Ainsi meurent les étoiles - Prix des Lectrices Prix Femme Actuelle 2019
208 pages
Français

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Ainsi meurent les étoiles - Prix des Lectrices Prix Femme Actuelle 2019 , livre ebook

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Description

Marie Battinger Ainsi meurent les étoiles COUP DE CŒUR DES LECTRICES GRAND PRIX 2019 Thriller Éditions Nouveaux Auteurs 16, rue d’Orchampt 75018 Paris www.lesnouveauxauteurs.com ÉDITIONS PRISMA 13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex www.editions-prisma.com       Copyright © PRISMA MÉDIA / 2019 Tous droits réservés ISBN : 978-2-8195-05969 Prologue Ses mains plongées dans l’eau chaude arrêtèrent leur mouvement, lâchant l’assiette en céramique qui s’écrasa avec un bruit sourd contre le fond de la bassine en plastique. Une sensation presque physique, aussi furtive que la caresse d’une brise d’été, lui traversa l’échine. On l’observait. La respiration coupée, Isabelle tourna la tête vers la fenêtre, lentement, comme si retarder l’échéance pouvait lui ôter un peu de pouvoir. Il y avait bien quelqu’un. Ou plutôt quelque chose : un chat. Un chat du même noir que ces corbeaux qui pullulent dans la campagne hivernale. L’animal était immobile. Seule sa queue lancée avec la régularité d’un métronome prouvait qu’il n’était pas fait de cire. Il prépare un mauvais coup, chuchota une petite voix au fond d’elle, et la gêne qu’elle ressentait s’accentua jusqu’au malaise, sans qu’elle comprenne pourquoi. La situation n’avait rien d’anormal. Les chats qui apparaissaient à la fenêtre de leur cuisine étaient légion, aussi nombreux que les escargots lancés à l’assaut de ses salades après la pluie. Souvent, Aloys préparait un petit bol de lait à leur attention.

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Informations

Publié par
Date de parution 04 juillet 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9782819505969
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Marie Battinger
Ainsi meurent les étoiles
COUP DE CŒUR DES LECTRICES GRAND PRIX 2019
Thriller
Éditions Nouveaux Auteurs
16, rue d’Orchampt 75018 Paris
www.lesnouveauxauteurs.com
ÉDITIONS PRISMA
13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex
www.editions-prisma.com
 
 
 
Copyright © PRISMA MÉDIA / 2019
Tous droits réservés
ISBN : 978-2-8195-05969
Prologue

Ses mains plongées dans l’eau chaude arrêtèrent leur mouvement, lâchant l’assiette en céramique qui s’écrasa avec un bruit sourd contre le fond de la bassine en plastique. Une sensation presque physique, aussi furtive que la caresse d’une brise d’été, lui traversa l’échine. On l’observait.
La respiration coupée, Isabelle tourna la tête vers la fenêtre, lentement, comme si retarder l’échéance pouvait lui ôter un peu de pouvoir. Il y avait bien quelqu’un. Ou plutôt quelque chose : un chat. Un chat du même noir que ces corbeaux qui pullulent dans la campagne hivernale. L’animal était immobile. Seule sa queue lancée avec la régularité d’un métronome prouvait qu’il n’était pas fait de cire.
Il prépare un mauvais coup, chuchota une petite voix au fond d’elle, et la gêne qu’elle ressentait s’accentua jusqu’au malaise, sans qu’elle comprenne pourquoi. La situation n’avait rien d’anormal. Les chats qui apparaissaient à la fenêtre de leur cuisine étaient légion, aussi nombreux que les escargots lancés à l’assaut de ses salades après la pluie. Souvent, Aloys préparait un petit bol de lait à leur attention. Isabelle laissait faire, puisque aux grands regrets des enfants, les allergies d’Éric ne leur avaient jamais permis d’avoir un animal, à l’exception de ce poisson rouge gagné à une foire de printemps et que personne n’avait regretté quand ils l’avaient trouvé un matin, flottant à la surface de son bocal.
Les enfants se rattrapaient avec les animaux des autres. Surtout les chats. Il y avait toujours un peu de lait ou quelques croquettes à leur intention, ce que plus aucun félin des environs n’ignorait. Les chats des voisins, ceux du quartier, tout ce qui portait moustaches et coussinets trois kilomètres à la ronde s’était donné le mot. Pas un jour ne passait sans qu’Isabelle entende des séries de plaintes, des plus timides au plus insistantes, devant ses carreaux.
Ce chat-là était différent. Il n’avait pas touché à la gamelle de lait et ne miaulait pas davantage. Il se contentait de la fixer, la queue battant de la droite vers la gauche et de la gauche vers la droite, et ce mouvement hypnotique ancrait en Isabelle le sentiment d’une menace imminente. Elle s’approcha, essuyant ses mains dans un torchon pour ne pas salir le sol avec l’eau savonneuse. Quand elle fut à moins d’un mètre, Isabelle remarqua ses yeux et se figea. L’un était d’un vert plein, presque émeraude, en amande comme le veut la morphologie des chats. De l’autre se détachait une tache marron, irrégulière, qui évoquait le travail d’un peintre peu méticuleux. Isabelle pensa aux contes de son enfance, ceux que les anciens racontaient pendant les fêtes de famille, lorsque les repas se prolongeaient bien après le coucher du soleil. C’était ridicule, il ne s’agissait que de légendes, d’un folklore que l’on perpétuait pour la seule vertu de ne pas le voir tomber dans l’oubli et pourtant la voix de son grand-père résonnait en elle, comme s’il avait ressuscité juste pour l’avertir : « Attention à ce que vous rencontrez, mes jolies. Les sorcières reçoivent du diable le pouvoir de se transformer en animal pour commettre leurs méfaits, aller au sabbat ou observer leurs voisins. »
Non. Elle fit en sorte de repousser la voix. C’était ridicule. Mais ces yeux…
Elle ouvrit la fenêtre, espérant faire fuir l’animal. L’air était glacé. Pour la première fois depuis le début de la saison, il avait même gelé. Enfin. Isabelle n’en pouvait plus de l’été indien. Dans moins d’un mois, les marchés de Noël ouvriraient leurs portes ; il était temps que la météo se mette à jour. Elle regarda le rebord. Le chat n’avait pas bougé, comme s’il la défiait. Son malaise augmenta d’un cran. Isabelle se força à prendre une grande inspiration. Oui, elle était ridicule, mais ces yeux…
Ils lui évoquaient tellement…
Elle dut agiter son chiffon pour qu’il réagisse enfin. D’un bond leste, le chat partit à toutes pattes en direction du portail. Isabelle attendit qu’il ait disparu de son champ de vision pour retourner à ses assiettes.
Ce n’est pas un bon présage, se dit-elle. Isabelle Morel, née Rosenzweg, n’était pas superstitieuse mais, avec le temps, elle avait appris à laisser une place plus forte à son intuition. Et si ce chat voulait dire que… Non. Pense à autre chose, s’intima-t-elle.
Ce n’est pas elle. Elle est loin. Elle ne peut rien faire contre toi.
Et même si elle avait le pouvoir de séduire et de tromper, en plus de cette capacité insolente pour les arts, même si elle était pleine de pouvoirs et de maléfices ; elle n’avait pas celui de se transformer en animal.
Les sorcières n’existaient que dans les contes.
La vie s’était chargée de remettre en cause une bonne partie de ses certitudes. Mais de cela, au moins, Isabelle était sûre.
Héléna

Lundi
 
La tête baissée pour éviter les gouttes, Héléna fouillait sa sacoche à la recherche de ses clés. La tâche n’avait rien de simple. Sa course à vélo, bien que courte, avait rendu ses doigts aussi raides que des bâtonnets de glace. Chaque tentative pour les plier lui arrachait une grimace et leurs extrémités d’un beige pâle lui laissaient craindre un début d’engelure. Une chance que sa mère ne soit pas là pour le voir, se dit-elle. À cette heure, Isabelle devait être occupée à communiquer les rudiments de la sophrologie à son groupe d’habituées. La jeune fille savait que, dans le cas contraire, elle n’aurait pu échapper à un sermon dans les règles : « Enfin, Héléna ! Sans gants et sans bonnet. (Bien sûr, elle n’avait pas non plus pris son bonnet.) Je ne vais quand même pas te préparer tes affaires comme si tu avais huit ans ! »
Héléna n’avait aucun mal à imaginer les gestes et le ton qu’aurait utilisés sa mère – après dix-sept ans de pratique, c’était tout à fait normal : d’abord un long soupir, puis elle aurait secoué la tête, comme pour montrer qu’elle hésitait entre l’exaspération et la résignation.
Se voir reprendre ainsi était toujours un peu pénible. Cela l’était d’autant plus qu’Héléna tenait ses remontrances pour une posture davantage qu’un vrai mécontentement. Elle soupçonnait sa mère de savourer ces moments de plus en plus rares où elle pouvait la traiter en enfant, comme l’acteur principal d’une vieille série qui retrouve son rôle à l’occasion d’un numéro spécial : Isabelle Morel était une femme faite pour la maternité, comme d’autres sont faits pour la politique ou les affaires ; l’entrée de sa fille aînée dans l’âge adulte n’allait pas sans entraîner chez elle un sentiment d’inutilité qu’Héléna percevait avec d’autant plus d’acuité qu’elles étaient très proches.
Au fond de son sac, ses doigts recroquevillés en pince butèrent contre quelque chose de métallique. Ses clés. Enfin. Laissant échapper un soupir de soulagement, elle releva les yeux.
Ce fut alors qu’elle la remarqua.
La dame blanche.
Dans la silhouette qui se tenait face à l’entrée, aux cheveux clairs déployés sur tout le dos, Héléna crut voir la dame blanche de ses contes d’enfants. Elle resta de longues secondes à la fixer, comme si elle s’attendait à la voir s’évaporer, oubliant la pluie qui la trempait.
Quand elle se ressaisit, elle se trouva stupide. Ce n’était pas un fantôme. La chevelure se prolongeait par un pantalon lâche, de ceux que la plupart des femmes réservent à leurs cours de fitness ou pour traîner à la maison les dimanches maussades. Protégée des gouttes par le perron, la femme attendait, le dos droit, immobile. Elle portait une paire de baskets – les dames blanches ne portent pas de baskets – ainsi qu’un petit sac en tissu dans la main droite.
Qui est-ce ? se demanda Héléna, en même temps que son anxiété montait. Quelque chose lui disait qu’il ne s’agissait pas d’une nouvelle voisine venue convier sa mère à une soirée Tupperware.
Le cœur battant, elle poussa la grille qui s’écarta avec un grincement plaintif. La femme se retourna, lentement, comme si sa notion du temps avait été altérée. La pluie gagnait en force. Héléna s’avança, le regard de l’étrangère pesant sur elle.
On aurait dit que la jeune fille était très exactement la personne qu’elle attendait.
— Héléna ? demanda-t-elle quand elle fut à sa hauteur, confirmant son impression.
La jeune fille l’observa, sans répondre. Comment connaissait-elle son prénom ? La femme était beaucoup plus jeune que sa tenue négligée le laissait paraître, bien qu’Héléna eût été incapable de dire si elle avait trente ou quarante ans. Elle avait un visage pâle et des cernes profonds qui n’empêchaient pas ses yeux verts de briller. Héléna était sûre de ne l’avoir jamais vue et, pourtant, la femme lui paraissait familière. L’un de ses yeux – le droit – était marqué d’une tache brune. Ses cheveux étaient d’une couleur fauve qui rappelait la sienne à l’époque où elle n’était pas persuadée que le brun foncé donnerait plus de caractère à son visage. De nouveau, Héléna fut frappée par son dos, si droit qu’une planche semblait dissimulée par-dessous ses vêtements.
La femme lui sourit. Son visage rajeunit d’une dizaine d’années.
— Bonjour. Tu ne me reconnais pas, n’est-ce pas ? Je suis Alexandra. Ta tante. La plus jeune sœur de ta mère.
 
L’eau avait transformé le jardin qui accueillait leurs soirées d’été en une immense pataugeoire. Les balançoires, vestige de leur enfance que leurs parents ne s’étaient pas encore résolus à enlever, cognaient contre le portique métallique.
De retour dans le salon, Héléna munie d’un plateau surprit le regard d’Alexandra par-delà les immenses baies vitrées, comme si les gerbes d’eau inondant la pelouse avaient un aspect fascinant perceptible d’elle seule.
— Merci, dit-elle alors qu’Héléna dépo

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