Alambre , livre ebook

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Céline SERVAT



ALAMBRE


Alambre de espino - Le fil de fer barbelé, comme celui qui clôt le camp pour réfugiés espagnols d'Argelès sur mer.


Alambre, où quand le fil de fer devient une arme mortelle.


1936. Esteban, jeune paysan andalou rejoint les mouvements anarchistes espagnols pour contrer la montée du franquisme. Il ne se doute pas qu'il va subir l'enfer et le désespoir. Ni que cela rejaillira sur plusieurs générations.


2022. Gustave, lui, n'aurait jamais pensé vivre un cauchemar en s'alliant à son amie Léa pour aider les victimes de l'institut Peron.


Qu'est-ce qui lie ces deux époques ? Une personne sait, une personne agit et tue, sans regrets.



Après Internato et Norillag, Alambre est le troisième tome de la trilogie sur les dictatures et les secrets de famille.

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0

EAN13

9782382111154

Langue

Français

ALAMBRE

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
 
 
 
 
 
 
 
© M+ éditions Composition Marc DUTEIL ISBN 978-2-38211-115-4
Céline Servat
ALAMBRE
M+ ÉDITIONS 5, place Puvis de Chavannes 69006 Lyon mpluseditions.fr
La dédicace de ce livre est transgénérationnelle : À mon grand-père Manolo qui a vécu un parcours qui ressemble à celui d’Esteban, luttant pour son pays et quittant tout à dix-sept ans, À mon père José qui nous a inculqué l’histoire de l’Espagne, en transformant les chansons de lutte en chansons familiales, À mon frère Thomas qui a construit, entre autres, sa carrière professionnelle et celle de musicien autour de l’Espagne et de son combat contre le franquisme.
Prologue
Sa main effleura un foulard en soie, ses doigts caressèrent le tissu. Il repensa à la comptine qu’il avait tant de fois entendue, enfant, lorsqu’il avait du mal à s’endormir.
Elle évoquait des personnages paradoxaux : un gentil loup, un prince méchant, une belle sorcière et un pirate honnête... 1
 
Quelle ironie   ! Le texte s’adaptait tellement à la situation actuelle... « Le loup », ou plutôt la femme qui se comportait comme une louve, avait péri sans comprendre ce qui lui arrivait. Sa naïveté avait eu raison d’elle. Il ferma les yeux, se remémora le corps s’affaissant brusquement, ainsi que la sensation de puissance qui l’avait envahi. Que c’était bon   !
 
Le « méchant prince », lui, se croyait en territoire conquis, bien mal lui en avait pris   ! Il l’avait éliminé comme on écrase un cafard. L’image le fit sourire. Oui, c’était exactement ça.
 
Il restait encore « la belle sorcière ». Sa chevelure rousse l’aurait conduite directement au bûcher à une autre époque. Sous ses airs innocents se cachait tout ce qu’il détestait. De quel droit s’autoproclamait-elle défenseur de l’humanité, censeur du bien et du mal, alors qu’elle ne faisait pas le ménage devant sa propre porte, refusant de baisser les yeux sur la poussière amoncelée   ?
Quant au « pirate honnête », ce Gustave débarqué directement de France, pour qui se prenait-il   ? Le terme de pirate lui plaisait. Le Français n’avait pas de drakkar mais il avait parcouru l’Argentine, la Russie, l’Allemagne, et maintenant l’Espagne. Pourtant, il n’avait rien à faire ici. Il n’avait pas le droit de remuer les secrets enfouis.
 
Personne n’échapperait à ses responsabilités.
Première Partie 
 
Dans ce monde, moi je suis et serai toujours du côté des pauvres.
Je serai toujours du côté de ceux qui n’ont rien et à qui on refuse la tranquillité de ce rien.
 
Federico García Lorca
Chapitre un
19 juillet 1936
 
« Mundo obrero  
Organo central del partido comunista
Terror de la burguesia  
Mundo obrero  » 2
 
Penché à la fenêtre, Esteban esquissa un sourire. Comme chaque jour, Manolo vendait son journal avec conviction, sur la place du village. 
 
