Un, deux, trois
278 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
278 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

« J'ai compris que pour permettre au désir artistique d'éclore, il faut qu'une barque s'amarre à une pensée, à un mot, à une lettre et qu'en silence, au cœur du microcosme cérébral, dans ce mystérieux laboratoire de l'émotionnel, la chrysalide craque. Apparaît alors un papillon aux couleurs du soleil, poudre d'or, poudre d'étoiles, souffle de pollen, explosion de bonheur. (...) C'est ce à quoi je tente de me rapprocher. » Anouk Rossetti livre des récits de vies teintés de réalisme magique et de spiritualité. Une professeure d'arts-plastiques se souvient de la petite fille tumultueuse qu'elle était, avec ses angoisses et son imagination débordante. Entourée de ses parents et de ses frères, elle grandit avec le rêve de devenir une peintre célèbre. Son ambition artistique est influencée par celle de personnalités charismatiques ayant marqué l'histoire de l'art. À ce destin se juxtaposent ceux des couples formés par Ambroise et Kirsten puis Tycho et Clélia, dont les aventures extraordinaires transportent le lecteur dans un univers merveilleux. Le style chatoyant et poétique de cette œuvre protéiforme réserve un savoureux plaisir de lecture.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 octobre 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342163896
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un, deux, trois
Anouk Rossetti
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Un, deux, trois

Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
Pour Chloé, Max et Liv.
 
