Un jour nous partirons ensemble
378 pages
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Un jour nous partirons ensemble , livre ebook

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Description

Née en 1885 Thérèse vit heureuse auprès de ses parents vignerons et de sa sœur Maria. Sa vie devient un enfer après son mariage avec Aristide, roublard, violent et alcoolique. Lorsqu’il veut vendre la vigne de Thérèse, celle-ci décide de le quitter. Elle s’enfuit avec ses trois derniers enfants, une remorque et un vélo. Sa fille Violette l’aide à débuter sa nouvelle existence mais, violente comme son père, elle va perturber la vie familiale. Sous les bombardements de 1944 Thérèse retrouve sa joie de vivre avec l’arrivée de Marie-Thérèse née de Violette. Un immense amour unit l’aïeule et sa petite fille rejetée par sa mère. C’est grâce à cet amour qu’elles vont pouvoir affronter leurs difficiles existences. Marie-Thérèse attend impatiemment d’être grande pour partir enfin et vivre heureuse avec sa grand-mère.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 octobre 2019
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414352784
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0112€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194 avenue du Président Wilson – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com
 
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
 
ISBN numérique : 978-2-414-35279-1
 
© Edilivre, 2019
1944
E lle poussa son premier cri dans une cave, c’était un cri de rage. Personne ne voulait d’elle, mais de la force de ses 2 kg et demi elle criait qu’elle avait le droit de vivre. La sage-femme excédée se mit, elle aussi, à hurler :
— Elle va la boucler cette bâtarde  !
Les Allemands bombardaient Sochaux et les habitants de l’immeuble s’étaient tous précipités dans les caves pour y trouver refuge. L’accouchement s’était déclenché en même temps que la sirène annonçant le début des combats et il avait fallu se mettre à plusieurs pour descendre la mère qui ne pouvait plus marcher. La sage-femme amenée d’urgence et contre son gré ne cessait pas de râler après l’enfant qui venait au monde :
— Il aurait mieux fait de crever celui-là !
Le bruit des bombes faisait trembler les murs et les gens hurlaient à chaque secousse. Leurs cris couvraient ceux de la femme qui accouchait. Il y eut quelques secondes de répit durant le bombardement. Tous se turent en retenant leur respiration. Le silence était palpable. C’est l’instant qu’elle choisit pour arriver.
La sage-femme toujours furieuse, se mit à brailler très fort : « C’est une pisseuse, une bâtarde » . Et puis les bombardements et les cris reprirent de plus belle. Tout tremblait, des morceaux de plafond tombaient. L’enfant enveloppée à la hâte dans de vieux torchons fut déposée dans une corbeille à linge en osier. Elle continuait de brailler mais personne ne s’occupait d’elle et son cri qui ressemblait à celui d’un chat était étrange au milieu des autres hurlements. Le bruit des bombes devenait de plus en plus assourdissant. La foule agglutinée contre les murs porteurs se résignait, elle acceptait son sort et priait d’une seule voix :
— Notre Père qui êtes aux cieux… Sainte-Marie, pleine de grâce…
Il n’y avait plus qu’elle qui continuait à crier. L’aïeule s’approcha de la corbeille, souleva la petite, la cala contre sa poitrine et se mit à la bercer doucement, tout doucement. Elle souriait et lui parlait dans un langage que seule l’enfant comprenait. Elle se taisait et semblait sourire en regardant l’aïeule fixement. Elle la distinguait à travers ses yeux qui ne voyaient pas et s’imprégnait de son odeur, de sa chaleur et de son amour. Cet amour la remplissait d’une force immense et elle allait vivre grâce à lui. Autour d’elles le bruit n’était plus le même, celui de la foule remplaçait celui des bombes. Les gens retrouvaient petit à petit l’espoir et l’exprimaient par des bavardages sans consistance. La sage-femme recommençait de jurer en invectivant la femme qui venait d’accoucher et celle-ci gémissait dans son coin. L’aïeule s’approcha d’elle et lui tendit le bébé, mais elle le refusa en repoussant d’un signe du bras la grand-mère et la petite-fille qui continuait de pleurer. La sirène se mit à retentir pour annoncer la fin des bombardements, alors la foule s’achemina sagement vers la sortie.
L’aïeule resta seule avec la petite fille. Elle continuait de chantonner en la couchant doucement dans la corbeille qu’elle prit à pleins bras pour partir elles aussi, vers la lumière. L’aïeule remonta lourdement les escaliers de la cave en tenant le bébé bien serré contre sa poitrine. Arrivée en haut, elle s’arrêta et regarda le ciel, il était si bleu et tellement beau malgré les nuages de poussière qui s’étiraient à l’horizon et partaient se fondre dans tout cet azur. Elle se sentait légère. La corbeille ne pesait pas plus qu’une plume dans ses bras, elle était heureuse, et rien de ce qui se passait autour d’elle ne pouvait altérer ce bonheur qui lui faisait battre le cœur plus vite. Elle traversa un espace, mi-herbe, mi-cailloux, et se retrouva à côté de la fontaine qui déversait son eau sans jamais s’arrêter. Elle tourna la tête dans tous les sens, puis se dirigea vers un petit arbuste à qui elle cassa une branche puis repartit auprès de la fontaine où elle déposa la corbeille sur son rebord. Elle trempa la branche dans l’eau et en aspergea le bébé en faisant le signe de croix puis dit :
— Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
