Baltique blues
186 pages
Français

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Description

L’Islandais Óláfr Thorgilsson est un biologiste nobélisable qui ne croit qu’aux faits vérifiables et reproductibles. À Stockholm pour une conférence, il rencontre Eva, la fille d’un collègue. Totalement ébloui par sa beauté, la question se pose à lui : qu’est-ce que la beauté si rien d’autre n’existe que « le hasard et la nécessité » ?


Mais les évènements se télescopent et la question ne reste pas seulement philosophique...




Liée à la cité sur l’eau qui a allumé ma mémoire ancienne, mon histoire d’amour en est aussi une de sang, dans toutes les définitions du terme.



Se faire voler son meurtre, je suppose que cela n’arrive pas à une personne sur cent millions. Pourtant, lorsque pour arracher Eva à des gènes récessifs, je me suis approché de Zoran pour lui fracasser le crâne, il avait déjà une brochette à kebab plantée en plein cœur.



C’était amplement suffisant et cela aurait au moins pu en finir là, mais ce n’était que le début. Ou plutôt le début de la fin, puisque, du même coup, j’allais apprendre que celle que j’attendais depuis toujours, mon amour, ma raison d’être, ma folie, Eva était à l’origine de ce qui va effacer la civilisation si je ne suis pas celui qu’elle a cru.




Né en 1984 dans le nord-ouest de l’Islande, Magnus Ólafsson a fait des études de géologie et d’ingénierie des matériaux au Danemark puis en Illinois. Spécialiste en géothermie, il réside à Kopavogur dans la banlieue de Reykjavik, où il est consultant pour l’ÍSOR. Il est marié et père de deux filles. Il n’a jamais envisagé une carrière d’écrivain, mais insomniaque et ne supportant pas « l’inanité de la télévision », il dit écrire des histoires depuis le plus jeune âge à la fois pour meubler ses nuits et pour répondre à ses propres questionnements. Sur l’insistance de son épouse, Baltique blues (baltneskur blús) est le premier roman qu’il fait publier.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 décembre 2022
Nombre de lectures 2
EAN13 9782982072275
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Magnus Ólafsson
BALTIQUE BLUES
Roman traduit de l’islandais par Aurélia Vast
Perdido
PO Box 89 Pender Island PO
Pender Island, BC, V0N 2M0
Canada
info@perdido.ca
www.perdido.ca /www.perdido.fr
ISBN : 978-2-9820722-6-8
ISBN (EPUB) : 978-2-9820722-7-5
Tous droits réservés pour le monde entier
Photo de couverture par Tommy Takacs
Baltique Blues est une œuvre de fiction, par conséquent tous les personnages ou événements ne sont que le produit de l’imagination de l’auteur. Toute ressemblance avec des personnes ou des faits existants ou ayant existé ne serait donc que pure coïncidence.
Dépôt légal : janvier 2023
© Perdido, décembre 2022
Tout ceci est une œuvre de pure fiction, c’est-à-dire surgie dans l’esprit de l’auteur, lequel par conséquent l’a vécue. Cela étant, il ne peut prétendre que rien n’est arrivé et juge donc raisonnable d’avertir que sa lecture n’est peut-être pas exempte de tout risque .
I
Un jour de pluie, j’ai vu que ma mère ne m’aimait pas. Comme toujours, elle me souriait de ce sourire qu’elle avait tellement beau, elle ne me faisait aucun reproche, au contraire, elle semblait même plutôt fière de moi, mais c’était tout. Aucune lueur ne brillait pour moi au fond des yeux de ma mère. Strictement rien sinon la nuit incommensurable.
Je l’avais vu et mémorisé, mais il a fallu quarante ans avant que les événements m’amènent à en prendre acte. Quarante années en quête de l’âme sœur qui quelque part devait forcément m’attendre. En fait, tout ce temps à croire que c’était Anna Krausdóttir, celle avec qui j’avais partagé mon banc d’école.
Vive, lumineuse, riante et grave à la fois, Anna était ce que j’avais vu de plus beau. J’étais tombé dans l’immensité de ses yeux un après-midi de septembre et j’y étais resté deux ans. 700 jours en tremblant à chaque instant que cela cesse. En cela j’avais eu raison, car la mer ayant été vidée de ses harengs, le village côtier de mon enfance, Djupavik, était devenu inutile et avait été abandonné faute de ressources pour le faire vivre. Un matin de juin, la famille d’Anna est partie pour Ísafjörður, où l’on disait qu’il y avait encore du poisson. Quelques jours plus tard, la mienne partait pour la capitale, où l’on disait que la vie était plus facile.
La distance était loin d’être insurmontable, même à cette époque, mais lorsqu’au premier tournant de la rue de gravier noir Anna disparut avec les siens, je me suis convaincu que jamais je ne la reverrais. Cette journée-là, à plat ventre dans l’herbe sur la falaise, j’ai pleuré, persuadé que désormais toute joie me serait impossible.
Depuis ces larmes sur la falaise, 14 395 jours s’étaient écoulés, et autant de nuits. Surtout des nuits. Je venais d’en faire mentalement le décompte — même si je n’étais pas certain d’avoir bien calculé les années bissextiles. Marié deux fois, j’avais néanmoins continué à prêter les yeux d’Anna à cette âme sœur que je ne pouvais pas m’empêcher d’attendre. De ces mariages, sans y prêter trop de cas, j’avais conclu avoir confondu amour et passion. Je ne m’en culpabilisais pas, me faisant valoir que le caractère même de la passion ne pouvait qu’entraîner le déraillement de l’objectivité.
Ce soir-là, donc, alors que je préparais mon repas solitaire dans les exhalaisons des lilas de juin qui montaient jusqu’à la baie vitrée de la cuisine depuis le parking en arrière, les événements de la journée me forçaient enfin à admettre qu’aux yeux de sa mère je n’avais rien été, sinon peut-être un embarras.
Tout avait commencé le matin même en sortant de la banque. J’étais tombé sur Örn Sigurðarsson, lui aussi originaire de Djupavik et, des souvenirs communs en amenant d’autres, il m’avait demandé :
— Tu te souviens d’Anna, de la famille de Kraus Þorláksson ?
— Bien sûr.
— C’est curieux de revoir des anciens du village comme ça, coup sur coup. J’ai rencontré Anna pas plus tard qu’hier après-midi. Elle m’a raconté sa vie, pas très drôle. Enfin, ça va mieux. Tiens ! justement, son copain actuel, un artiste peintre, doit participer à un vernissage collectif, cet après-midi sur Hverfisgata. Si tu veux la voir, elle y sera.
Il n’y avait évidemment aucune possibilité que je n’aille pas à ce vernissage.
C’était portes ouvertes à la Maison de la culture et je me suis mêlé aux invités, essayant de donner l’impression que je m’intéressais aux toiles — ce qui aurait pu être le cas en d’autres circonstances. La peinture m’a toujours fasciné par ce qu’elle est en mesure d’exprimer au-delà de la représentation.