Il tira une dernière fois sur sa cigarette avant de jeter d’une pichenette le mégot dans la rue. Il embrassa la place du regard. C’était peut-être la dernière fois qu’il voyait son village et une bouffée de nostalgie l’envahit.
En bas, des femmes rassemblées échangeaient bruyamment. Les tables du café étaient pratiquement toutes occupées. Les consommateurs jouaient au parchis 3 ,  ou aux dominos. Les conversations allaient bon train, dans une ambiance électrique. Un étranger aurait imaginé se trouver dans une ambiance de fête. À tort. Les habitants étaient agités par la situation de leur pays et leur conscience politique s’exprimait, surtout que les derniers événements, dramatiques, touchaient leur région de près.
Esteban avait grandi sous la dictature de Primo de Rivera et ses parents, ouvriers agricoles qui se tuaient à la tâche, avaient toujours compté la moindre peseta.
Le jeune homme avait connu les fins de mois où sa mère se privait de manger pour que son fils puisse avoir quelque chose dans l’assiette. À cette pensée, son indignation, qui ne se terrait jamais loin, ressurgit. Comment pouvait-on les traiter ainsi ? Esteban serra les poings. Injustice   ! murmura-t-il, injustice...
 Pendant des années, ils avaient courbé le dos. Ils avaient survécu plus que vécu. Les propriétaires terriens les avaient renvoyés à leurs conditions, avec des menaces, des brimades, des maltraitances. Et puis, enfin, l’Espagne avait connu ce que ses habitants espéraient depuis longtemps : des élections.
Esteban laissa échapper un soupir. Finalement, les dernières années n’avaient servi qu’à leur faire croire que le changement serait possible pacifiquement. Qu’il suffisait d’attendre en toute confiance. Preuve en était   ! Ils n’allaient pas bien. Alors qu’une évolution se profilait avec un front populaire composé de politiciens de gauche, les Phalangistes s’étaient rebellés et avaient fomenté un putsch. Séville était l’une des premières cibles des Franquistes. Ils massacraient à tour de bras leurs opposants, provoquant la panique dans les villages alentour. La Campana était à soixante kilomètres de la grande ville mais des rumeurs se propageaient à la vitesse de la poudre. Ce n’était qu’une question de temps avant que le village ne soit lui-même la cible de la violence et de la fureur des Phalangistes. Ils n’avaient aucun moyen de lutter   ! Comment réagir   ? Il était plus que temps de s’opposer avant d’être écrasés et humiliés par leurs forces armées.
Esteban se reconnaissait dans les idées de la CNT 4 . Il était sensible à l’appel de lutte du syndicat qui, depuis le résultat des élections, alertait ses sympathisants sur l’imminence d’une prise de pouvoir sauvage. Ses parents, quant à eux, s’opposaient à son implication, ils le trouvaient trop jeune, l’enjoignaient à rester près d’eux, à ne pas prendre de risque.
L’adolescent jeta un œil vers la lettre qu’il leur avait laissée. Il n’arrivait pas à leur annoncer en face qu’il partait. Est-ce que cela signifiait qu’il était un lâche   ? À coup sûr, sa mère pleurerait, elle s’inquiétait toujours beaucoup pour lui. Son père trouverait-il les mots pour la calmer   ? Le rendrait-il furieux, ou bien, finalement, serait-il fier de lui   ? Des larmes lui piquèrent les yeux. Il avait toujours voulu être la source de l’orgueil de son père. Serait-il à la hauteur   ? Que c’était dur de partir   !
Les cloches de l’église Santa María sonnèrent. Il était temps. Il dirait au revoir à Antonia, puis il rejoindrait la milice.
 
Chapitre deux
Esteban déambulait dans les ruelles étroites de son village. Il avait toujours vécu à La Campana et l’habitude lui avait voilé la beauté des lieux. Il les découvrit à nouveau ce jour-là, alors qu’il devait partir, quitter les terres andalouses. Chaque détail se grava dans son esprit, des constructions à la blancheur des façades.
Il dépassa la maison de Felipe, où il venait jouer quand il était petit. Il reconnut la porte de sa nounou, à qui il n’avait pas rendu visite depuis longtemps. La nostalgie le gagna à l’idée de tout ce qu’il aurait voulu accomplir et qu’il avait repoussé, pensant avoir tout son temps…
Il arrivait maintenant à destination. Esteban ralentit le pas et se cacha à l’angle de la rue pour regarder discrètement. Antonia, assise sur un banc, l’attendait. Il aimait l’observer à la dérobée pendant quelques secondes, il agissait ainsi chaque fois.
Esteban avait été amoureux d’Antonia depuis le premier jour, quand la petite fille aux boucles châtains et au regard sage s’était assise près de lui à l’école.
Ils n’avaient jamais rien fait l’un sans l’autre et cette complicité les unissait plus fort encore.
La petite fille à l’allure de poupée de porcelaine avait peu à peu laissé place à une adolescente magnifique, qu’il ne se lassait pas d’admirer. Antonia était sa princesse, et son adoration pour elle était sans limite. Elle était la fille du boulanger et non celle d’un noble de la région, toutefois son attitude avait tout de celle d’une reine. Son buste au port altier, son visage doux, ses yeux bleus d’une clarté telle qu’ils donnaient l’impression d’être délavés par le soleil. Il aimait se balader avec elle, imaginer leurs vies quand ils seraient adultes, dans un avenir plein de promesses. Qu’en resterait-il après son départ   ?
 
Le cœur d’Esteban se serra. C’était si dur d’assumer sa décision   ! Bien sûr, il voulait se battre, même s’il craignait l’inconnu et ce qu’il trouverait en face. Il manquait tellement d’expérience, mais l’excitation de l’engagement pour une cause juste prenait encore le pas sur ses peurs. Quitter Antonia lui paraissait pourtant un si lourd tribut à payer... Il essuya une larme du revers de sa manche et lissa une longue mèche de cheveux le long de son front, avant de la rabattre vers l’arrière, à la mode des acteurs américains. Esteban soupira et se remit en marche. Il ne devait plus faire attendre sa belle.
Perdue dans ses pensées, Antonia ne le vit pas s’avancer de prime abord. Quand elle l’aperçut, elle sauta sur ses pieds et courut vers lui, entourant son buste de ses bras frêles. Esteban se laissa aller dans cet «abrazo 5 » si doux contre son torse chaud, laissant libre cours à son émotion. Sa tristesse inhabituelle alerta la jeune fille et elle le saisit par les épaules pour mieux le regarder :
– Que se passe-t-il Esté   ? Tu n’es pas content de me voir   ? 
– Tu sais Antonia mía qu’à chaque fois que je te vois, je suis le plus heureux des hommes. Mais aujourd’hui, je viens te dire au revoir. 
Antonia poussa un petit cri aigu, tel celui d’un oisillon tombé du nid et enferma son visage entre ses deux mains jointes. Des larmes coulèrent, sile

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