Un amour à Antananarivo
136 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Un amour à Antananarivo , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
136 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Un amour à Antanarivo raconte l'amour de la belle Chantale et d'Emile, et l'attachement du patriarche dit le sphinx au Sultan Ben Youssef exilé à Antiserbe. Madagascar est perçue par le narrateur, non plus comme une destination de tous les dangers, mais comme une terre bénie avec des paysages fabuleux, des baobabs, des orchidées, du bambou lémur,des baleines à bosse, le sifaka à couronne dorée et des lémuriens. Madagascar est aussi un lieu de rencontres magnifiques : Johny Halliday en concert dans l'ile oblongue, les délégués africains en conclave et une sorte de pèlerinage sur les traces du Sultan libérateur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2019
Nombre de lectures 6
EAN13 9789954744581
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un amour à Antananarivo
Roman© Editions Marsam - 2019
Collection dirigée par Rachid Chraïbi
15, avenue des Nations Unies, Agdal, Rabat
Tél. : (+212) 537 67 40 28 / Fax : (+212) 537 67 40 22
E-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr
Conception graphique
Quadrichromie
Impression
Bouregreg - Salé - 2019
Dépôt légal : 2019MO0383
I.S.B.N. : 978-9954-744-58-1Ahmed Tazi
Un amour à Antananarivo
RomanDu même auteur :
• La rue du cuivre, La croisée des chemins, 2002.
• L’oiseau de Dieu, Marsam 2004.
• Les yeux de Lalla Fdela, Marsam 2005.
• Un amour à Antananarivo, Marsam 2018.
Couverture
Oeuvre de Abdelbassit Bendahmane
Technique mixte sur toile, détail
Collections Marsam) Un amour à Antananarivo 5
I
Le Centre des administrations fscales francophones organisait sa
conférence annuelle à Madagascar. Les pays membres se disputaient
la tenue du congrès pour en tirer des avantages ; recharger les batteries,
plus du tourisme que de congrès. Ils avaient été majoritairement
favorables à cette désignation. Ce n’était pas mon cas pour les raisons
que j’avancerais plus loin dans ce récit. Je n’avais pas voix au chapitre.
Mon chef immédiat, président sortant de l’organisation, avait voté pour
Madagascar. Dans la confusion de ma dépression, j’avais interprété
cette décision comme le début d’une stratégie pour m’évincer.
Je compris plus tard que tout ça était un peu gonfé dans ma tête
obnubilée par l’idée du complot. Et puis, j’avais été amené à apprécier
la mission et à rencontrer des amis grâce auxquels j’ai pu rattraper
un pan important de l’histoire de mon pays que je touchai de près,
presque de deuxième main quand ces amis-là m’avaient instruit au
sujet de l’exil du Roi dans leur île et beaucoup de choses en rapport
avec la libération du Maroc du joug français.
C’était une partie de l’histoire de mon enfance que je vivais là,
une épopée glorieuse marquée par la lutte pour l’indépendance, l’exil
dans un pays du bout du monde. Tous les fls de la nation ont une dette
envers le Roi. Tous les gars de ma génération et les aînés ont contracté
cette dette d’honneur. Alors, un devoir de mémoire ! C’est si peu par
rapport au sacrifce. Comment partager le calvaire que le martyre porta
jusqu’aux hauteurs septentrionales d’un Golgotha malgache ?
L’histoire de mon enfance avait été baignée par la lutte pour la
libération et par son héros. Sans m’en apercevoir, je fus ramené 6 Ahmed Tazi
cinquante ans en arrière, remontant le temps avec, pour balises, les
faits et gestes du souverain qui lui avaient valu un amour indéfectible
de tout un peuple et mon petit amour à moi, immense.
Les rodomontades des généraux se succèdent avec des pognes
d’airain et des bottes d’acier. Le lion demeure indomptable. Vaine
et risible, leur hantise d’obliger le sultan « à se soumettre ou à se
démettre ». On ne jurait que par le sauveur, tous unis autour de
l’Auguste dont je rêvais d’embrasser la main. Je ne savais pas que ce
rêve allait se réaliser. Une promesse tenue, comme un sceau qui scella,
d’une manière défnitive, mon attachement.
Normal que dans mes périodes d’euphorie ou de déprime comme
celle que je traversais à la veille de mon départ pour Madagascar
d’emprunter ce chemin jalonné par des moments de grande émotion.
Normal qu’Antananarivo, la destination que je devinais inévitable si
je devais protéger mes arrières, fût l’occasion de cette aventure dont
certaines bribes restèrent imprimées à jamais dans ma mémoire. Je
leur ai ajouté d’autres bribes glanées dans des livres, des journaux et
différentes sources : l’acharnement des résidents généraux, la félonie
des hommes liges, les machinations, les crises, les traîtrises, les
conjurations, la campagne à feu et à sang, Fès prosternée, Casablanca
en effervescence, Rabat en état de siège, le pays en grand émoi.
Notre rue à la médina de Fès était tout le temps bouclée par les
soldats sénégalais et fortement bousculée par les troupes de goumiers.
Mais on ne sentait l’étau que quand les légionnaires passaient près
de chez nous sous la houlette d’offciers de l’armée régulière, une
escouade faisant une démonstration de force, sous prétexte de mettre la
main sur les armes qu’on cachait pour les résistants ou pour débusquer
des caches de terroristes, comme ils désignaient les fdaiines . Mais je
n’avais encore jamais vu de char de combat ou de blindés portant de
l’artillerie lourde se promenant dans nos parages. Ces engins effrayants
ne m’étaient pas totalement inconnus ; je les revoyais au cinéma de
notre quartier quand on passait un flm de guerre ou dans les actualités
marocaines qu’on diffusait en prélude des flms de propagande Un amour à Antananarivo 7
montrant le carnage des Algériens révoltés. Comment pourrais-je alors
imaginer le palais encerclé, chars, véhicules blindés pointant leurs
canons et leurs armes automatiques sur la grande porte. Un général
escorté de troupes spéciales armées de mitrailleuses, désarmant la
garde du Sultan, collée face au mur, les bras en l’air.
