À l ombre de Wolfgang
160 pages
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À l'ombre de Wolfgang , livre ebook

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Description

En 2006, deux meurtres sont commis dans un temple protestant à Paris.
Une gardienne d'origine camerounaise, une jeune pasteure née à Berne, une étudiante allemande et un mystérieux SDF se retrouvent au cœur d'une enquête conduite par le commandant Sandoval, petit-fils de républicain espagnol.
L'auteure nous mène du siècle de la Réforme à la période actuelle en passant par le Second Empire.
Les cultures de l'Afrique, de l'Europe du Nord et du Sud affleurent et entrent en résonance pour poser les questions intemporelles de la mémoire, de l'exil, de la tolérance et du fanatisme religieux. Tout cela sous le regard envoûtant et énigmatique de Wolfgang Musculus, un des acteurs trop oubliés de la Réforme en Europe.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 décembre 2017
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414164776
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-16475-2

© Edilivre, 2018
Chapitre 1
Artémise entreprit sa ronde quotidienne dans le temple. Depuis onze ans qu’elle en était la gardienne, elle n’avait jamais dérogé à cette habitude qu’elle avait de vérifier, avant d’aller se coucher et une fois les derniers utilisateurs des locaux partis, si tout était en ordre : interrupteurs fermés, appareils ménagers éteints dans la cuisine qui servait pour les repas collectifs, bureau du pasteur verrouillé…
Un soir, elle était tombée sur un clochard allongé dans une des salles du rez-de-chaussée, serrant fort contre lui une bouteille de vin. Elle n’avait pas eu le courage de le mettre dehors tout de suite. Non qu’elle craignît que l’individu refusât d’obtempérer et que s’ensuivît un affrontement qui eût pu la mettre en situation difficile – il fallait plus qu’un soûlaud pour impressionner Artémise ! – mais elle eut sincèrement pitié de cet homme qui, au fur et à mesure qu’il émergeait de la torpeur dans laquelle le plongeait une fréquentation sans doute assidue de boissons alcoolisées, se chargeait peu à peu d’humanité. Son air teigneux et l’opacité de son regard semblaient s’atténuer en parlant.
– Je partirai si je veux !
– Je vous laisse jusqu’à demain matin 7 heures.
– Faut voir !
Artémise essaya de jouer sur la corde sensible de la solidarité de classe.
– Je suis la concierge. Je risque ma place si demain quelqu’un vous trouve ici.
L’homme éclata d’un rire à la fois forcé et goguenard. Visiblement la ficelle était un peu grosse. Il explosa.
– Dis donc toi, alors comme ça, on n’est pas dans une église ici ? Ce n’est pas ton Jésus qui a dit qu’il fallait être charitable avec les SDF ? Où est-ce que je vais crécher cette nuit, moi ? Et tu dis que tu pourrais te faire virer pour avoir laissé dormir un pauvre diable à l’abri ? Alors qu’il fait un froid à ne pas mettre un canard dehors ! Non-assistance à personne en danger, ça va chercher loin ! Mais, bon Dieu ! Tu te fais avoir ! C’est qui ton patron ? Tiens, j’ai une idée ! Il faut aller en parler au syndicat. J’ai un pote à la CGT. Lui, il te défendra. Il n’est pas raciste. Si tu veux, on y va demain. Son bureau n’est pas loin d’ici. Il te fera avoir des indemnités. Et je ne prendrai pas de pourcentage. C’est une question de respect. Faut respecter les gens qui sont dans le pétrin !
– Si demain je suis dans le pétrin, c’est que vous m’y aurez mise. Vous ne voulez pas comprendre. Vous n’êtes pas sympa !
Artémise sentait la situation lui échapper. Cet homme avait du raisonnement. Il fallait trouver une issue.
– Demain matin, je reviens à sept heures et vous déguerpissez, d’accord ?
Il n’y eut pas de réponse, un grognement seulement, qu’elle interpréta comme un signe favorable. Le lendemain, à sept heures moins cinq, elle lui apporta une tasse de café chaud, resta plantée à côté de lui pendant qu’il buvait, puis, sans qu’elle eût à réitérer sa demande de la veille, il se leva, rassembla son barda et se dirigea vers la porte qu’elle s’empressa de lui ouvrir.
Sitôt le seuil franchi, il se retourna.
– Pourquoi c’est toujours fermé ici ?
Et d’un geste large, il désigna l’ensemble du bâtiment.
– C’est ouvert le dimanche pour le culte à 10h30.
– Oui, mais pourquoi c’est toujours fermé dans la journée ? C’est bizarre ! Les autres églises, elles, sont ouvertes.
– Chez les protestants, c’est comme ça. C’est fermé parce qu’il n’y a rien à voir dans les temples.
L’homme ne paraissait pas convaincu. Artémise, ayant l’impression qu’elle allait de nouveau se faire avoir, prit les devants.
– Mais dites donc ! Vous avez quand même bien trouvé un moyen de rentrer hier soir !
– Je suis rentré normalement par la grande porte, pour écouter le concert d’orgue. Mais quand j’ai voulu ressortir, c’était trop tard, tout était fermé. Je ne suis pas un passe-muraille.
– Vous vous fichez du monde !
Bien qu’Artémise éprouvât un certain malaise à la seule idée de mettre dehors un malheureux, elle fut soulagée de le voir partir. Elle avait l’impression que quelque chose ne collait pas chez cet homme.
Plus tard, après qu’ils se furent quelque peu apprivoisés, il allait se montrer sous un autre jour. Calme et respectueux, il s’exprimait dans un langage beaucoup plus châtié, qui semblait naturel. Cela avait piqué la curiosité d’Artémise, mais malgré ses tentatives pour en savoir davantage, l’homme ne lâcha rien ou presque rien sur sa vie.
