Yémen
224 pages
Français

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Yémen , livre ebook

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Description

Djibril n’a pas vingt ans que déjà il prend la route de l’Orient, abandonnant sa lointaine banlieue, pour partir se battre avec ceux en qui il voit des frères. Mais, désorienté et impatient, son périple déraille doucement et lui fait découvrir ce que la guerre a toujours été : sordide, enivrante et incongrue. Balloté du golfe Persique au Yémen et jusqu’en Amérique du Sud, il finira même par retourner en France, y découvrant un pays dont il avait oublié qu’il était à la fois si fragile, mais aussi le sien.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 juin 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414525904
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
Immeuble Le Cargo, 157 boulevard Mac Donald – 75019 Paris
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-52591-1

© Edilivre, 2021
Exergue

« Non, je ne veux plus combattre le brave Hector ;
Demain, après avoir offert des victimes à Zeus ainsi qu’à tous les Dieux,
Je chargerai mes vaisseaux, je les traînerai vers la mer ;
Vous verrez dès l’aurore sur le vaste Hellespont
Voguer mes navires remplis de matelots impatients de ramer.
Si le puissant Poséidon favorise mon voyage,
J’arriverai le troisième jour dans l’opulente Phthie :
Là j’y ai abandonné bien des richesses en empruntant cette route.
Mais j’en retrouverai bien d’autres sur le chemin du retour ;
L’or, le bronze aux reflets rouge, les femmes à la peau claire
Et le gris scintillant du fer composeront mon immense butin. »
Achille s’adressant à Ulysse, L’Iliade, Chant IX, Homère
1.
Rien. Il n’y avait rien, presque rien lorsque Djibril releva le volet de son hublot. Il se retourna de l’autre côté, sur sa droite. Il y aperçut une boite blanche qui devait servir d’aéroport. Il était fatigué. L’escale à Istanbul lui avait coupé la nuit en deux, et la motorisation du second avion avait haché menu son sommeil. En plus de la fatigue, que lui rappelaient ses paupières alourdies, ses lombaires lui faisaient payer son avachissement paresseux de la nuit écoulée. Il détacha sa ceinture, fit tomber sa couverture que lui avait donnée sa tante, et se leva. Tout le monde dormait autour de lui.
— Toi, rassieds-toi ! Vite.
Il ne l’avait pas vu venir. L’officier lui attrapa le bras droit et le repoussa contre le hublot. Il continuait de lui crier dessus, Djibril ne comprenait plus ce qu’il lui disait. Son voisin s’était réveillé. Les yeux encore fermés, il lui souffla dans un anglais fatigué et rocailleux de faire ce que l’officier lui demandait et de se taire.
Djibril se rabaissa. Il avait froid. Il remit ses chaussures, remonta sa couverture et reposa sa tête sur le hublot en plastique. Son regard retourna vers le désert. Il était surpris, presque déçu, par la teinte grisâtre qui l’emportait sur celles, plus chaudes et sablonneuses, auxquelles il s’était attendu en quittant Paris. Cela lui rappela Paul qui, après avoir appris sa décision, lui avait apporté, pour rigoler, l’album de Tintin, celui qui se passait dans le désert. Djibril en avait retenu la promesse de voir de ses yeux ces dunes de couleur fauve et aux courbes sensuelles. Mais ici, comme chez lui, le décor lui sembla triste et sale. Où devrait-il aller pour échapper à la laideur, à l’ennui et à la médiocrité ? De ce souvenir de lecture, lui revint alors en mémoire le rire qu’il avait partagé avec Paul devant les mésaventures des Dupond et Dupont. Notamment celle où ils en venaient à botter le derrière d’un fidèle en pleine prière, cherchant ainsi à vérifier s’il ne s’agissait pas là d’un nouveau mirage, et comment ils avaient terminé poursuivis par toute la tribu. La honte le saisit alors, il serra les poings et ferma violemment les yeux, essayant de renvoyer ce souvenir au plus profond de ses orbites, cherchant l’oubli par l’obscurité. Décidemment, il avait bien fait de partir, de quitter Paul et tous ceux riant ainsi de lui-même, de sa famille et de son peuple. Désormais, il assumait, il retournait là où lui semblait aller son destin, prêt à venger les siens.
Il savait qu’il devait viser l’Orient, en plein cœur, là dont l’on parlait tant à la télévision. Mais, peu organisé ou trop douillet, il n’avait pas daigné prendre les habituels chemins de traverse pour rejoindre, à coup sûr, les combattants du Bilad el-Cham . Il s’était donc borné à prendre un vol pour la Turquie, étant convaincu de pouvoir improviser une fois sur place. Son inconséquence s’était avérée amplement suffisante : en deux ou trois discussions, mêlant ses maigres connaissances de l’anglais et de l’arabe, il avait été aiguillé, sans frais, vers un vol, visiblement spécialement affrété pour les volontaires dans son genre, direction le golfe Persique.
Autour de lui, avec le début de la descente, l’on commençait à se réveiller. Cet amas de solitudes regroupées lui rappela ces scènes de petits matins banlieusards où, tant de fois, Djibril avait eu le loisir de contempler ces grandes personnes partir sans plaisir vers des arrêts sans intérêts, travailleurs et parents, clochards ou caïds, tous entrainés dans un courant qui surpassait leur ennui et encombrait leur repos. Il en était donc réduit à cela lui aussi ; terminée l’enfance, fini le délicieux ennui de la dépendance : au boulot comme les autres, en route pour le turbin ; même si dans son cas cela passait directement par l’international et la première classe. Face Nord de l’ascension sociale, plus vite arrivé en haut, mais à quel prix ? Il se doutait bien que pour lui, et tous ces futurs frères d’armes, c’était à quitte ou double. Mais lui savait ce qu’il donnerait sur le terrain du réel, il n’était pas comme Paul. Lui, encore plus que les autres de la bande, il n’aurait pas tenu un instant ici avec lui : trop fragile, trop timide, trop maladroit et pas assez dur. Paul, lui aussi, les avait quittés, certes, mais il avait eu sa part de coups, plus reçus que donnés. Djibril le voyait comme son alter ego, à la fois maléfique et minable. Il nota d’ailleurs qu’il n’y avait pas de hasard : certes, comme lui, sa couleur était la même, mais sa famille était déjà du bon côté, celui des croisés. Toujours plus facile quand on va prier au temple tous les dimanches, pour ensuite aller faire le chien de garde chez les puissants. Sa rage et son envie était décuplées par la reconnaissance irréfutable du mérite de son ancien camarade. Il savait que Paul avait été plus sage qu’eux. Cela le faisait déjà rire de l’imaginer dans sa nouvelle école, sa clique d’informaticiens, lui le petit congolais qui dormait encore dans les mêmes lits superposés que se petits frères et sœurs. Il le voyait déjà là-bas, son petit Paul dont il avait le souvenir de l’avoir protégé pendant des années, perdu parmi ceux qu’il imaginait comme des prodiges ou des privilégiés. Tous les deux, chacun dans leur domaine, ils allaient devoir survivre dans la division supérieure : les armes pour lui, la savoir pour Paul. Restait les autres, ceux qui n’avaient pas voulu sortir du quartier, quitter le confort relatif de la zone de départ, trop lâches pour partir au combat comme lui, trop indisciplinés pour s’élever comme Paul.
— Roumi ! Tes affaires, vite, on sort.
Djibril en avait oublié l’atterrissage, n’avait pas entendu l’arrivée des cliquetis de ceintures de sécurités, ni le départ de ses deux voisins. Ses affaires furent ramassées en vrac, il vérifia une dernière fois son passeport et rejoignit la colonne des voyageurs déjà en train de sortir de l’appareil.
L’aéroport était flambant neuf, mais désert. Après avoir récupéré leurs affaires de voyage, les nouveaux arrivants furent guidés vers une digue de bureaux préfabriqués contenant chacun un soldat au garde à vous, et un civil attablé au centre de la pièce. Quand son tour fut venu, l’homme assis consulta le questionnaire et le passeport de Djibril avec lassitude. Celui-ci l’interrogea avec autorité dans un anglais exotique.
— Français ? Ta famille. Ils sont où ?
— En France, avec moi. Les autres sont au Tchad.
— Très bien, tu peux y aller. Laisse ton passeport ici, ça t’évitera de le perdre.
— Mais il est à moi.
— Tu ne fais pas confiance à tes frères ? Je te dis que nous le gardons. Maintenant prend ton sac, et sors de la pièce. Que Dieu te garde.
Djibril se leva, frappa la table de ses paumes et réclama à nouveau son passeport, sans détourner ses yeux de son interlocuteur. Celui-ci remit ses lunettes sur ses yeux, soupira et se tourna vers la pile des autres dossiers. Djibril chercha à comprendre et ne vit pas le garde faire le tour de la table, et lui fracasser les côtes avec sa matraque. Il eut le souffle coupé, mais put entendre, distinctement, son agresseur lui éructer un sermon quelque peu exigeant. Djibril se releva, la main auprès de sa douleur, attrapa son sac et prit la porte. Il rejoignit alors le reste des engagés dans un hall d’attente climatisé à souhait.
Dehors, il n’aperçut que le vide : de la poussière, des hangars anonymes et de la lumière. Soudain, un chant rauque et guttural envahit l’espace. Il ne reconnut pas tout de suite l’appel à la prière, et fut d’abord surpris de voir toute la salle se lever à l’unisson, gardes compris, et se diriger vers un coin dégagé de tout mobilier. Il n’avait pas remarqué les tapis rangés soigneusement par rangées. Il y en avait des dizaines. Porté par le mouvement, et malgré son incompréhension, il suivit le courant, arriva devant un tapis, retira ses chaussures et s’agenouilla comme ses innombrables voisins. Il se concentra pour se rappeler des passages entonnés à la mosquée du quartier avec son père et son oncle. Tous ses voisins s’étaient prosternés avec application. Djibril, trop inquiet de détonner, plongea lui aussi vers le sol et commença sa récitation. Il prit soin de tendre l’oreille pour veiller à ce que l’on disait autour de lui. Il reconnut certains mots, mais s’y perdit doucement entre les variations d’accents. Très vite, trop vite à son goût, Djibril épuisa sa mémoire. Il ne sut plus que dire d’autre, et pourtant le reste de la salle continuait sans interruption. Incapable d’offrir son silence, il poursuivit alors en marmonnant dans une barbe qu’il n’avait pas encore. Détaché de sa propre présence en ce lieu et à cet instant, il put alors se rendre compte de son audace : comme dans un cours de langue étrangère trop compliqué, le voilà qui imitait la prière inconnue dans un baragouinage incompréhensible, et qu’aucun ne qualifi

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