UN PARFUM DE MENTHE
112 pages
Français

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Description

Abdelkader est né dans la plaine d’Isly dans l’entre deux guerre. Il est successivement instituteur dans deux petites villes coloniales, tordjman dans la Chaouia puis Caid à Guercif et à Taza. C’est bien dans le bled profond, longtemps administré par les officiers des affaires indigènes, qu’il a appris le métier et c’est là aussi qu’il a cultivé son humanité secrète. Sincère, cet enfant du silence nous offre un voyage de près d’un siècle, d’Isly à Oujda, de Rabat à Ben Ahmed, de Rabat à Taza… Et cette femme incroyable, c’est sa narratrice, depuis ce long périple de décembre 1950

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9789954744536
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

UN PARFUM DE MENTHE
Roman© Editions Marsam - 2019
Collection dirigée par Rachid Chraïbi
15, avenue des Nations Unies, Agdal, Rabat
Tél. : (+212) 537 67 40 28 / Fax : (+212) 537 67 40 22
E-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr
Conception graphique
Quadrichromie
Impression
Editions & Impressions Bouregreg - Rabat 2019
Dépôt légal : 2019MO 0378
I.S.B.N. : 978-9954-744-53-6Bouchra Boulouiz
UN PARFUM DE MENTHE
RomanCe que l’on n’a pas vécu ou fait,
on ne le vit et le voit
qu’à travers des conventions.
Il ne faut pas perdre contact avec les réalités du corps…
Marguerite Yourcenar
Couverture
Aziz Cherkaoui
Huile sur toile
Collection MarsamSOMMAIRE
Taza 1961 ………….........…................……..…9
L’archiviste .......................….........…....…........19
Isly 1923….........…....….........…....….........…..25
Oujda 1930….........…....….........…....…............31
Oujda 1943 ….........…....….........…....…...........34
Oujda 1946 ….........…....….........…....…...........44
Rabat 1947 ….........…....….........…....…...........48
Oujda 1951 ….........…....….........…....…...........54
Le voyage ….........…....….........…....….........…60
Ben Ahmed 1953 ….........…....….........…....…..73
Rabat 1958….......…....….........…....….........….83
Rabat 1970 ….........…....….........…....…...........85
Rabat 1979 ….........…...........…....….........…....90
Rabat 2010 ….........…....….........…....…...........93
Constantinople 2012…............................….......108Une chambre plongée dans le noir…Un suaire
blanc. Un vieil homme enfile des gants. Une qui
bougie brule. Une odeur de Café. La porte en bois
claque. Les femmes se couvrent la tête. Leurs
prières montent au ciel. Un hurlement dans ma
gorge. Les brancardiers reviennent de la clinique du
Souissi. Ziga aboie. L’allée des lauriers est
silencieuse.Tes pas s’éloignent. Tu jette un dernier
regard. Ton corps à corps avec la mort s’achève.
Nous sommes jeudi 14 décembre 2010.Taza 1961
— Le thé est servi, n’aamas .
Moto s’adressait au gouverneur de la ville.
« N’aamas » est un raccourci protocolaire qui
signifie « A votre service, monsieur ».
— Merci Moto. Vous pouvez vous retirer,
maintenant !
Moto traversa le salon, à reculons. On aurait dit
qu’il glissait sur les carreaux, qu’il frôlait ces
meubles si familiers. Moto était un surnom qu’il
avait hérité de sa vie dans les cuisines de Charles
Noguès, le Résident de la France au Maroc. Il avait
été sous les ordres d’un saucier qui était en même
temps Chef cuisinier, et pendant la campagne
d’Italie, il avait appris sous les bombes à faire la
meilleure mayonnaise qui existât. Et sa recette, qui fit
mouche en Corse, en d’Indochine, continuait à
susciter nombre de polémiques meurtrières. On ne
connaissait pas encore la mayonnaise. Et toujours
sous les bombes, Mohammed est devenu Momo,
puis Moto. Moto est un homme du désert, il avait
cette foi qui lui faisait intérioriser les dangers afin de
s’en rendre maître.
Chaque année la foule célèbre le retour d’Exil du
Roi, il y a huit ans déjà. L’esplanade de la grande
place vibre au son des tambourins de l’Ahidous, des
7 « Bardias », de la Tbourida. Armés de fusils et
coiffés d’une « Rezza », des danseurs exécutent avec
jeux d’épaule et frappe de pieds, un va et vient
aligné.
Dans son uniforme militaire blanc aux
épaulettes galonnées, entouré de ses hommes en tenue
kaki, le gouverneur donne le signal du départ du
cortège. Mes vieilles Ray Ban aviator sur le nez, je
rejoins le cortège au pas rapide. Sous les
applaudissements de la population en liesse et les
youyou des femmes, on s’arrête, une petite fille aux
nattes tressées tend timidement un bouquet au
gouverneur puis, on serre les mains à tout ce que la
ville compte comme notables, chefs de tribus,
personnalités diverses. On traverse une double haie
aligne les « mokhaznis », coiffés de la « rezza » en
forme de Képi, le regard droit, l’index sur la
gâchette. Les flash des photographes crépitent.
Puis soudain, c’est le silence. Le gouverneur lit un
discours que j’avais rédigé dans l’intimité de mon
bureau d’une plume précise, émotive, parfois
incisive. Emu, j’écoute ces mots qui ne sont plus les
miens et qui annoncent la prochaine visite du Roi
dans la province. Nous sommes sous le septième
gouvernement depuis l’indépendance. Le roi qui
cumule des fonctions de l’exécutif et de monarque,
fait campagne en faveur du référendum pour
l’adoption de la première Constitution. Le
consensus avec l’opposition est hélas brisé depuis quelques
temps. Une crise sérieuse gronde. Mes mots se
veulent apaisants, un appel pour le rassemblement
autour de la Nation. Le gouverneur conclut avec
une pointe d’autorité: ce n’était plus mes mots.
8 Derrière ses lunettes, ses yeux humides
probablement à cause de ses lectures prolongées dans la nuit,
le gouverneur entérine sous les applaudissements la
forme chaotique de notre improbable démocratie.
Puis il dépose le micro, un gros « machin »
emprunté aux pompiers, il descend de l’estrade et notre
cortège reprit sa marche à pas rapide.
« Allah, Alwatan, Almalik », criait la foule. Un
dernier salut militaire bien que peu de personnes
parmi nous aient gagné ou même perdu une bataille,
sauf Moto et quelques Mokhaznis anonymes, me fit
penser que Lyautey et la douzaine de Résidents qui
lui ont succédé auraient probablement été fiers de
leurs goumiers.
Dans le petit salon aménagé depuis la mort de
son épouse en boudoir, pour pouvoir s’abandonner à
sa passion pour un genre littéraire précis, le
gouverneur nous présenta une monographie.
— Joseph Aleman l’a écrite sous le titre
Reconnaissance au Maroc. Charles de Foucault qui
s’appelle en réalité Joseph Aleman était un officier
aristocrate qui s’était fait ordonner prêtre en 1892
avant de parcourir le Maroc, où on l’appelait «
cousin » dans les Mellahs. Un travail remarquable que
nous aurions intérêt à poursuivre…Sa dernière étape
fut Oujda…
Le gouverneur retira ses verres les essuya…
Quelle chaleur, dit-il. A propos d’Oujda, j’y ai moi
même passé trois années au temps de la guerre
d’Algérie. La population, aux trois quarts française,
était inquiète. Il y avait de grandes pénuries d’eau.
Oujda était un relai pour l’émigration clandestine
vers Israël par Oran et Marseille…J’avais
secrète9 ment déplacé le couvre-feu de 10 heures à 9 heures,
car il y avait quelques poseurs de bombes qui
visaient les antennes de transmission pour couper
les communications entre les résistants du FLN ou
pour faire peur aux Français de la ville… Un
commando avait plastiqué les émetteurs de la
radiodiffusion régionale, bombardé le camp Ben Mehdi…
Bref, ayant reçu des ordres de ne pas intervenir pour
ne pas jeter de l’huile sur le feu du désespoir de
l’OAS, je ne pouvais agir que sur le couvre-feu…Ce
soir-là, deux hommes marchent dans la ville déserte,
au début ils ne se rendent compte de rien puis
soudain ils sont inquiets. Ils ignorent que le
cessez-lefeu a été avancé d’une heure, ils se demandent
pourquoi tout est si calme, pourquoi il n’y a
personne dans les rues, pourquoi les lumières sont
éteintes, quand soudain, un coup de sifflet… Ils
prennent leurs jambes à leur cou… Les rues sont des
labyrinthes, toujours de plus en plus sombres, de
plus en plus courtes, finissant souvent en impasse.
Essoufflés, ils arrivent devant une maison aux murs
élevés, l’un d’eux secoue l’anneau en forme de
poing de la porte cloutée. Une voix étouffée crie :
Chkoun? Des échos de pas, les verrous du bain
maure grincent. Un homme, le visage ridé, les
dévisage en silence. Les deux hommes murmurent
« Malik Djzair », un mot de passe qui signifie « Le
roi d’Algérie ». L’homme fait quelques pas dehors,
crache sur le sol, et assuré que les poursuivants ne
sont pas à proximité, pousse les deux hommes vers
le patio intérieur. Les échos des lourds battants qui
se referment traversent alors le couloir, la rue, et
manque de pot les forces de l’ordre passaient par là
à ce moment . Celui qui a ouvert la porte dit alors
10 d’une voix autoritaire: Il faut que vous partiez vite
d’ici ! Flen a été suivi, les gardiens de l’ordre ne
vont pas tarder. Ils ont déplacé l’heure du
couvrefeu. Filez ! Emportez votre marchandise et vos
pétards et retournez-chez vous. Malheureusement
pour eux, ils furent capturés et enfermés dans la
caserne qu’ils avaient l’intention de faire sauter…
Voilà, mes chers amis, comment j’ai pu mettre la
main sur quelques-uns de ces poseurs de bombes !
On le félicite. Lui, avec modestie :
— Merci…Vous savez, en tant qu’agent
d’autorité aujourd’hui je suis dans l’obligation de réserve.
Mais plus tard, si Dieu m’accorde longue vie,
j’écrirai sur un sujet qui me tient à coeur: qu’est qu’un
Agent d’autorité.? Pour l’heure, je me contente de
l’être…Messieurs, on m’annonce que le buffet est
ouvert !
Resté seul avec moi, le gouverneur me prit
familièrement par le bras :
— Toi qui es originaire de cette ville, est-ce que
tu savais que les hamams y faisaient office
d’hôtels ? Je n’ai vu cela dans une aucune autre ville
auparavant.
— Je crois avoir reconnu que le hamam de votre
récit est celui de mon père…
— Ah oui? Ecoute cher ami…Je viens d’avoir
une petite idée.
Je me méfiais des idées en général et lorsqu’elles
émanaient d’un supérieur en uniforme, je m’en
méfiais davantage.
— C’est là que tu es né, n’est-ce pas ?
J’acquiesçai.
— Encore aujourd’hui, l’Oriental demeure très
sensible. Tous nos ennemis sont venus de l’Est…
11

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