Un ennui ordinaire
308 pages
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Un ennui ordinaire , livre ebook

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Description

Antonin Wagner, modeste directeur d’agence départementale, bien qu’appartenant au puissant groupe Tardelli’s Consulting, frise le burn out sans même s’en apercevoir.
Une mission à Madagascar lui est confiée au moment où il arrive à saturation dans sa vie professionnelle et privée. Le déplacement dans la grande île ne sera pas de tout repos malgré ses intentions affichées au départ et le confort apparent dans lequel il se retrouve dans ce pays pauvre. Les casseroles qu’il traîne avec lui en font un loser de première classe. Mais la vie et ses embûches peuvent parfois avoir des effets résilients, même dans les cas les plus pathétiques... Ne dit-on pas : guérir le mal par le mal ?

Antonin Wagner va en faire l’expérience, parfois dans des circonstances dramatiques...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 juin 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332933904
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-93388-1

© Edilivre, 2015
Citation


Ne cherche pas ailleurs, le voyage est en toi, tu dois simplement le faire.
1
Antonin Wagner était sorti de la réunion vers 17 heures. Il s’était programmé un départ anticipé vers 15 heures, mais il lui avait été impossible de partir, car les deux derniers intervenants de la journée étaient arrivés très en retard. Il avait fallu que l’animatrice meuble leurs deux heures d’absence. Il aurait bien tenté de filer à l’anglaise, ce n’est pas l’envie qui lui avait manqué, mais ils n’étaient que huit directeurs d’agence, et l’on aurait remarqué immédiatement sa dérobade.
Depuis 9 heures, il avait supporté une réunion régionale dont l’ordre du jour lui avait semblé presque similaire aux précédents. Ils avaient tous subi les sujets habituels qu’ils connaissaient, avant d’être sensibilisés à de nouvelles stratégies qu’ils se devaient tous d’adopter au plus vite.
Le déjeuner, seul moment qui aurait pu être un peu convivial, avait été escamoté. Pas moyen de discuter d’autres choses entre collègues, et peut-être se marrer un peu. La représentante régionale, envoyée par le siège de la société, avait continué à leur bourrer le mou avec les thèmes de la journée. Il avait fallu engloutir rapidement un bœuf bourguignon maltraité par les marchés et la concurrence, objets des propos implicitement convenus lors de ce déjeuner.
Ils s’étaient réunis une fois de plus sous l’injonction polie du siège régional de Tardelli’s Consulting . L’objet plus spécifique de la réunion était de les focaliser sur le travail en réseau. Il fallait que chaque agence cherche à « optimiser sa pénétration sur le marché ambiant », pour reprendre les termes suggérés par Chantal (c’était le prénom de la représentante régionale nommée par le siège de la boîte).
« Chantal » était venue pour impulser davantage de dynamique entre les agences. C’était dans l’air du temps. L’hystérie du recentrage, du tout collectif, avait gagné en haut lieu, comme elle envahissait partout. Il fallait collecter et mutualiser la matière grise et les matériels éparpillés aux quatre coins pour faire des économies d’échelle, en fait maintenir, et surtout développer, l’ensemble du chiffre d’affaires. Toujours cette course folle en avant et cette recherche constante : « Qui sert à quoi ? » Et en filigrane : « Qui ne sert à pas grand-chose ? »
Antonin se remémorait l’animatrice : ronde de corps et déterminée dans les mots, une sorte de chou-fleur bizarrement gominé sur la tête, une gestuelle faite de grands moulinets de droite et de gauche, censée sans doute interdire toute attention défaillante.
Elle s’était parfois dressée comme une grosse poule pour poser une question qui ressemblait plutôt à un appel à confirmation de ce qu’elle venait d’avancer . C’est bien la seule à avoir pris son pied , s’était dit Antonin. C’est d’ailleurs elle qui avait invité les intervenants, le clou de son programme, arrivés avec deux heures de retard pour témoigner de leur expérience en mutualisation de moyens, et donc convaincre les directeurs de bosser davantage ensemble.
Que voulait-on de plus ? Ce n’était pourtant pas les contacts qui manquaient entre collègues. Ils faisaient tous un métier de gestion difficile dans un contexte très tendu, chaque agence s’en sortait comme elle pouvait sur son territoire.
Cette mutualisation récurrente n’était-elle pas qu’une stratégie pour recentrer l’activité globale et éliminer à la longue tous les canards un peu boiteux du point de vue de Tardelli’s Consulting ? C’est ce qu’avait ressenti Antonin en assistant au show de « Chantal » qui s’était peu à peu substituée d’animatrice régionale, en directrice régionale. Elle avait refait leur monde à grands coups de : « Alors on décide quoi ? » mais aucun des participants, qui faisaient sans doute mine d’y croire, n’avait avancé quelque chose de crédible. Personne n’avait semblé dupe. L’intervenante avait alors développé un argumentaire presque frénétique fait de mots marketing portés à ébullition, comme pour réveiller la tablée. Elle avait tenté des effets de style, ouvrant de larges guillemets dans l’espace clos, pour envelopper ses concepts fumeux, comme s’il s’agissait d’un code dont ils étaient les seuls initiés capables de le déchiffrer.
On lui fait jouer un rôle pervers qu’elle ne voit peut-être pas, avait pensé Antonin.
Mais il avait aussi ressenti une forme d’irritation à se retrouver placé sous ses recommandations implicitement directives ; il savait piloter son agence. Que savait-elle de plus qu’eux des difficultés de terrain ? Sa façon de les pousser dans des projets collectifs était loin d’être pertinente. Les agences étaient trop spécialisées dans des compétences qui leur étaient propres, et de surcroît, éloignées géographiquement pour répondre ensemble à des besoins locaux. Plusieurs fois il avait dû suivre la dynamique régionale du réseau alors qu’il avait senti clairement au départ qu’il partait dans un mauvais coup. Et, en effet, la démarche avait consommé davantage d’énergie et de dépenses qu’elle n’avait rapporté de bénéfice à l’agence qu’il gérait au profit Tardelli’s Consulting ; parfois même, il avait perdu le marché par manque de réactivité locale. Mais bon, il avait suivi la dynamique régionale et la mutualisation des cerveaux, bien conscient que de s’y soustraire lui aurait valu une mise à l’index.
La réunion avait été d’autant plus indigeste que le témoignage apporté par les deux derniers arrivés avait été totalement insipide, un vrai flop. Dire qu’il avait fallu les attendre… Que ces réunions étaient ronflantes , avait-il ruminé.
Sa montre avait fait du surplace, il avait encore dû simuler un quelconque intérêt au moins pendant deux heures…
Cette réunion avait surtout révélé à quel point Antonin Wagner en avait assez de tout cela. Il sentait qu’il avait atteint ses limites, usé par quinze années de direction d’agences.
Les trois mutations géographiques obtenues à raison d’une tous les cinq ans, et nécessaires à son renouveau, n’avaient fait que repousser l’échéance. Il souffrait en réunion régionale, il souffrait avec ses personnels qui ne perdaient pas une occasion pour lui faire payer les tensions du marché en essayant de le déstabiliser à travers les réunions mensuelles qu’il organisait. À leurs yeux, il était la cause de tout leur mal être. Certes, il comprenait que ce n’était pas évident pour eux, le monde était au dolorisme, à l’inquiétude surmédiatisée qui n’arrangeait rien. Tous les médias rivalisaient dans la course à celui qui serait le plus comptable des fermetures d’entreprises, c’était le scoop du moment, la communion nécessaire pour garder et capter l’audimat : suggérer le mécontentement en prenant des mines compassionnelles, du style : « Je vous ai compris », râler à l’unisson à l’intérieur des chaumières, en quelque sorte.
Vu l’air tragique que les présentateurs des journaux télévisés affichaient chaque midi et chaque soir, avant d’entreprendre leurs numéros de séduction sur des sujets bien plus légers qui n’apportaient rien de plus à personne, il pouvait alors comprendre que la dose administrée ne pouvait que rendre aigre le public qui allumait mécaniquement la télévision, chaque jour, à la même heure, pendant des années durant.
La société était morose.
Les personnels n’échappaient pas à cette inquiétude, et le directeur était vu comme un suppôt de la direction nationale, un liquidateur potentiel. Pourtant, il n’avait jamais contribué à un licenciement, ni donner le moindre avertissement à un personnel, même quand certains d’entre eux avaient dépassé les limites du correct, alors que beaucoup d’autres de ses collègues auraient sévi à sa place. Ce n’était pas dans sa nature.
Il avait donc quitté la réunion vers 17 heures.
À peine sorti, il avait humé les parfums suaves des fleurs des arbustes variés qui jalonnaient les rues et le menaient au parking où il avait rangé la voiture de service. Un printemps presque estival s’était révélé à ses narines.
Il faisait beau, il avait senti la vie défiler, sa vie.
2
Antonin conduisait depuis une demi-heure, ses paupières étaient lourdes, l’autoroute qui défilait était le coup de grâce après cette pénible journée.
Il décida de s’arrêter à la prochaine aire pour piquer un petit somme. Après tout, la journée était foutue. Il sourit à cette idée : prendre du temps de travail pour roupillonner sur le compte de Tardelli’s Consulting .
Bien sûr, il aurait pu atteindre son bureau, puis son domicile, s’il avait poursuivi encore une heure en repoussant la léthargie qui l’envahissait, mais pourquoi se presser ? Rien de folichon ne l’attendait, sinon un énième jogging à travers les vignes. Justement, dormir un peu le mettrait en forme pour courir dans la soirée. Un petit moment de zénitude, même dix minutes suffiraient, mais avant, il passerait par l’agence pour consulter le parapheur et sa messagerie professionnelle, ensuite il rentrerait chez lui.
Il parqua sa voiture sous l’ombre légère d’une cépée de bouleaux afin de mieux se préparer au sommeil court qu’il espérait.
Il inclina le siège à cent vingt degrés, le recula au maximum et détendit son corps après avoir ôté ses chaussures, et même ses chaussettes… il recherchait les conditions d’un délassement total.
Il repensait à cette journée, mais surtout à son état d’esprit, à cette insatisfaction générale qui envahissait sa vie. Il ne voulait pas devenir amer ou aigri à force de subir des situations imposées. Il aurait aimé prendre un nouveau cap, entreprendre une vraie rupture avec ce qu’il faisait depuis trop longtemps. Ne vivait-il pas comme beaucoup une forme de las

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