Ton devoir réel est de sauver ton rêve
Amadeo Modigliani
 
Les remerciements à :
Annie, mon amie de toujours.
Bernadette pour son cœur en or et son rire merveilleux.
Jacqueline, cristal alpin aux vertus guérisseuses.
Jocelyne pour l’immensité de son oreille.
Josiane pour sa douce magie.
Marie-Christine pour sa clarté et son infaillible raison. Ma mouette en équilibre sur un ikebana.
Marine pour ses vitamines d’amitiés, de gentillesses, de jeunesse et sa merveilleuse bonne humeur.
Max petit prince.
Viviane et Olivier, ma nouvelle famille, celle qui m’a redonné la sensation d’être attendue quelque part, ici ou ailleurs, à la maison.
1 re  partie
Chez Grégoire
L’air frais parcourait son corps, caressant la peau sous le tissu très léger de son vieux T-shirt.
Elle savourait la danse à peine perceptible des frissons de sa peau. Première cliente de la terrasse Chez Grégoire , elle assistait chaque matin aux répétitions de la vie, avec sa kyrielle de figurants : les moineaux, toujours en avance, sautillant et piaillant, excités comme des enfants à la veille d’une course d’école. Quelques balayeurs, esthéticiens anonymes des villes, redonnaient une élégance à la place. Cette place, telles une vieille dame et sa cour de platanes, n’échappait pas aux cannettes de bière, aux mégots et aux papiers de glace, abandonnés par des passants irrespectueux.
Le ciel bleu pâle annonçait l’arrivée du soleil avec la foule d’adorateurs, ivres de bronzages tartinés aux crèmes parfumées à la noix de coco, à la vanille, au citron vert et autres senteurs exotiques.
Une année déjà, et toujours plongée dans un océan de pigments, portée par la valse des lignes et le rythme des taches. Une année de vie monacale où la prière est couleur. Monologue intime entre le moi et le trait, entre l’abstraction et l’inconnu bariolé.
Tout quitter pour faire le point, pour donner une chance au rêve, un jardin à la folie. Elle avait divorcé d’avec son moral, trop amoureux du noir, adepte du désespoir enlacé au sous-sol de la mort. Un véritable parasite de son ego. Pendant plusieurs mois, ce foutu moral s’était scotché en elle. Il l’avait foudroyée. Elle circulait les traits tirés, le teint blafard derrière des lunettes noires. Impossible de vivre. Ce poids mort la suivait partout comme un chien qui cherche à se faire adopter et n’a que son chagrin à offrir. Il était devenu trop dangereux. Il guettait les moindres instants d’inattention pour prendre une place dans son cœur. Ronger les ventricules, boucher les artères, bloquer la mécanique. À cause de lui, son corps ne lui appartenait plus, ses membres étaient sectionnés, et son cerveau, privé d’oxygène, flirtait avec la déraison. Pour sauver sa peau, il fallait partir, abandonner ce moral comme une vieille chaussette oubliée à la chambre à lessive.
Depuis son arrivée, le patron lui réservait la même table, autour de laquelle il plaçait deux chaises, comme s’il espérait quelqu’un. Solitaire du petit matin, elle buvait son café sous la surveillance des moineaux intrigués par l’absence de croissant. Ces experts de miettes en tout genre craignaient le pire avec la mode anorexique.
Grégoire installait son décor un peu vieillot. Des chaises usées, fatiguées par trop de clients alourdis par la chaleur et les excès de pommes frites   ; des tables, dont la datation s’effectuait en comptant les couches de peintures écaillées, jamais poncées. Grégoire parlait peu, le matin il ne posait qu’une question et toujours la même : « Alors, comment va la vie ce matin   ? » et il enchaînait sans attendre la réponse : « Ah   ! Aujourd’hui il fera beau et chaud. » Comme s’il était possible qu’il en fût autrement dans cette région bénie des dieux.
Il ignorait tout d’elle, son passé, son présent et ne s’aventurait pas dans les prédictions d’avenir autres que celles sur la météo. C’était un gros bonhomme, des yeux de velours noirs avec des cils longs, dont la courbe ferait pâlir les publicitaires de mascara. La vie ne lui paraissait pas être un exercice compliqué. Son café-restaurant ne désemplissait pas. Sa femme travaillait en cuisine proposant des recettes du terroir. Ses enfants étaient hors du nid et heureux en mariage. Le vin de la région répondait à ses exigences. Il n’y avait pas de place pour les élucubrations d’intellos égocentriques sur les traces d’une éventuelle insatisfaction.
Ils avaient fait connaissance à travers une petite annonce parue dans le journal local :
À LOUER SURFACE HABITABLE,
SOBREMENT MEUBLÉE,
PRIX À DISCUTER. TÉL. : …
Une fois visité, elle était tombée amoureuse de cet espace, de la lumière et du vide. Elle avait signé sur-le-champ, pour un prix modéré, un bail de deux ans, et une semaine après elle dormait au paradis. Elle avait installé ses pigments, ses cahiers de dessins, des livres et Sigmund, son poisson rouge. Grégoire n’en revenait pas, il n’espérait plus gagner un centime sur ce petit hangar rénové comme il l’appelait. À la rédaction du journal, ils avaient republié l’annonce par erreur. À l’origine, c’était un ancien atelier de couture attaché à la maison et au café restaurant. Un héritage de son grand-père, qui l’avait offert à sa fille, en guise de cadeau de mariage en espérant que le couple le transformerait en nid d’amour et y installerait les petits enfants.
C’était sans compter sur la passion zeno-nippone du jeune couple qui une fois le petit monastère rénové, s’en était allé vivre au Japon en demandant à papa de s’occuper de la location.
« Vous ne le savez pas, mais ça fait six ans que j’essaie de le louer », disait-il.
« Mais vous comprenez, ce n’est pas un appartement normal. Les touristes veulent des vrais lits, pas ces machins à même le sol. Ils viennent avec des enfants, des amis, il faut des séparations, des murs, pas des paravents en papier », il poussa un grand soupir, et reprit de plus belle, « vous imaginez quelqu’un de mon gabarit, grignotant quelques grains de riz, les jambes nouées en imitation Bouddha   ? »
Elle lui souriait, c’est vrai qu’il avait plutôt le style d’un chevalier de la Table ronde dégustant du bon vin avec un civet de chevreuil ou de sanglier, un plateau de fromages bien garni autour d’une table en chêne massif.
« Mes enfants me disent que les gens ne comprennent rien. Que cet espace est une œuvre d’art, un équilibre à partir du vide. Il est certain que ce n’est pas le mobilier qui nous étouffe. Il n’y a pas de quoi se sentir écrasé par la vieille armoire de la grand-mère, on ne sait même pas où ranger son slip   !… Enfin si ça vous plaît tant mieux. »
Elle était aux anges. Soixante mètres carrés en une seule pièce. Des murs en papier japon à peine ocre. Le plafond blanc écru, le sol en fines lattes de bois très clair et toutes les parois en petits carrés de verre de vingt centimètres, dont les jeux de transparence ne laissaient aucune place au hasard. Le mobilier, Grégoire l’avait bien dit, ne surchargeait pas l’espace : un lit futon en bois naturel, une couverture en coton écru, une table basse carrée de quarante centimètres de côté, deux tapis en paille de bambou, et un éclairage halogène suspendu à deux câbles d’acier à peine perceptibles. Le coin-cuisine en blanc et noir offrait le strict minimum, seule la salle de bain était à l’occidentale avec une baignoire à pied comme luxe suprême.
« Ah   ! Vous voyez qu’il y a une armoire   ! » s’était-elle exclamée un peu moqueuse.
« Oui, elle n’est pas trop grande. Si vous souhaitez une chaise ou une commode, je peux vous trouver ça », avait-il répondu avec dans la voix la gentillesse d’un bon papa qui a renoncé à comprendre les jeunes.
« Non, non, surtout pas. Ne changez rien. Tout est parfait comme ça. »
Pour Grégoire c’était incroyable, toutes ces petites annonces, ces visiteurs en pagaille. Les desperados d’un logement de vacances de dernière minute et toujours les mêmes remarques :
« Mais, monsieur, vous ne pensez tout de même pas que nous avons pris nos meubles avec nous sur le toit de la voiture   ? »
Ou encore :
« Avez-vous vraiment l’intention de nous fourguer ce truc   ? C’est un dépôt, pas un appartement. »
Tous ces mécontents et cette femme, heureuse, qui se contentait d’une casserole à dînette, d’un bol pour le riz, d’une bouilloire, d’une théière et de baguettes. Les enfants de Grégoire avaient raison, les adeptes de l’art japonais étaient rares, mais ils existaient.
« Bon, tout va bien alors   ! » s’était-il exclamé, satisfait d’avoir résolu ce problème.
« Vous aimez le Japon   ? » avait-il rajouté, un peu par politesse.
« Je n’y suis jamais allée, mais j’apprécie la sobriété. »
« Alors bravo   ! Vous êtes comblée, plus sobre c’est le cercueil   ! Oh   ! Excusez-moi, cette remarque n’est pas de très bon goût. Si vous appréciez aussi le café… vous pourrez le prendre le matin, il vous sera offert. »
« Merci, j’accepte avec un grand plaisir. »
Pas encore résidente et déjà une habitude au programme, un rituel agréable qui lui permettrait de garder un contact avec l’extérieur. Elle vivait en hibernation provisoire, sans savoir si elle était heureuse ou non. Elle ne cherchait pas forcément à s’isoler. Elle voulait refaire connaissance avec

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents