Tunis-Même
92 pages
Français

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Tunis-Même , livre ebook

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Description

« Les événements », tels qu’ils étaient nommés dans le langage populaire, faisaient rage à Tunis en ces années 1955/56...

Le cœur de l’ouvrage a pour contexte l’année du départ vers la France d’une famille juive française, anticipant le changement de pouvoir qui eut lieu quelques années plus tard avec l’indépendance de la Tunisie et la présidence d’Habib Bourguiba.

Le récit explique aussi la vie pleine d’émotions de l’aîné des cinq enfants et son intégration durant ses premières années en banlieue parisienne, dont la rencontre avec la femme de sa vie.

La description d’une fresque de vie ordinaire vécue de façon extraordinaire...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 décembre 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414399857
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194 avenue du Président Wilson – 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-40007-2

© Edilivre, 2020
Dialogue avec les haricots !
I l replace délicatement le haricot sur le bord de l’assiette creuse. Il le détache de l’amalgame formé par la graine de couscous et les haricots colorés par le bouillon orangé de tomates et d’épices, puis, commence à lui parler :
– « Mais qu’est-ce que tu fais là, toi ? Je vais te manger, maintenant, petit haricot »
Et, dans un léger hoquet, il porte le haricot dans sa bouche, le mâche et l’avale.
– « Tu vois, ne fallait pas être là ! Eh ! mais t’es pas seul, dis donc, vous êtes nombreux, aujourd’hui, mais je vous promets que je vous mangerai tous, tous ! »
Il était 2h de l’après-midi. Le jeune homme était assis à la table de la cuisine. En face de lui, une assiette de couscous aux haricots, remplie à ras-bord.
Cette spécialité judéo-tunisienne, simple, est une des nombreuses versions du plat traditionnel pour le vendredi soir mais aussi pour d’autres occasions plus banales, de ce que tout le monde appelle le couscous.
Celui-ci, précisément, est composée de viande coupée en morceaux, de haricots blancs, de sauce tomate concentrée, d’huile d’olive, de quelques épices dont la plus importante, pour ce plat est le cumin, tout ça étant cuit dans l’eau pendant quelques heures.
Il était plutôt affalé sur le bord de la table, accoudé sur le côté gauche et le visage soutenu par la main du même côté.
Il continuait de trier négligemment les féculents, tout en les séparant de la graine de couscous. Il ne choisissait que les haricots bien dodus, et à ceux-la, à chacun d’entre eux, il disait.
– « Tu ne perds rien pour attendre, tu seras mangé aussi, ne sois pas pressé ! »
De temps en temps il en mangeait un, accompagné d’une cuillérée de semoule arrosée du jus parfumée par la viande braisée, épicée au cumin et colorée par la tomate concentrée et le poivron rouge en poudre.
– « Il faut que je mange tout, sinon Maman va s’apercevoir que j’ai déjà mangé chez elle. Elle va s’apercevoir aussi que j’ai un peu bu ; Il faut vraiment que je mange tout ! »
Il tenta de fixer à nouveau son attention sur l’assiette et continua son dialogue avec les lingots suintants, colorés et fumants.
– « T’es sur qu’elle est amoureuse de toi, vraiment amoureuse ? »
– « Quoi ??? »
Il cligna les yeux plusieurs fois de suite et secoua la tête comme pour la vider de la phrase qu’il venait d’entendre.
Le haricot qui venait de lui adresser la parole, se dressait sur le bord de l’assiette et, comme s’il fronçait ce qu’il essayait de montrer comme des… sourcils.
Le moment de stupeur passé, il se mit à réfléchir ou tout du moins d’essayer. Il le fit à voix basse :
– « Pourvu que personne n’entende ! Je n’en sais rien ! Elle ne dit rien, jamais rien ! Elle baisse la tête et elle ne répond pas ! »
Il fixa le haricot, tant qu’il pouvait fixer et il attendit la suite du dialogue, qui ne vint pas.
– « Tu vas répondre ou j’ai juste rêvé ? C’est un peu facile d’affirmer comme ça, sans savoir… Et puisque tu ne veux pas répondre, alors tant pis pour toi, tu ne sers à rien ! »
Et sur ce, il enfourna le haricot visé enrobé de semoule et se mit à mastiquer tout en réfléchissant.
Il s’affalait de plus en plus, son visage était presque à hauteur de l’assiette, et il lui semblait que tous les haricots parsemés sur l’assiette creuse bougeaient lentement.
– « Elle ne t’aime pas, elle ne t’aime pas, elle ne t’aime pas !! »
– Arrêtez, ça suffit maintenant ! »
Il avait élevé la voix et se surprit à se redresser d’un seul coup, tout en se retournant vers la porte de la cuisine, qui venait de s’ouvrir…
– « Ça va, mon chéri, tu n’as besoin de rien ? »
C’était sa mère qui venait d’entrer dans la pièce, pensant que son fils l’appelait. Elle avait entendu, après le silence installé dans la maison, comme chaque après-midi, un appel inhabituel venant de la cuisine.
– « Non, maman, ça va. Il est bon, ton couscous, tu sais, comme d’habitude »
Il avait prononcé ces mots, lentement, en articulant chaque syllabe de façon à masquer la difficulté qu’il avait à s’exprimer à cause de l’abus d’alcool  accumulé tout au long de cette fin de matinée.
– « Tu sais, tu n’es pas obligé de tout manger, je t’en ai mis beaucoup. Tu laisses ce que tu veux, chéri »
– « Non, non, Maman, je vais tout manger, ne t’inquiète pas, c’est très bon »
