Viollicitude
84 pages
Français

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Description

Son père, ce héros... mais pour combien de temps?? Il a pris sa liberté en lui léguant le poids de sa disparition, il a abusé de son admiration en mourant dans ses bras un 24 décembre 1961. Il a grandi avec le souvenir du sang, son sang dans lequel il gisait. Une figure idéalisée, fantasmée. Un militant algérien du FLN en France, assassiné par un membre de l’OAS?: l’amant de sa femme... qui lui a commandité le meurtre. Un cauchemar qui criblera le parcours de l’enfant de soubresauts volcaniques. Après l’avoir longtemps idéalisé, il part aujourd’hui en quête de vérité... Des pays déchirés aux âmes bafouées, Michel Hadjab signe la terrible mise en question d’une époque. Petite et grande histoires se rejoignent pour un drame aux cicatrices encore béantes, dont les secrets surgissent enfin de la mémoire pour trouver de nouveaux échos, portés par une écriture torturée mais littéralement habitée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 février 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748376746
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Viollicitude
Michel Hadjab
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Viollicitude
 
 
 
Vous qui croyez connaître,
Vous qui croyez savoir,
Ne dites pas ce qu’il est,
Personne.
Aucun être vivant n’est définitif !
Nous sommes, à chaque instant, fécondés par le pollen de toutes nos attentes.
Refuge pour un temps d’orage
Patrick de Carolis
 
 
 
 
Présentation
 
 
 
L’enfant naquit, pensait-il, d’un amour partagé. Pendant longtemps, il idéalisera son père. Il était devenu, aux yeux de son fils, un héros qui lui permit de revendiquer son identité malgré les soubresauts de l’histoire. La colonisation avait suscité des vocations du côté d’Alger. Le désir de liberté transcendait les hommes, qui étaient prêts à mourir pour la conquérir.
Les couples mixtes étaient rares et questionnaient les pratiques sociales dominantes. Sa vie intra-utérine aurait dû ressembler aux mélodies de l’océan du ventre rond. Il n’en fut rien. Ses traces mnésiques avaient gommé le réel pour mieux alimenter un imaginaire identificatoire. Son père était un héros. La figure héroïque, malgré le meurtre, commença à se fragmenter. Le chemin fut long à parcourir tant les remparts censés protéger l’enfant des prédateurs se brisèrent sous les coups d’une mère infanticide.
Entre l’assassinat du père et le comportement diabolique de la mère, le parcours de l’enfant fut criblé de soubresauts volcaniques. Les institutions de la République ne sont pas exsangues en matière de docilité des corps et de certitudes destructrices. L’enfant qu’il était s’automutila pour échapper à un destin sans couleurs et sans saveurs. La solitude ou le sentiment d’être seul n’est rien face à la viollicitude, qui vous plonge dans les abîmes de l’humain, pour qui l’enfant ne fut qu’un objet de souillure. La viollicitude est un enfermement mental et physique qui nie les droits fondamentaux de l’être humain. C’est un crime contre l’humanité, tant le violenté est décharné et dépecé. Il est hors de son corps, enveloppe sans moi.
La partition des mots évoque la mort, le meurtre, l’asservissement de l’âme, l’inceste familial et social, la docilité des corps pour jouer le chant des manques dans lequel l’enfant se meurt.
La viollicitude renvoie au corps émietté, fragmenté, mutilé et à l’autisme animal. Le néant fut le compagnon de route d’un enfant dont le destin oscille entre le missel et le fusil, comme pouvait le chanter Jacques Brel.
Il crache ses mots à ce pair qui aurait pu être votre père, pour lui conter les aventures d’une mère qui avait fui son propre enfantement, préférant une balade en mer des vices.
Le lien de l’absence crée la désillusion de l’avenir pour mieux vous projeter dans un présent à construire en vous libérant des chaînes de vos geôliers. En partant, tu as cru laisser une trace, tu as seulement négligé les productions léguées post mortem . Ta mort ne t’exonère pas des productions induites par tes choix.
La danse de la viollicitude vous offre l’avers et l’envers d’une trajectoire souillée par la mare ensanglantée d’un songe qu’il fallait conter à un père, qui embastilla son fils dans les maux de la mort. Ainsi, les mots voguent entre le réel et l’imaginaire, sur l’océan du ventre rond souillé par le mensonge, avant de naître pour être.
 
