Une nuit en France
340 pages
Français

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Une nuit en France , livre ebook

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Description

L'auteur, également poète et nouvelliste, livre ici l'oeuvre précurseur de la tribulation noire d'un homme qui ira jusqu'à l'aboutissement éclairé d'un affranchissement dont la métaphore se veut plus généreuse qu'égoïste, d'une richesse plus humaine que dépouillée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 février 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332855787
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-85576-3

© Edilivre, 2015
1
Je suis revenu chez moi comme un fils prodigue, un grand vainqueur, parce que je n’avais plus eu le besoin de prendre quoi que ce soit de toutes ces drogues, dures, parce que j’avais été touché par la grâce divine, parce que la grande aventure avait passé, et la page se tournait sur de nouveaux horizons. Ainsi, attendant le service national, je vagabondais, je traînais, des plongeurs des commandos spéciaux qui vivaient avec Anouk. Aussi, je me suis payé le luxe d’aller voir une vieille amie, fille au pair à New York. J’avais tenu une correspondance avec Emma partie depuis l’été. J’étais heureux de ce qu’elle puisse me vouer une amitié, et je l’aimais pour cela. A chacune de ces lettres c’était mon cœur qui s’enflammait, et je rêvais de nous deux, de moments magiques, de vacances, loin des solitudes de ce monde de virilité dans lequel il fallait survivre. Elle me contait ces histoires de princes, ces révélations artistiques, je lui faisais un roman d’amour. Un de ces jours de froidures, janvier, un soleil d’étain dans son ciel indigo, je pris la décision d’une visite, je partirai en mars. Mon billet en poche, la tête livide et pâle des lendemains de fêtes, je prendrai la navette régulière, un van, qui me conduira jusqu’à l’aéroport.
J’y étais assis à côté de quelqu’un qui me parut tout ordinaire, un petit monsieur qui semblait gêné, qui essayait de se décontracter, de se prouver. Ses quelques remarques suffirent à m’en affranchir. Je trouvais son comportement ridicule. Nous sommes passés par la route du Groenland, pour redescendre ensuite sur Québec. Je regardais à travers le hublot ces étendues plissées et enneigées qui bordaient le Saint Laurent. Ce spectacle me fascina, d’autant que j’eus peu d’aise, j’avais en effet trouvé le moyen de focaliser ma tête tant soit peu submergée par quelques roulis ouatés, je planais, soulagé.
Je regardais ce Yiddish Israélite avec sa bible, dont il tournait les pages comme un consultant. J’étais déjà à Central Park.
Nous sommes arrivés à Kennedy airport, je franchis nauséeux le poste de contrôle, la trépignante file d’attente m’avait été plus que pénible. L’agent, une grosse femme noire, avait rapidement tamponné mon passeport, me jetant dans la cité avec un courageux « Good Bye » de géant, comme le sarcasme cynique d’une synergie qu’on se prend en pleine tête, autant que la minuscule valise qui m’accompagnait. Un guy à New York, en chausson.
Il faisait beau dans le petit terminal qui donnait sur la rue dardée de désagréables palissades de travaux publics.
Jamais je ne me suis cru à l’intérieur d’un aéroport international, le terminal semblait si isolé, si ramassé qu’on l’aurait vite confondu avec un de nos aérogares de province, autant qu’il s’agisse du plus grand aéroport du monde.
J’étais parti sur un coup de tête et Emma m’avait simplement fait parvenir un numéro de téléphone pour que je puisse la joindre. Je n’avais pas eu le réflexe de la prévenir davantage sur ma venue, ce devait faire déjà un bon mois qu’elle avait dû recevoir ma dernière lettre. Je pensais pouvoir compter sur elle à mon arrivée, et naturellement, je pris un téléphone pour la contacter. Ce fut une surprise, mais occupée je devrai me passer de son accueil. J’avais son adresse et je pris une navette de transfert qui me conduisit dans un petit établissement tout près de Broadway, en plein milieu de Manhattan, au meilleur de son repaire je supposais.
Elle était logée dans le quartier de la 72 ième rue, celle de Lennon, le célèbre cafard. Elle avait en charge la fille d’une comédienne qui se produisait dans le spectacle des Cats sur Broadway, à l’époque.
Quand je l’aperçus, je n’en crus point mes yeux. Elle s’était drôlement arrondie jusqu’au double de son volume je pensais. Peu grande, son poids la faisait ressembler à une boule difforme. Je crois que j’aurais pu être venu pour l’embrasser, je me contenterai de lui rendre visite. Elle avait ces baskets made in America, flanquées du drapeau américain, avec ce gros manteau noir, nous sommes allés nous promener sur la rive de l’Hudson qui formait presque une petite plage à cet endroit. Ce fut assez romanesque, comme toujours, il fallut qu’elle me fasse comprendre qu’elle n’attendait que moi, les circonstances n’étant pas au rendez-vous, de son aspect qui me répugnait.
Elle m’avait présenté à sa famille d’accueil, la comédienne avait complimenté Emma pour son intelligence. La femme avait un compagnon, un musicien, un guitariste, et je me souviens avoir essayé de l’entretenir de quelques mots sans qu’il n’eût jamais compris ce que je lui racontais. J’avais utilisé une interjection, les Américains ne comprenaient pas les interjections, de ces questions à forme affirmative.
Les après-midis qui suivirent, j’accompagnais Emma dans ses démarches, dans son travail. Nous allions reprendre à l’école la petite fille dont elle s’occupait, on attendait dans la rue, un spectacle pour les passants amusés, un théâtre où je lui disais que tout se faisait finalement step by step . La petite fille apprenait à compter… l’argent. Nous descendions au sous-sol de l’immeuble pour voir si le linge était sec, elle montait sexuellement les machines, en attendant, ferrant. Je ne pouvais pas.
Emma était obligée, on ne se voyait pas tous les jours. J’en profitais pour visiter le musée d’art moderne à proximité de l’hôtel, je m’insérais dans les toiles, je faisais corps avec elles, je repartais content, bien intoxiqué. Un moustique qui m’eut piqué serait certainement tombé raide mort.
Je marchais sur Broadway, regardais ces énormes camions de pompiers aux sirènes hurlantes, les vendeurs d’apocalypse sur les trottoirs des déambulations et tout un monde qui devait toujours s’appartenir à lui-même. J’étais ici un walker, entendais-je. Pour d’autres, avec ce pantalon de lin, je serai un avant-gardiste, fussent les tours jumelles. Avec ma casquette Calvin Klein, j’aurai le sourire approbateur, le petit geste du chic type onusien. C’était New York, Big Apple, la grande ville du monde qui n’appartient qu’aux autres. J’étais assis sur un banc, je prenais l’air, je regardais la statue de la liberté, en bas de Manhattan, dérangé.
Le soir, j’avais rendez-vous avec Emma, je devais aller la chercher, j’avais pris le métro, j’y croisais un démarcheur de bonne humeur qui vendait ses autocollants, ces gros smiles, qui me disait qu’il fallait sourire, être gai. Je lui rétorquais que je n’avais pas le sou. Je récupérais quand même le sticker, j’en ferai le cadeau à Emma, elle adorait ce genre de truc. Ce soir-là elle dut se décommander et je suis presque resté à la porte. Je n’étais pas content, je suis rentré vite, dans l’hôtel miteux du bord de Broadway, parce que la comédienne qu’elle servait me dit que pour le même prix j’aurais pu être bien mieux logé. Emma s’en était trouvée presque décontenancée. Elle était au fait de sa négligence et de sa piètre insouciance. Je me suis consolé dans ce lit qui sentait un peu le moisi, le décor était tombé, l’orage résonnait, claquait entre les buildings. Purple Rain, elle avait eu tort.
Un autre jour elle m’emmena chez une amie qui logeait dans l’appartement d’une ancienne starlette, il y avait un peu de monde, l’on avait bu, bavardé et fumé. Je discourais, Emma essaya de me réfréner, et je continuais, que ces jeux vidéo n’étaient finalement que la réalité médiocre de cette ville, fardée comme une femme qui doit s’échapper, se cacher d’elle-même. Le revers, c’était la liberté. Il fallait paraître, c’est tout ce qui comptait ici, et peu importe si la belle façade n’était que la devanture d’un taudis.
Emma sourit tandis qu’elle s’amusait d’allusions sur quelques mémoires d’orgies.
Le soir venu, elle me conduît jusqu’au club, de l’autre côté de Manhattan. L’entrée grouillait de monde sur le trottoir, je ne me voyais pas pénétrer cet endroit, nous n’étions pas invités de toutes façons, elle connaissait si peu la place.
Nous avons finalement débarqué dans un autre lieu, un grand loft feutré, ma vodka cerise dans une main, Emma dans la seconde, nous divaguions, de droite à gauche, de haut en bas, du bar aux platines, de la scène aux salons… défaits que nous étions.
Nous sommes rentrés en taxi, sans monnaie que le souvenir prime de cette superbe métisse qui faisait la manche pour son bébé, pour un cent, tapie près du distributeur. Le triomphe de la médiocrité !
Les jours suivants, elle m’avait baladé dans les quartiers animés de la nuit, d’une avenue étroite, interminable, d’où s’agitaient moult cafés, théâtre de toutes sortes de groupes qui s’y produisaient, qui s’y propageaient, de cassettes, de cartes. Rassasiés des cacophonies, nous sommes allés manger une bonne salade dans un snack, les visages blêmes. Au soir nous étions allés plus au sud, se voir offrir le champagne dans une enseigne pédéraste, outré du spectacle, de notre Emma câlinée copieusement. Je suis sorti, nous sommes partis, j’ai tout vomi, plus loin, en contrebas, dans une rue sombre. Emma disait qu’il ne fallait pas se formaliser, qu’on pouvait continuer à s’enivrer, qu’elle ne voyait rien d’idiot à la récidive.
Avec ses amis italiens, de Christina chez la starlette, givrés à la coke qu’ils étaient, nous avions visité le quartier des échoppes, des bijouteries, et le pont de Brooklyn. Pas d’erreurs, juifs, on a continué jusqu’à la bourse. L’attente était difficile, une longue queue, je parlais de big line, un joker licencié, on est parti. Christina en petite culotte, il fallait bien ça.
Le bel habit du chic italien pour une promesse caniveaux avait dû faire réfléchir Emma, parce qu’elle

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