Sa mère sortie, il se concentra sur son assiette, qu’il avait masqué à son regard, craignant qu’elle ne s’aperçoive du manège étrange et inquiétant des féculents cuisinés.
Ils étaient toujours animés des mêmes mouvements, comme si le haut du lingot se penchait vers l’avant, tout en pivotant de gauche à droite puis de droite à gauche à la manière de quelqu’un assis sur un tabouret pivotant.
Ils étaient tous synchronisés, et comme dans une chorale, ils répétaient en chœur, distinctement, inlassablement, des phrases toutes faites :
– « elle ne t’aime pas »
– « tu perds ton temps »
– « tu es trop jeune »
– « ce n’est qu’une amourette »
– « elle n’est pas juive »
– « elle a déjà eu des aventures »
Il se dit qu’il devait être bien saoul pour voir des haricots danser et surtout les entendre lui parler. Ou alors, il dormait et ce n’était qu’un cauchemar parmi tant d’autres, dans ses sommeils agités depuis qu’il sortait avec elle.
Rien n’avait été facile entre eux depuis le début. Il voulait tout savoir d’elle et elle ne disait rien. Il était curieux de tous les détails de sa vie, de ce qu’elle pensait à tout moment, de ses sentiments à son égard, et elle ne répondait que rarement, avec réticence, le regard fixe, comme centré sur une image permanente, inaccessible pour les autres et donc, pour lui.
Et pourtant, il savait bien au fond de lui, que c’était la femme de sa vie.
Quand il était rentré chez lui, tout à l’heure, il venait de passer quelques heures avec elle, et il avait déjà mangé et surtout bu avec sa famille, sa mère, ses sœurs et ses beaux-frères.
Il parait que c’est normal le jour de Noël, de finir les restes de la veillée et de continuer à boire dans la foulée ; il fallait s’entraîner, à ce qu’on dit, pour le grand réveillon du jour de l’an ; En tous cas, c’est ce qu’on lui avait dit, en plaisantant, évidemment.
En attendant, plaisanterie ou pas, lui l’avait cru, dans son désir de leur plaire, et il avait bu, beaucoup, et à chaque fois qu’on le lui avait proposé ; Il ne se voyait pas refuser.
Il n’avait jamais bu une goutte d’alcool jusqu’à cette soirée de Noël, et il avait pris cette invitation comme une marque de considération, de respect, et d’intégration dans cette famille.
Il s’était toujours senti Français, bien avant d’arriver en France, il y a maintenant six ans, mais il n’avait jamais encore lu dans le regard des autres, un semblant de réelle reconnaissance. Il y avait plutôt trouvé, de la curiosité, une forme de condescendance, de la commisération, du mépris, et surtout de la méfiance, voire de la peur.
Il se souvient de la première journée d’école en 5 ème C, en classe d’histoire-géographie.
Ce professeur, Monsieur Beau, professeur de français par ailleurs, lui avait demandé d’aller chercher dans le couloir les cartes géantes de l’Europe et de l’Asie, sans lui donner d’explications utiles pour les trouver facilement.
Quand il revint, enfin, beaucoup plus tard, et après avoir beaucoup hésité entre les différentes cartes rangées dans leurs grands casiers de bois, hauts et étroits, la remarque de Monsieur Beau fut :
– « Tu pourrais faire plus vite, tu n’es plus chez toi, ici ! »
Cela a fait une histoire de tous les diables ! Son père à qui il en parla, apostropha ce professeur et lui demanda de présenter des excuses, ce qu’il fit de « bonne grâce ».
Toute l’école l’a su et bien entendu, la méfiance générale à son égard qu’il avait ressenti à son arrivée dans l’école, s’en est trouvé amplifiée.
Néanmoins, deux autres professeurs lui avaient manifesté de la sympathie et du soutien : le prof de gym et la prof de dessin.
En sortant de ses pensées, il vit un haricot se trémousser et l’entendit lui dire :
– « Alors ptit juif, toujours tes complexes ? T’as l’impression que c’est écrit sur ton front, n’est-ce pas ? »
– « Non, ce n’est pas ça ! on me prend pour un étranger, pas pour un français ! A chaque fois, il faut que j’explique, que mon grand-père a obtenue la nationalité française en son temps, que mon père a fait cinq ans de guerre et que je suis né FRANÇAIS ! Et on me répond : »
– « Mais t’es pas né ici, hein ? »
Il en avait assez ! Que ce soit à l’école, au foot ou avec les voisins, c’était la même histoire ! Il n’était pas né ici ! Voilà !
Et enfin, Elle ! avec elle, pas de questions de ce genre. Il était comme tout le monde, ni plus ni moins.
Et il avait été invité à la veillée de noël avec toute la famille et pendant toute cette soirée, il avait oublié, laissé de côté, mis à part toutes ses interrogations, tous ses doutes..
Cette famille l’avait intégré ! Il touchait du doigt ce que voulait dire « être français ». L’apéritif, les histoires plus ou moins drôles, les plats traditionnels, les différents vins, les plateaux de fromages, les cotillons et les cadeaux, les alcools forts après le repas et enfin le champagne qui rompait les discussions politiques au verbe haut et les remplaçaient par des onomatopées d’admiration et de plaisir.
– « Hier soir, c’était vraiment bien, petit haricot ! Je me sentais bien avec eux et même à midi, c’était sympa. J’ai un peu trop bu, comme hier, mais je m’en fiche, je me sens bien pour la première fois depuis que je suis avec elle ! Elle m’a quand même présenté à sa famille, à toute sa famille ! »
Un groupe de haricots ouv

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