une vingtaine de minutes plus tard. Un groupe d’enquête au complet avec une équipe de l’identité judiciaire. L’homme qui menait la troupe était grand et sec, avec un visage en lame de couteau. Cette tête-là, en revanche, Séverin la connaissait.
— Bonjour, Séverin, fit le nouveau venu avec un sourire.
— Salut, Franck.
Séverin et Franck s’étaient connus au collège. Au contraire de Séverin, qui n’avait jamais figuré parmi les élèves les plus appliqués, Franck avait toujours été d’une assiduité et d’un sérieux exemplaires. Ses notes lui avaient ouvert en grand les portes d’à peu près toutes les filières, mais l’histoire familiale l’avait depuis longtemps décidé pour la police. À l’issue du concours d’entrée, une simple formalité pour lui (Séverin ne s’en était pas trop mal sorti non plus, mais au prix d’un bachotage de dernière minute stressant et d’intenses efforts cérébraux), Franck, qui n’était pas du genre à choisir la facilité, avait jeté son dévolu sur les quartiers difficiles de la banlieue parisienne. Il s’y était fait plaisir quelques années, mais ce qu’il visait depuis le début, c’était la police judiciaire. Il avait débarqué à la brigade criminelle de Versailles six ans auparavant et son efficacité et sa détermination aidant, sa carrière suivait une belle courbe

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