Des paroles sublimes qui faisaient vibrer :
– Rien dans mes actes et mes paroles ne saurait justifer l’abandon
d’une mission dont je suis le dépositaire légitime. Si le gouvernement
français considère la défense de la liberté et du peuple comme un
crime qui mérite châtiment, je tiens cette défense pour une vertu digne
d’honneur et de gloire, avait dit le Sultan.
Et le sinistre général de menacer :
– Si vous n’abdiquez pas immédiatement de votre plein gré, j’ai
mission de vous éloigner du pays afn que l’ordre soit maintenu.
Le Roi eut ces mots historiques :
– Je suis le souverain légitime du Maroc. Jamais, je ne trahirai la
mission dont mon peuple confant et fdèle m’a chargé. Le France est
forte, qu’elle agisse comme elle l’entend.»
J’ai un peu honte de dire que j’avais pratiquement paraphrasé
ce discours, repris du livre de Frédéric Garan : « un Sultan à
Madagascar », qui reprend une discussion avec Hassan II. Venant de
la part d’un écrivain, c’est un aveu délicat, mais j’assume, car je ne
pouvais pas trouver meilleur témoignage :
« Tout est dit, le général nous fait appeler, Moulay Abdallah et moi.
Il se tourne vers le souverain : «Nous vous emmenons, vous et vos
fls.» Il fait signe à l’offcier de gendarmerie qui, revolver au poing,
pousse mon père devant lui… On nous pousse dans l’avion qui décolle
pour une destination inconnue. »
Ainsi avait parlé un grand Roi qui partagea avec son père le fardeau
de l’exil pour la liberté du peuple. 8 Ahmed Tazi
II
Pour l’heure, je ne connaissais pas encore ces sentiments et ne
voyais les choses que d’une façon négative, seule fenêtre que ma
vision embuée par les larmes de ma neurasthénie, me permettait
d’apercevoir à travers le voile sinistre de la dépression qui m’étouffait.
Et je voyais Madagascar comme le plus grand des dangers. J’étais
presque en lambeaux et les essais de reconstruction de ma personnalité
au bord de la déstructuration, que le psychiatre m’aidait à entreprendre
avec une patience d’Ayoub, le prophète, ne me laissaient aucune autre
énergie pour percevoir l’exacte mesure des choses qui m’entouraient
et de pouvoir les voir autrement que comme des pièges tendus pour
m’achever.
Probablement que dans l’état délabré où je fottais avant de sombrer,
j’aurais vu toute autre région du monde avec la même appréhension,
la même peur du danger, j’aurais été étreint par la même angoisse
étouffante au-delà de l’agoraphobie la plus terrifante. L’éloignement
particulièrement éprouvant de cette destination ou même celle de la
Chine, de l’Australie ou du Chili comptait pour beaucoup dans mon
désarroi mais pas au point de provoquer la panique qui m’invalidait.
J’étais loin de comprendre que ma maladie produisait un effet
d’amplifcateur et projetait en décuplant la peur endogène qui
m’habitait et associer cette peur aux perspectives qui m’entouraient, y
transférant suffsamment d’angoisse, les transformant en de véritables
repoussoirs. La confusion aidant, je ne distinguais plus de quoi
j’avais réellement peur. Je me demandais si cet état dépressif qui ne Un amour à Antananarivo 9
me lâchait pas n’était pas autre chose que la traduction hypertrophiée
de la peur conventionnelle que tout un chacun connait naturellement
à un moment ou à un autre. Craignais-je de ne pouvoir tempérer mes
cruelles et terrifantes insomnies par la présence et la proximité des
miens qui me permettaient d’anticiper afn de tenir le coup, fort de
leur soutien ?
La réclusion à Madagascar, une chambre d’hôtel à Antananarivo !
Une grande avenue ou une ruelle ? Au premier ou au dernier étage ? Au
bout ou au fond du couloir ? Je suis dans une nuit noire, interminable, à
une dizaine de milliers de kilomètres de mes proches.
S’inquièteraientils si j’allais pouvoir fermer l’œil ? Prieraient-ils pour moi ? Dormir
un instant ! Le plus fugace soit-il ! Lequel parmi les miens pourrait
m’accompagner par sa simple présence dans une des chambres d’en
haut ou dans celle qui jouxtait le vestibule ? Ma demeure de Rabat me
paraissait irremplaçable pour diminuer ma terrible solitude. Penser à
ma femme ou à l’un de mes deux enfants ou aux deux réunis dormant
à poings fermés à quelques mètres de moi, me procurait une grande
revanche contre le mal qui me gardait éveillé nuit et jour.
Un périple dangereux m’attendait et menaçait de me précipiter
dans des gouffres abyssaux. Remonterais-je jamais de ces tréfonds ?
Broyé dans les entrailles du monstre ; c’était dans cet état que je
voyais ma résurrection. Terrible d’imaginer de cette façon maladive
le voyage à Madagascar que l’administration m’obligeait à faire et
que mon épouse, me poussant dans le dos pour sauter le pas en venant
rapidement aux menaces, me persuadait d’entreprendre pour obéir aux
ordres, la seule manière qui fonctionnait avec moi, disait-elle pour se
dédouaner. 10 Ahmed Tazi
III
Pour quelqu’un de moins enthousias

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents