Un pays pour aimer
200 pages
Français

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Description

« L'Algérie est un pays pris depuis longtemps dans le roulis constant d'un navire en pleine mer. Ceux qui s'y trouvent vivent constamment la tête penchée par-dessus bord, vomissant leur bile, et ceux qui y débarquent gardent à jamais une démarche chaloupée, ne sachant plus sur quel pied se poser. À ses yeux, c'est peut-être cela la juste définition du pied noir. » Ginette, pied-noir d'Algérie, a été contrainte à l'exil au lendemain de l'indépendance, laissant derrière elle, au-delà d'un pays, sa meilleure amie Khdîdja. Les deux femmes avaient gardé l'espoir de se revoir. Malheureusement, la maladie et la rancœur des hommes eurent raison d'elles... Ginette donna naissance à Rosa, d'un premier mariage avec Raymond, décédé lors de la guerre de libération. L'adolescente éprouvera de grandes difficultés existentielles en lien avec ses origines, la mort de son père et leur départ. Puis naquit Saïd d'une seconde union avec Madjid. Leur enfant trouvera son équilibre dans des missions humanitaires, aux confins de l'Afrique. Quant à Khdîdja, veuve depuis la guerre de libération et mère de deux enfants, Amel et Sid, elle maudira le sort que leur a réservé une indépendance bâillonnée, et un avenir incertain qui poussera, hélas, son fils Sid à se ruer dans les bras sanguinolents de l'islamisme. Un roman riche d'Histoire et d'émotions, avec des personnages aux tourments émouvants qui, malgré d'âpres combats, maintiennent l'espoir grâce à l'amour et à l'amitié.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 octobre 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342163520
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0064€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un pays pour aimer
Mohand Ouabdelkader
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Un pays pour aimer
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
À Houda, Mouna-Zohra et Maya
À mes parents
 
Quand trop de sécheresse brûle les cœurs, Quand la faim tord trop d’entrailles, Quand on rentre trop de larmes, Quand on bâillonne trop de rêves, C’est comme quand on ajoute bois sur bois sur le bûcher : À la fin, il suffit du bout de bois d’un esclave pour faire  Dans le ciel des dieux Et dans le cœur des hommes le plus inextinguible incendie.
Mouloud Mammeri
 
 
 
Je me fie à ma vérité faute d’un mensonge à offrir.
Pablo Neruda
Avertissement
Les événements rapportés dans ce roman, allant du départ forcé des juifs d’Algérie au lendemain de l’indépendance en juillet 1962, jusqu’à l’avènement de l’islam politique, après l’ouverture démocratique en 1989, en passant par le printemps berbère, les émeutes du 5 octobre 1988, la première guerre du Golfe, et enfin la grève du FIS, en juin 1991, sont bien réels. Les personnages du roman, quant à eux, ne sont que le fruit de l’imagination de l’auteur. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.
Chapitre 1
Elle dut s’arrêter brusquement, évitant de justesse une collision frontale avec un homme d’une cinquantaine d’années au dos large et à la peau basanée. Elle bredouilla quelques mots d’excuses avant d’avancer le pied pour le contourner et continuer son chemin. Elle pensa que cet homme, qui lui marcha sur les pieds par inadvertance, s’excuserait pour cette malencontreuse circonstance et lui céderait même peut-être le passage par politesse. Mais l’homme, prostré comme un mur sur son chemin, lui bloqua le passage. Il n’en démordait pas. Dans son regard se lisait la hargne de se battre.
— Autrefois, c’était nous qui baissions la tête et marchions sur la rue pour laisser à vos pieds de sangliers nos trottoirs. Maintenant, regarde-moi bien en face. Chaque fois que tu croises un Arabe sur un trottoir, tu descends et tu marches sur la rue, ou c’est la rue qui marchera sur tes pieds.
Elle n’en crut pas ses yeux. Le pas lourd, elle essaya de courir mais trébucha, ses pieds n’ayant plus la force de la porter. La peur prit possession de ses tripes. Elle eut peur de se faire engloutir par le flux mouvant des revanchards qui engloutissaient les rues. Dans sa fuite, rendue impossible par son corps indolent, malgré l’immensité des efforts qu’elle fournissait pour détaler de ces lieux juchés de bourreaux en quête de proies, elle se fit rattraper par une main ensanglantée qui voulait son dû et qui la prit en tenaille. Elle vit, jonchés sur les trottoirs, des visages connus, des corps sans vie. Elle s’écroula et ne put crier à l’aide. L’abondance des victimes la rendit hagarde, sans voix. Un plafond de terre s’abattit sur elle et elle ne put le repousser. Elle avait la tête lacérée par la migraine, ses tripes nouées par la nausée. Elle s’étouffa à chaque pelletée de terre qui l’enfonçait un peu plus dans l’abîme. En elle déferlait le rugissement du condamné traîné par ses bourreaux vers le couperet final. On lui cria dessus, on gueula après elle à la cantonade les pires diatribes, on répandit du fiel sur sa bouche béante, on l’imbiba de miasme. Elle suffoquait…
Elle se releva en sursaut, transie de froid, les yeux révulsés. La sueur perlait sur son visage. Elle mit sa main affolée sur sa poitrine et, dans un ultime effort, elle exhuma l’air vicié qui étira ses branches.
— Tu as fait un cauchemar, Ginette. Prends un verre d’eau et essaie de te rendormir, lui dit Madjid. Force était de constater que ses réveils nocturnes étaient devenus récurrents. Encore une autre nuit cauchemardesque sans que le sommeil l’emmène un tant soit peu dans les songes.
Elle n’arrivait pas à se rendormir. Le soleil avait du mal à se frayer un chemin dans ce ciel d’été plus brumeux et discret que lors des saisons qui se sont écoulées. Ginette s’avança vers la fenêtre, un petit gilet de flanelle sur ses épaules frêles. Elle aperçut un petit vent soufflant par intermittence, remuant dans son sillage une frondaison majestueusement abondante après un hiver tristement pluvieux. Elle regarda le mouvement des branches fortement fixées à l’écorce des arbres se balançant au gré du vent comme dans une valse effrénée. Elle eut tant aimé connaître leurs âges, lire dans leurs cernes les saisons ratées ou abouties. Le nombre de fois où ils avaient eu soif ou faim. Elle se demandait si leurs racines pouvaient se vautrer aussi solidement à une terre autre que celle qui les avait couvées.
Elle fit le tour de la maison et ouvrit la première chambre où Saïd sommeillait profondément au creux de son lit. Il y avait tout juste deux étés de cela qu’il était venu au monde et, avec lui, les rires et les roucoulades essaimaient la joie de vivre à longueur de journée. Les pleurs n’avaient d’écume que le soir venu, où il s’obstinait à dormir, las de quitter le clair de jour et ses facéties pour le mutisme de la nuit.
Rosa laissait toujours la porte de sa chambre entrouverte. Ginette la poussa légèrement, entrevit Rosa endormie sur son lit comme une muse, un livre en suspens dans la main. Elle plongea son regard sur elle et pensa à ce visage d’enfant serti d’un air de mélancolie, qu’elle avait toujours affiché. Le jour de sa naissance, le soleil déclinait quand Ginette, dans une douleur saignante du deuil récent de son père, la mettait au monde, les yeux écarlates et le regard songeur. Elle faisait penser à une naissance à la lisière de deux mondes ; on aurait dit une enfant de la résurrection. Dotée d’un tempérament laconique, elle ne parlait que pour signifier sa présence. Ginette et Madjid oubliaient presque son existence depuis l’arrivée tonitruante de Saïd, qui, par son hilarité abondante, occupait leur temps et transforma leur cocon familial en une ode à la vie.
Comme à son habitude, Ginette avait fait couler le café très tôt le matin et même plus tôt que d’habitude, depuis que le sommeil désertait ses nuits et laissait la place aux réminiscences de la veille. Elle le prenait toujours avec Madjid, dans leur minuscule cuisine, profitant du silence édénique qui régnait dans la maison pour palabrer des sujets que le jour ne trouvait plus le temps ni le moment d’égrener.
Madjid ouvrit la discussion en évoquant Ferdinand, le buraliste du coin, chez qui Ginette avait coutume de passer tous les matins pour acheter son journal avant de se rendre au travail. Il ne tarissait pas d’éloges à son égard. Fin lecteur de tout ce qui avait trait à l’histoire, Madjid aimait s’entretenir avec lui d’une foule d’événements récents ou passés en l’écoutant dénuder les sujets avec éloquence et maîtrise. Ferdinand ne voulut pas quitter le pays, contrairement à sa femme Henriette, qui plia bagage avec ses deux enfants pour aller en Métropole, quelque temps après la signature des accords de cessez-le-feu, prise en tenaille entre les attentats de l’OAS et les enlèvements d’Européens par le FLN. C’est lors d’une discussion de fin de journée avec lui, s’affairant à ranger la pile de journaux et magazines placés sur un présentoir à côté de la devanture du kiosque, qu’il mit la main sur un article évoquant le décret Crémieux, permettant aux juifs d’Algérie de se voir octroyer la nationalité française en vue de les distinguer des Algériens, anticipant ainsi une douloureuse fracture entre eux et les musulmans d’Algérie, lesquels étaient emmurés dans le statut infâme d’indigénat. Ferdinand n’était pas de ceux qui acquiesçaient à cette loi, la qualifiant de désinvolture de l’histoire, tant les liens entre les deux communautés semblaient trouver la voie de la quiétude après des siècles de conquêtes fratricides, pas à l’avantage d’un pays dont la majorité n’avait de relief que dans les minorités ethniques qui la peuplaient.
— Cela fait quelques jours que les rideaux sont baissés. Je l’ai vu la semaine dernière et il ne m’a aucunement parlé de son intention de quitter le pays. J’espère que rien de grave ne lui est arrivé.
— Tu en fais beaucoup, ces temps-ci, en ânonnant tes histoires de départ du pays. Il est peut-être juste parti prendre un bol d’air en Métropole et retrouver sa femme et ses enfants.
— C’est vrai qu’ici l’air sent le soufre et certaines personnes aiment s’y plonger tête baissée, ne craignant plus l’asphyxie, rétorqua Madjid, laissant apparaître sa lassitude chaque fois que Ginette se rebiffait à l’idée de jeter le même regard que lui sur la situation qui prévalait dans le pays.
Il professait que quelque chose de macabre se pointait à l’horizon à proximité, et que tout finirait par s’esseuler dans un foudroyant bain de sang. Il poursuivit :
— Je savais qu’un jour on allait se faire rattraper par ce maudit Crémieux et son décret. Ferdinand lui-même redoutait ce jour-là, même s’il n’osait me le dire de vive voix, je l’ai compris dans ses yeux qui fuyaient mon regard quand il évoqua le sujet. J’ai peur que tu ne saisisses pas ce qui nous attend. Ce qui t’attend, toi, Ginette, en particulier. Des actes de représailles et de vandalisme prennent des proportions inquiétantes dans le pays.
— Qu’est-ce que tu me racontes, c’est qui, déjà, ce Monsieur Crémieux ? demanda Ginette, feignant l’ignorance.
— C’est compliqué, mais bref, il se trouve être un juif, un avocat abolit

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