Une Vie c est vague
220 pages
Français

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Une Vie c'est vague , livre ebook

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Description

Damien et Diego nichent en banlieue bruxelloise. Ils sont comme frères et passent leur temps libre ensemble, dans la fournaise de leur quartier, ou sur le toit d’un immeuble HLM à contempler la nuit. L’un est autodidacte, véritable magicien des technologies, et l’autre, Diego, ronge son frein dans une usine, en attendant de quitter le bitume pour un ailleurs, sorte de Graal.



Parallèlement, à quelques encablures du duo, Marta mène sa barque, vacillant entre une vie professionnelle sans envergure, et une histoire intime qui prend l’eau. Le tout à l’ombre d’une famille scindée dont la mère, psychologue dépressive, s’avère être un poids supplémentaire.



Des destins au cœur d'un drame social...



Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 11 mai 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414454877
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194, avenue du Président Wilson - 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-45486-0

© Edilivre, 2020
exergue
De l’aube au crépuscule
Il y a des chemins, comme des obsessions…
1
Une cité est un ensemble homogène, fragmentée en sous-ensembles composites. On y trouve de tout, comme dans les rues insoumises de Bangkok. C’est un réservoir inépuisable de haine et de fracas, un puits inestimable en constante ébullition ; des âmes qui se heurtent à la manière des auto-tamponneuses sur une piste luisante, mais peu reluisante. Certes, il y a beaucoup de violence, mais elle n’a rien de bestiale, elle est immanente à tous ceux qui, doués de paroles et d’actes, tapissent le couvercle adipeux de leur sort, jour après jour, combat après combat, débâcle après débâcle. La légende voudrait qu’être dans la même galère atténue substantiellement le feu, mais rien n’est plus faux. La danse brulante de ce qui nous consume dans le moindre détail est bien là, à nos portes, aux bas des immeubles, devant notre nez. Le spectre est protéiforme et, de par son pédigrée, se love sur toutes les peaux, aussi raffinées soient-elles. La cité n’est pas une exception, mais elle confirme la règle qui régit notre immense solitude de cœur et d’esprit, et ce bien que cernés de toutes parts, séparés par des feuilles de briques pas assez nobles que pour masquer notre ploiement. La double peine au menu pour tous. La sentence et l’impuissance, ne reste que l’oubli et le cheminement. En Diego il y a un peu de tout cela. Il y a cette lourde vacuité qui ne capte pas le sel de la vie, il y a cette indignation face aux mornes plaines du quotidien, perché dans son appartement bas de gamme, lui-même niché dans une tour d’une hauteur presque religieuse. On pourrait croire que, dominant la zone périphérique, la situation de sa demeure gouverne un parterre plus exposé à la misère, mais cette misère est encore plus frappante lorsqu’on est condamné à observer les choses d’en haut ; elle est d’autant plus incompréhensible sitôt que l’on côtoie avec stupeur l’étendue du désastre, et la beauté mystérieuse du ciel n’est qu’une ombre au tableau de son quotidien ; car il se dit que tout devrait se calquer sur l’infinie splendeur d’un ciel étoilé. Oui mais il y a, dans son sablier, ce conditionnel qui se conjugue à tous les temps. Alors il traîne avec son ami Damien, et leurs casseroles, jusqu’au dégout, à regarder les nuages qui passent, à commenter, assis sur les marches humides du perron, le passage des habitants du quartier se ravitaillant chez l’épicier du coin, le seul à avoir survécu au tsunami des grands distributeurs. Diego attend que le monde change, jusqu’à tard dans la nuit. Lui et son ami sont armés d’espoir, noyés au cœur d’une cité abattue. Où les gens fuient pour se barricader chez eux, où les gens lorgnent un changement. Mais comment peut-on préparer un autre plat avec les mêmes ingrédients ?
Diego avait tout pour plaire. Tout dans le sens où il n’avait rien pour déplaire. Un mètre septante et un d’un corps tonique, harmonieux. Un indice de masse corporelle proche de la perfection. Un type méditerranéen après qui beaucoup de filles couraient, mais Diego courait plus vite que ses prétendantes, ce qui accroissait leur désir. Psychologiquement, pas de folie apparente, ni même d’addiction dévorante, ou à peine. Une position naturelle de recul qui lui octroyait un statut de sage aussi fiable qu’une automobile allemande. Il y avait, dans son regard, un double fond faisant office de loupe, à l’instar de la double base de temps d’un oscilloscope ; celle-là même qui permet de mieux saisir la portion locale d’un signal électrique quelconque. Une arme fatale mais qui ne vaccine pas de la fatalité. Un outil garanti à vie. Un parcours plutôt linéaire, fait de hauts et de bas, à la moyenne docile.
