Trois jours et le néant
120 pages
Français

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Trois jours et le néant , livre ebook

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Description

Piégé entre un présent implacable et des souvenirs qui l'empêchent de vivre, un conseiller ministériel dévergondé est à la recherche d'un homme qu'il appelle Le Néant et qu'il ne retrouvera peut-être jamais. L'amour indéfectible d'une femme ne peut le dissuader de cette souffrance coupable dont il n'essaie de se sauver qu'en avançant plus loin sur la voie de l'abîme.Avec Trois jours et le Néant, l'auteur d'Il faut assassiner la peinture signe un roman aussi grave que cocasse, une histoire captivante, où l'écriture, tendue et incisive, compresse dans le même mouvement les gestes et les paroles, les rires et les silences, les tourments de la conscience et les blessures de la mémoire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9789954213254
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Editions
© Editions Marsam - 2015 Ateliers : 6, rue Mohamed Rifaï (Près place Moulay Hassan ex. Pietri) Rabat Bureaux : 15, avenue des Nations Unies - Rabat Tél : 05 37 67 40 28 - Fax : 05 37 67 40 22 E-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr
Compogravure flashage Quadrichromie
Impression Imprimerie Bouregreg - 2015
Dépôt légal : 2013 MO 2841 I.S.B.N. : 978-9954-21-325-4
Editions
Du même auteur :
Etreintes creuses, poèmes.Ed. l’Harmattan, Paris, 2001. Il faut assassiner la peinture, nouvelles.Ed. Aïni Bennaï,  Casablanca, 2004.
Couverture Youssef Wahboun Sans titre, technique mixte sur toile (détail) 80 x 65 cm, 2010 Collection particulière
Naître est un péché, vivre est une expiation. Ecrire est un tissu d’excuses. Henri Michaux
Mardi
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Ce n’est qu’aujourd’hui que tu te sens rongé par la honte d’avoir souvent déshabillé des femmes dans ton bureau. A moins de quinze mètres du bureau de monsieur le ministre. Sans doute est-ce le rêve que tu viens de faire qui déclenche en toi ce mélange de répulsion et d’angoisse. Qamar est allongée sur le ventre. Toute nue. Un homme lui embrasse les fesses et le dos, s’arrête longuement sur sa nuque. Les deux corps exultent en formant une grosse tâche mouvante sur un fond noir. Jonché comme de minuscules pétales rouge et vert. Un chien chétif se déplace autour des deux amants. De temps en temps il aboie comme dans un effort de rompre cette union qui semble le narguer, le décevoir. Tu n’arrives pas à identiïer l’homme. Sa langue se promène sur la peau frémissante de Qamar sans que son visage se montre. Pendant toute ta vie tu n’as vu tante Qamar qu’à trois reprises. Mais ces derniers mois le souvenir évasif que tu en gardais est de plus en plus ravivé par les questions de Mme Tobi qui veut tout savoir sur ton enfance. Tu avais treize ans quand un
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jour un homme inconnu rendit visite à tes parents. Le soir juste après son départ tu entendis ta mère pleurer. Elle répétait qu’elle quitterait la maison si on lui prenait son ïls. Des années plus tard elle t’expliquerait que l’inconnu avait été envoyé par tante Qamar, sœur de Ba Sellam, ton père. Nezha était son vrai nom. Elle fut rebaptisée Qamar par le roi. Elle vivait au Palais Royal depuis l’âge de neuf ans. Pour te voir plus souvent elle voulait t’inscrire au Collège Royal. Dans la même classe que le cadet des princes. Elle te donnait, répétait l’homme venu voir tes parents, le bonheur et le luxe d’habiter au Palais. Parmi les princes et les princesses. Mais ta mère avait réussi à convaincre Ba Sellam que leur ïls vivrait mieux chez eux ou chez sa grand-mère que nulle part ailleurs. Tante Qamar en fut très déçue car, comme on le disait souvent dans la famille, elle t’aimait. Avec le temps tu voulais en savoir plus sur cette tante mystérieuse. C’est tout ce que tu obtenais à chaque fois de ta mère : tante Qamar ne pouvaitni se marier ni avoir d’enfant ni voir sa famille quand elle le désirait. A l’exception de sa mère qu’elle recevait même au Palais Royal. Jusqu’à sa mort trois mois après celle du roi elle n’aura vu ses frères et sœurs que très rarement. Quatre ou cinq fois. Toutes pendant ton adolescence. Ce fut à chaque fois dans ce somptueux salon du Palais Sidi Babi. Situé à quelques mètres du Palais Royal. Elle arrivait dans des habits scintillants répandant des
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parfums capiteux. Elle était belle. Mais son large sourire ne pouvait dissimuler la tristesse de son regard. Tu devinais derrière l’élégance et la gaieté qu’elle dégageait une solitude profonde, un destin brisé. La conversation se limitait aux banalités. De temps en temps Qamar prenait les adultes dans ses bras et embrassait les enfants. Elle te serrait contre son ventre. Te caressait les cheveux en contemplant longuement ton visage. Elle offrait des cadeaux puis, accompagnée de ses collègues, disparaissait dans une voiture noire à verre fumé. Tu ne tardas pas à comprendre que ces femmes faisaient partie de la propriété privée du sultan. Jusqu’à présent tu ne comprends toujours pas comment il se fait que, de l’âge de dix-sept ans à sa retraite, ton père n’était qu’un miséreux coursier alors que sa sœur était honorée par le roi du Maroc pendant toute sa vie.
Le souvenir de tante Qamar fait partie de cette enfance où madame Tobi t’a souvent obligé à puiser des odeurs et des bruits que tu croyais à jamais éteints. Mais la question est plus obsédante que jamais : à quoi sert ta psychothérapie si depuis presque trois ans tu n’arrives toujours pas à dire à ton médecin qui tu es ? Jusqu’à quand continueras-tu de taire cette histoire qui te mine la mémoire ? L’histoire de cet homme que faute de mieux tu appelles Le Néant. Et de celle qu’il engrossa un jour. Cette femme au prénom à la fois limpide et parfumé,
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évoquant autant le frisson des eurs que la cruauté de la mort. Tout ce que tu as conïé jusqu’à présent à madame Tobi est à la fois vrai et soigneusement lavé de la vérité. Pour nier l’existence du Néant, tu as falsiïé tes liens avec ceux que tu évoques. Dévié les évènements vers des issues apocryphes. Gommé des noms que pourtant tu entends résonner en toi toutes les secondes. En vérité l’histoire du Néant n’a pas d’effet sur ta mémoire. Elle est logée dans la moelle de ta vie. Une ecchymose indélébile quoiqu’indolore. Mais certains jours elle rejaillit de nulle part pour se répandre autour de toi comme une tornade subite. Exhumée à chaque fois par quelque culpabilité qui se dresse dans le présent de ta chienne de vie. Voici que ce matin le regard sans visage du Néant ressurgit, plus tenace et plus précis, pour contempler les images qui déïlent dans ta honte. De loin, de nulle part, il ïxe ta nudité risible. Forniquer dans ton bureau ! Tu jures de ne plus retomber dans ces bassesses mais, pire encore, ça fait plus de deux mois que tu n’as pas mis les pieds au ministère. Depuis ton retour de Fès et le compte rendu des séminaires régionaux. Tu sens monter en toi une peur vague puis asphyxiante. Elle se resserre tel un python autour de ta poitrine. La peur d’être anqué dehors.
Où iras-tu si tu ne vas pas au travail ? Va au ministère ! Ne serait-ce que pour que quelqu’un
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