Le bébé ne disait rien et ne broncha même pas lorsque l’eau lui mouilla le visage. L’aïeule se pencha vers la petite fille pour lui expliquer que c’était la guerre, qu’elles pouvaient très bien mourir toutes les deux l’instant suivant, et qu’il fallait donc qu’elle soit baptisée afin de rester ensemble si elles devaient aller au ciel. Elle lui dit aussi qu’elle-même était baptisée et donc avait le droit de faire ce qu’elle venait de faire. La petite fille la regardait toujours sans pleurer. On aurait juré qu’elle comprenait tout ce que lui disait sa grand-mère. L’aïeule reprit la corbeille en la pressant tendrement contre elle et commença de traverser le village avec l’enfant endormie.
Devant la boulangerie elle croisa un groupe d’hommes. La peur les avait quittés et ils parlaient bruyamment en riant très fort. En apercevant la grand-mère, ils se turent et certains affichèrent même un air goguenard. Aussitôt arrivée à leur hauteur, elle eut droit à un flot de grossièreté :
— Alors la mère Damtois, comment elle va la bâtarde , elle aussi ce sera une putain comme sa mère !
Il n’eut pas le temps d’en dire plus. La branche ayant servie au baptême et qui se trouvait encore sur la corbeille lui fouetta le visage à plusieurs reprises. L’aïeule pirouettait pour frapper d’autres sales types en déversant toute sa haine :
— Tu en veux aussi grand fainéant, et toi tu veux que je te dénonce pour le marché noir, quant à toi pourri ? tu crois que je ne sais pas que c’est toi qui as forcé la petite Madeline.
— Ça va, ça va mère Damtois, nous on a dit ça comme ça, on ne voulait pas vous manquer de respect, ne vous fâchez pas.
Ils étaient pétrifiés par ce que venait de dire la grand-mère et se taisaient. Comment pouvait-elle être au courant de tant de choses.
La grand-mère Damtois repartit, digne, fière, la tête redressée et la corbeille toujours pressée contre son cœur. Elle arriva au pied des escaliers de la mairie et fit une pause. Elle était essoufflée, plus par la colère qu’elle ressentait encore, que par le long chemin qu’elle venait de parcourir. Elle attendit quelques instants que le tumulte intérieur se calme et se mit à gravir la haute volée de marches. Elle poussa la porte et entra dans la mairie. L’employé en blouse grise s’approcha d’elle pour lui demander ce qu’elle voulait.
— Va chercher le Maire.
— Il est occupé lui répondit l’employé.
— Va chercher ce petit merdeux, je te dis.
Une porte au fond s’ouvrit et un grand gaillard apparut, appuyé sur sa jambe de bois, c’était le Maire.
— Bonjour madame Damtois, quel bon vent vous amène.
— Je viens déclarer la naissance de ma petite-fille et la présenter à la République.
Tout en parlant, elle sortait le bébé de la corbeille, le déposait sur le comptoir et commençait à lui retirer ses haillons.
Le Maire intervint :
— Ce n’est pas la peine de la dévêtir !
— Ce n’est pas toi qui vas m’apprendre comment on fait. Regarde, elle est toute nue, comme ça tu constates que c’est bien une fille. Et puis voilà mon livret de famille, sa mère n’en a pas. La grand-mère soulevait sa jupe, laissant découvrir un jupon agrémenté de plusieurs poches bien fermées où elle rangeait tout ce qui lui était précieux et indispensable. C’est d’une de ces poches qu’elle extirpa le livret de famille.
— D’accord, madame Damtois, on va déclarer l’enfant, mais il faut la rhabiller, elle va prendre froid.
— Et sa mère, elle va comment ?
— Si on te le demande, tu diras que tu n’en sais rien.
Le Maire se tut et alla chercher le gros registre sur lequel on allait inscrire l’enfant. Ce fut une longue litanie de questions et de réponses concernant la naissance de la petite.
— Adresse de naissance ?
— Dans la cave de la caserne en face de l’école des Garçons, celle où il y a la fontaine.
— À quelle heure ?
— Au moment des bombardements on n’avait pas l’heure à la cave, mais j’ai entendu l’église sonner midi et comme l’horloge de l’église avance de 5 minutes, il était donc midi moins cinq.
— Nom de la mère ?
— Tu le sais bien, c’est ma fille Violette.
— Et le père ?
— Tu le fais exprès, c’est ce pourri de rital . Il est marié en Italie et ne peut pas déclarer la petite.
— Vous pourriez tout de même le prévenir, Madame Damtois ?
— Qu’il crève.
Le Maire finissait par être décontenancé. Il connaissait Thérèse Damtois depuis tout petit et la vie de cette femme dure et exemplaire lui inspirait beaucoup de respect. Personne non plus n’oubliait dans le village qu’en son temps elle avait été la seule à décrocher le Certificat d’études ce qui lui conférait un certain statut.
On arriva enfin au choix du prénom.
— Comment va s’appeler l’enfant ?
— Marie-Thérèse.
— Thérèse comme vous, madame Damtois !
— Oui, car je suis sa marraine.
— Et Marie, comme la mère de l’Italien ?
— Arrête de dire n’importe quoi, la mère de l’Italien s’appelle Maria.
— Marie c’est le prénom qu’on donne à toutes les filles aînées dans ma famille.
— D’accord, et il n’y aura pas d’autre prénom ?
— Si, elle s’appellera aussi France, Victoire. Parce que la France va gagner et redeviendra la France d’avant, et Victoire parce que la France sera victorieuse et que dans sa vie cette gamine sera victorieuse, comme la France.
Il n’y avait plus rien à dire, d’ailleurs le Maire restait muet. Il regardait l’aïeule et la petite en souriant avec gentillesse.
— Je lui souhaite beaucoup de bonheur à votre petite.
L’aïeule et le Maire se dévisagèrent longuement puis tombèrent dans les bras l’un de l’autre.
— Merci mon g

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