Depuis ce 17 octobre 2005, sa moyenne gèle dans un froid rigoureux. Cent ans, jour pour jour, après le Manifeste de l’Empire de Russie voué à calmer les ardeurs d’une révolution populaire sous-jacente, en donnant davantage de liberté au peuple dans la construction d’un état plus égalitaire, Diego prit une boule de neige en pleine poire dans la grisaille d’un matin d’automne. Sans failles, il se souvient de l’atmosphère lénifiante qui accompagna son trajet à travers la banlieue bruxelloise pour se rendre au turbin. Tout semblait se fondre dans une réalité acceptable, acceptable comme le fléchissement d’une vie jamais remise en question. On se dit que, in fine, il est normal de perdre le goût des choses puisque tout, ici comme ailleurs, emprunte une douce mais sûre descente vers un abîme. Aussi, il se souvient que quelque chose dans l’oxygène pollué de ce matin n’était pas rassurant. Une sorte de prémonition mystérieuse et puissante, qui n’a d’égal que le séisme dont Diego, entre autres, fut victime. Mais comme annoncé préalablement, le fait qu’il n’eut pas été seul dans cette fournaise n’enlève rien à la cruauté des flammes. Huit heures trente-deux ce matin-là, après avoir avalé son café en feuilletant la gazette de la veille, et plus précisément en se penchant sur les bienfaits d’avoir un animal de compagnie dans son quotidien, une annonce devait se faire dans la grande salle. Le chef de service, qui s’en sortira indemne, d’un ton aussi sec que solennel dit en substance : « Inutile de mettre votre tenue de travail… on va tous au niveau zéro pour écouter ce que la direction va nous dire… ». Au pas, ils y sont allés comme une meute de bovins qui rentrerait dans son enclos. Les ascenseurs étaient interdits, cela sentait l’incendie à plein nez. Les escaliers tremblaient sous le poids de l’inquiétude. Marta, qui devait partager la journée de travail avec Diego, dit très naïvement : « Je suis certaine que les chiffres ont été excellents, on va avoir une belle prime… de quoi faire de beaux cadeaux pour les fêtes ! J’ai vraiment hâte de savoir… pas toi ? » Ne sachant pas trop quoi lui répondre sans faire retomber son enthousiasme : « Je ne sais pas trop… on verra bien », dit Diego avec précaution. La salle était pleine, Marta collait Diego malgré l’épaisseur de l’assemblée. Son parfum était envoutant, une toupie hypnotique. Mais comment, se demandait Diego, alors que la direction faisait les derniers branchements du matériel technique, avait-il pu, toute l’année, ignorer le monstre de féminité et de douceur que représentait Marta ? Il s’imaginait alors partir en transhumance avec elle dans les plus belles régions montagneuses du pays basque, avec un cheptel trié sur le volet, en se laissant guider par la nature et le soleil, en se plaquant au sol, côte à côte, dans les herbes parfumées, en caressant son visage si parfait, en la parcourant comme une encyclopédie, de tous ses sens.
Au fur et à mesure que les raccords se peaufinaient, Marta serrait de plus en plus fort l’avant-bras de Diego et, même s’il avait un mal de chien, pour rien au monde il aurait voulu qu’elle ne se décramponne ; un peu de douceur, c’était déjà ça de pris ! Tous les gros bras du pôle Bénélux étaient debout face à toutes les équipes. Après quelques tergiversations très peu rassurantes quant à savoir qui devait prendre la parole, monsieur Boriel s’avança timidement d’un bon mètre pour constater que, si les regards étaient des fusils d’assaut, son corps aurait été transpercé comme un ticket de cinéma d’antan. Mais heureusement pour lui, rien de tout cela ne se produisit. Curieusement Marta prit la main de Diego, elle était tellement magnifique, tellement proche. Un effet Larsen secoua tout le monde à neuf heures deux minutes, heure à laquelle les premiers sons de la voix chevrotante de monsieur Boriel firent enfin écho : « Bonjour à tous, je tiens d’abord, au nom du groupe entier, à vous féliciter pour le travail accompli durant le trimestre écoulé. Le développement de nos produits est fulgurant, le marché international nous ouvre les bras. Les prévisions pour l’avenir n’ont jamais été aussi bonnes. Cependant, notre situation géographique étant ce qu’elle est, il nous est impossible de nous étendre car, comme vous le devinez sans doute, nos installations ne suffiront pas à alimenter les stocks nécessaires. De ce fait, étant enclavés en milieu urbain avec toutes les nuisances que cela procurent aux riverains, nous nous voyons contraints de transférer toutes les activités du groupe vers un site flambant neuf. La fermeture définitive est programmée le 17 octobre de cette année. Cette décision est lourde à porter pour les autorités de la firme, mais aucune autre issue n’est ressortie des nombreuses réunions de nos experts. Chacun sera convoqué individuellement pour préparer au mieux son départ. La journée d’aujourd’hui est d’office payée, ceux qui le veulent peuvent rentrer chez eux car nous saisissons la gravité de l’instant. Merci pour votre attention. Je compte sur vous pour reprendre normalement demain malgré le préavis de fermeture. » Fin du discours à neuf heures huit minutes. Fin des illusions de Marta à neuf heures huit minutes et une seconde. Adieu les énormes cadeaux au pied du sapin pour son petit garçon. Marta plongea la tête dans le sternum de Diego, ses yeux verts étaient maintenant rouges. Le pull de Diego ressemblait au tablier d’un enfant de cinq ans après une séance d’aquarelles. Hormis les cadres dont le recasement serait assuré dans les nombreuses filiales de la société, personne d’autre n’échappa à la décapitation. Marta, ce jour-là, au sortir du cube d’acier, se mit à taxer des cigarettes et entama une longue carrière de fumeuse. Certains arrêtent la clope pendant que d’autres la découvrent à peine. Ainsi va la vie. Diego, un siècle après les soviets, se voyait offrir une liberté bien

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