Et il revint à chaque concert en oubliant systématiquement de sortir une fois le concert terminé. C’était alors, dès potron-minet, le même cérémonial : elle lui apportait une tasse de café puis il partait. Il finit par prendre ses quartiers dans un des cagibis, sauf pendant la période de congé d’Artémise. Il y passait clandestinement la plupart de ses nuits.
Il connaissait les horaires des activités se déroulant dans les salles paroissiales en soirée et attendait que tout fût éteint pour gagner sa cachette.
Un soir, il lui annonça que son pote de la CGT était parti en retraite et qu’il ne pourrait donc plus la défendre en cas de pépin.
Mais il avait toujours respecté la règle du départ à sept heures du matin, une ponctualité qu’Artémise appréciait. Ainsi s’était instaurée entre eux une sorte de pacte tacite de cohabitation dans ces locaux immenses et déserts.
Artémise se remémorait parfois leur première rencontre. L’existence d’un squatter nocturne la valorisait. En décidant de fermer les yeux sur sa présence, elle s’appropriait en quelque sorte les lieux. Il était dépendant de son bon vouloir, de l’espace d’occupation du sol qu’elle lui avait délimité, de l’heure d’évacuation qu’elle lui avait fixée. Plus encore, il y avait, la nuit, dans ce temple dont elle était la gardienne, une autre vie, connue d’elle seule. Détenir ce secret lui donnait un sentiment de puissance.
Fille d’un pasteur de Yaoundé, elle avait souvent entendu son père citer un passage biblique qu’il affectionnait particulièrement : « Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins… jusqu’aux extrémités de la terre ». Marcher dans la puissance du Saint-Esprit pour être témoin… tous ces mots si souvent entendus !
Pour l’heure elle marchait dans les salles désertes, vérifiant comme à l’accoutumée que les lumières étaient bien éteintes, et, au moment où elle s’apprêtait à emprunter le couloir menant à la salle où dormait son squatter bien-aimé, elle s’aperçut que, contrairement aux habitudes, aucun rai de lumière – celui de la lampe torche que l’homme avait toujours sur lui – ne filtrait sous la porte. Peut-être dormait-il déjà. « C’est moi » dit-elle en poussant doucement la porte. Avec un certain étonnement, elle constata que la pièce était déserte. « Il est en retard » pensa-t-elle.
Chapitre 2
Le temple avait été construit par Alfred Musculus sur ses deniers personnels sur un terrain qu’il avait acquis en 1850 dans la Plaine Monceau, près de la capitale. Dix ans plus tard, dans son extension tentaculaire, Paris avait absorbé les communes limitrophes parmi lesquelles au nord-ouest le village de Monceau et la Plaine du même nom, passant ainsi de douze à vingt arrondissements. La partie occidentale du tout nouveau XVIIᵉ arrondissement se transformait dans une effervescence spectaculaire. Les promoteurs en étaient les frères Pereire, qui, sous l’égide du préfet Haussmann, finançaient des constructions modernes et de luxueux hôtels particuliers. Une moitié de la Folie de Chartres, vaste jardin public, n’avait pas échappé à l’opération immobilière qui était en train de métamorphoser le quartier. En charge des espaces verts, le paysagiste Jean-Charles Alphand remodelait l’autre moitié qui devint le parc Monceau et… la coqueluche des Parisiens. Le percement du boulevard Malesherbes puis son impériale inauguration, toute cette politique de grands travaux mobilisant architectes et bâtisseurs avaient donné envie à Alfred Musculus de s’inscrire dans le mouvement. Lors d’une réception chez son beau-père, il avait croisé Jacob et Isaac Pereire et avait été séduit par leur esprit d’entreprise et leur saint-simonisme.
Il faisait partie des bourgeois protestants qui soutenaient, sans trop de réserves, Napoléon III. Certes il avait été hostile à l’expédition de Rome pour rétablir le Pape Pie IX dans son autorité, mais, par la suite, la façon dont Louis-Napoléon avait réglé l’affaire de l’École Normale Supérieure l’avait particulièrement rassuré. Celui-ci n’avait-il pas désavoué son ministre de l’instruction publique, Hippolyte Fortoul, qui avait décidé d’interdire le concours d’accès aux jeunes protestants ainsi qu’aux jeunes juifs ?
Alfred Musculus avait deux passions dans la vie : son entreprise et son ancêtre.
Il avait développé l’entreprise familiale de menuiserie et d’ébénisterie du Faubourg Saint-Antoine en introduisant des innovations techniques et en rationalisant l’organisation du travail. Il connaissait à présent les fruits de la prospérité. Son mariage avec Sophie, fille d’un banquier et homme d’affaires, l’avait autorisé à donner libre cours à son talent d’entrepreneur sans avoir trop de soucis financiers. Ce mariage lui avait également assuré une position de notable qui lui avait permis d’intégrer le Consistoire de Paris. 1
Mais par-dessus tout, Alfred Musculus vouait une admiration sans borne à son ancêtre, Wolfgang Musculus, grand Réformateur devant l’Ėternel. Ce qui le désolait c’était qu’il fût un illustre inconnu dans le monde protestant français. Et pourtant n’avait-il pas entretenu une correspondance avec Luther et Calvin, participé aux discussions de Worms et à l’élaboration de la concorde de Witten

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