Je me disais qu’Anna devait être une de ces personnes qui se pressaient autour de la longue table blanche où étaient alignées des coupes de mousseux australien, cependant j’étais incapable de la reconnaître. Peut-être n’était-elle pas encore arrivée ? Bien entendu, sachant qu’elle avait le même âge que moi, j’avais rétréci en conséquence le champ de mes recherches. Ce dont j’étais certain, c’est qu’elle ne pouvait qu’être belle. Là-dessus, l’âge ne pouvait avoir de prise ! La peau pouvait s’affaisser, se plisser, se creuser, la chevelure passer des blés à la neige, les épaules se voûter, la taille s’empâter ; la beauté, la vraie, ne pouvait se volatiliser.
Anna était blonde, cela éliminait les brunes. Même avec des cheveux blancs ou gris ou teints, une blonde a toujours les traits d’une blonde. Elle était à peu près de ma taille, cela mettait de côté les grandes ou les petites. Passant l’assistance féminine par ce tamisage, rapidement il n’est plus resté que quatre possibilités. Pour cause de « laideur », non sans un sourire ironique pour moi-même, deux femmes ont été écartées d’emblée. Les deux qui restaient, bien que très différentes l’une de l’autre, étaient assez jolies. L’une avait le type artiste chic et une certaine noblesse habitait ses gestes. L’autre était plutôt du style maîtresse de grande maison, habituée à diriger les conversations et à donner des ordres.
Je me souvenais fort bien de la façon qu’Anna avait de se tenir, cette façon d’être si subtile qu’après tout ce temps il me suffisait encore d’évoquer pour me sentir dépossédé. Je n’en retrouvais rien en aucune de ces deux-là. Se pouvait-il que le temps efface cela ? Aucun de ces deux visages ne me rappelait non plus quoi que ce soit. De beaux visages racés, chacun dans ses particularités, néanmoins des visages inconnus. Les yeux non plus ne me disaient rien. Des yeux bleus, certes, mais pas de cette lueur particulière qui, un peu mystérieusement, évoquait les gris propres à l’océan les jours de neige. Cela aussi pouvait-il être emporté par l’âge ? Non, les yeux ne pouvaient pas mentir, Anna devait plutôt être en retard. Ou bien un imprévu allait continuer à donner raison à cette certitude que j’avais eue que jamais je ne la reverrais.
J’ai alors pensé au téléphone. Même si je m’étais toujours convaincu de ne jamais revoir Anna, au fil du temps, sans seulement vouloir m’avouer ce que je pourrais en faire, j’avais parfois recherché dans l’annuaire puis sur Internet le numéro où il me serait possible de la joindre. Je le connaissais par cœur. De nos jours, tout le monde possède un portable, si je faisais sonner le numéro et que l’une de ces deux femmes réponde, je saurais laquelle Anna était devenue. Je ne répondrais pas, mais je saurais.
Tâchant de paraître particulièrement intéressé par une toile, me tenant dissimulé derrière un pilier, le cœur battant comme un enfant sur le point de braver un interdit majeur, j’ai composé les sept chiffres. Une première sonnerie… De l’endroit où je me tenais, je pouvais constater qu’aucune des deux femmes ne recevait d’appel. Était-il possible que celle que je tentais de rejoindre ait laissé son téléphone chez elle ? Ce que je croyais savoir de l’attachement des femmes pour leur portable me disait le contraire.
Je m’apprêtais à raccrocher lorsqu’une voix éraillée a répondu :
— Ouais ?
La voix était épouvantable. À coup sûr celle d’une pocharde rongée par le schnaps. J’ai coupé brusquement la communication, persuadé cette fois d’avoir composé un mauvais numéro.
De nouveau les sept chiffres, de nouveau une sonnerie sans que rien ne se passe, puis de nouveau la même horrible voix.
— Qui êtes-vous ? ai-je demandé, excédé.
— C’est plutôt à moi de te le demander, c’est toi qui appelles.
Tourné vers la sortie, j’ai alors aperçu, au téléphone, la plus laide des deux laides . Malgré moi, sachant déjà qu’une image couvée pendant quarante ans était en train d’exploser, j’ai posé la question :
— Anna ?
— Ouais, on se connaît ?
— …Anna, de Djupavik ?
— Ouais, on peut le dire, sauf que ça, c’était dans une autre vie. Mais toi, t’es qui ? Tu t’es toujours pas présenté.
— J’étais ton voisin de pupitre, à l’école…
— J’en ai eu plusieurs, des voisins de pupitre…
— Il n’y en a pas un dont tu te souviens en particulier ?
— Il y avait bien un Markus, qui avait toujours son doigt fourré au fond du nez. C’était écœurant. C’est toi, Markus ?
— Non, moi c’est Óláfr.
— Óláfr, ouais, je crois que me souviens d’un Óláfr. Il n’arrêtait pas de me regarder comme si j’étais la Sainte Vierge.
— Ça devait être moi.
— Eh bien ! Et t’es où maintenant ? Qu’est-ce qui me vaut cet appel ?
Je voulais fuir, mais il fallait que je comprenne. Comment cette personne que j’apercevais, là-bas, pouvait-elle avoir un quelconque rapport avec Anna dont j’avais fait la complice à qui j’adressais mes pensées les plus intimes ? Anna si belle, si fragile, si terriblement vraie. Presque à mon corps défendant, je me suis dirigé vers elle avec, grandissant à chaque pas, la conviction qu’elle était encore plus délabrée que lors de ma première impression.
Elle m’a adressé un sourire de dents jaunes m’indiquant qu’elle me reconnaissait. J’ai reconnu les nuances du gris au fond de ses yeux.
— Tu n’as pas vraiment changé, a-t-elle affirmé.
Je ne lui ai pas répondu là-dessus. Tout ce que j’aurais pu dire aurait été ou goujat ou profondément malhonnête. Je ne lui ai pas demandé non plus comment elle allait ; visiblement ce

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