 
 
 
Enfermement
 
 
 
À toi mon père que je n’ai pas connu, tu as hanté mes nuits et mes jours jusqu’à me faire fondre dans une vie qui ne fut pas la mienne.
Tu es venu un matin de printemps, sur le sol d’un pays ennemi à ta cause, pour mener un combat contre le colonialisme. Tes rêves se sont brisés avec une balle dans le cœur, assassiné par l’amant de ma mère. Ton assassin, membre de l’OAS, voulait se glorifier d’un acte de bravoure qui restera impuni, pour être définitivement admis au sein d’une armée secrète préconisant le nettoyage ethnique. Ton passage sur terre fut court mais riche d’un parcours, qui peut être envié par le simple d’esprit ou le vaniteux ne supportant pas que la différence puisse briller. Tu as quitté ta terre natale pour un périple dans lequel tu as entraîné ton père et ton frère. Tu as laissé derrière toi les senteurs des oliveraies, le soufre du soleil, l’odeur de l’huile d’olive, sans oublier le parfum des pêches. Tu as toujours connu ton pays sous l’occupation, tu as combattu dès ton plus jeune âge pour que la liberté puisse triompher des despotismes. Tu m’as légué le sens du combat, mais aujourd’hui, je souhaite que cet enfermement puisse cesser. La liberté, je l’ai rêvée, ou plutôt tu l’as inoculée en moi, comme un poison. J’ai été ton prisonnier après avoir été le souffre-douleur de ma mère. Sais-tu, qu’après ta mort, ta compagne a livré ta fille aux cendres incestueuses de ton bourreau ? Sur votre couche, il est venu pour l’étreindre sous le regard de ta compagne. Elle restera sous son joug sa vie durant. Elle ne trouvera jamais la voie de la liberté.
Longtemps, j’ai idéalisé ton visage, longtemps j’ai défendu tes idées comme si ta mort m’avait été offerte en exemple. Depuis ta disparition, j’ai été ton plus fidèle compagnon et prisonnier. J’ai combattu ma mère pour réhabiliter ton image, qu’elle souillait.
Tu l’as connue comment ? Pourquoi l’as-tu désirée ? As-tu désiré tes enfants ? Pourquoi suis-je le seul à porter ton prénom, alors que je ne fus pas désiré par ma mère ? As-tu été ce compagnon exemplaire que j’idéalisais ou t’es-tu comporté en colonisateur avec la femme blanche, pour oublier les humiliations de l’occupation ?
Tu vois, mon âme est envahie de questions, ces questions qui hantent mes nuits. Je me surprends à être inquisiteur à ton égard tant tu as habité ma vie. Depuis quelque temps, j’ose t’apostropher et, dans le même mouvement, je sens un sentiment d’émancipation. Tu as pris ma liberté en me léguant le poids de ta disparition, tu as abusé de mon admiration en mourant dans mes bras le 24 décembre 1961. J’ai grandi avec le souvenir du sang, ton sang dans lequel je gisais. Mon premier souvenir de Noël fut ensanglanté et abandonnique. Quelques heures après ta mort, ta femme, celle qui t’a trahi, m’a abandonné.
Ma naissance fut quoi dans votre histoire ? J’étais censé réparer quoi ? En venant sur le sol de tes ennemis, tu es venu te perdre, tu m’as privé de ta présence et des senteurs des orangeraies qui, de l’autre côté de la Méditerranée, réchauffaient le cœur de vos mères. Tu as fait de moi un révolté, un exilé, un marginal qui a passé une partie de sa vie à vivre dans la peur de la mort. Tu m’as laissé me débattre dans les cités où la haine de l’Arabe a été cultivée par des personnes incultes, qui se laissent manœuvrer en l’absence de qualité de cœur. À cette époque et encore aujourd’hui, l’étranger est traqué, objet de discours et de déclarations d’intentions, il n’est rien. Ton combat fut une erreur de stratégie, il incarne l’égarement des sens sur le sol des droits de l’homme. Par orgueil, tu as mené un combat qui a permis aux envahisseurs de justifier des crimes commis sur les deux rives de la Méditerranée. Ton idéal républicain n’est pas remis en cause. La stratégie utilisée ne fut pas la bonne, et vos enfants en paient le prix encore aujourd’hui. Vous avez instauré une dictature qui nie les droits de l’homme.
Longtemps, j’ai ignoré l’objectivité tant tu as su imprimer au plus profond de mon cœur la haine. J’ai haï celui qui t’a tué, j’ai haï les membres de l’armée secrète et ma mère qui avait épousé ton assassin. J’ai vomi les mensonges et les trahisons de ta compagne. Longtemps, je l’ai tenue pour seule responsable de mes malheurs. Quand tu as choisi le camp de la rébellion, tu aurais dû renoncer à fonder une famille, et moi aussi, car tu as ôté en moi la capacité à être libre. J’ai reproduit avec mes premières compagnes le schéma de l’abandon en pensant les aimer, alors que je cherchais seulement à me guérir de la mort. Rassure-toi, je ne suis pas exempt de fautes. À ma décharge, le poids de ton souvenir, celui qui vous encolle sur la mare de sang d’un corps qui se vide.
Quand tu...

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