Triptyque marocain
174 pages
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Triptyque marocain , livre ebook

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Description

« Pourquoi a-t-il voulu m'aider ? Je n'étais pas un Marocain, pas un Arabe. Et par la suite, il ne m'avait pas oublié, il avait parlé de mon malheur à sa femme, il avait espéré un miracle pour que mon épouse guérisse. Et après le décès d'Alice, il a voulu me présenter ses condoléances et m'offrir son aide. Pourquoi ? Tout simplement parce que j'étais un être humain comme lui, parce que j'étais son frère. En regardant défiler tous ces livres, je sentais qu'il n'avait pas voulu obéir à un précepte de l'islam, à un vers du Coran, à une règle de la charia. Je sentais que la pensée d'Ahmed devait planer bien plus haut, bien au-delà des religions et leurs dogmes et leurs lois “divines”. L'ensemble de tous ces livres sur le Coran et la Bible, l'islam et le christianisme, le déisme, l'athéisme et l'agnosticisme, réunis dans une seule bibliothèque, révélait à mes yeux non pas un croyant ou un fidèle, mais un chercheur. Un homme qui refuse de trancher. Un homme qui cherche. Un homme qui sait qu'il ne sait pas. Un agnostique comme moi. Un frère. » Une jeune femme demande conseil à son père après être tombée enceinte de son copain marocain ; il l'oriente vers un ami d'enfance qui lui contera son expérience malheureuse avec celle qui devint sa femme... Lorsqu'un Belge se fait dépanner sur la route par un jeune Marocain, ni l'un ni l'autre n'aurait pu se douter qu'ils allaient devenir de vrais frères... Les liens qui unissent une fillette musulmane à son agneau adoptif vont amener la famille entière à devenir végétarienne... Qu'est-ce qui nous sépare, nous rapproche, nous unit ? En se penchant sur la religion et la culture musulmane, c'est tout en nuances que l'auteur de Rebecca explore de nouveau notre société, ses pièges, ses surprises et ses trésors, dans toute sa diversité.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 octobre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342056495
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Triptyque marocain
Andreas Rosseel
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Triptyque marocain
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
 
Le Piège
 
 
 
En souvenir de Leila et Ali,
 
J’étais affalé dans mon fauteuil, relax, et le CD venait de s’arrêter. Le Boléro de Ravel. Mon disque préféré pour illustrer et compléter un moment de détente.
J’avais de nouveau quarante ans de moins. Dix-sept ans et quelques mois. C’était à la caserne Dailly à Bruxelles. L’ophtalmologue me regardait un peu étonné. « Mais mon pauvre garçon, vous êtes aveugle ! »
C’était la fin du monde. J’étais en dernière année de l’enseignement secondaire, mais pendant des mois je m’étais préparé à ces différents examens physiques et de culture générale organisés par l’armée de l’air, et je les avais réussis avec brio. Les tests psychologiques devaient être bons également, puisqu’on m’avait convoqué pour les examens médicaux. Le tout premier médecin à affronter était celui des yeux. D’abord les couleurs. Des feuilles remplies de petites taches de toutes sortes de couleurs entremêlées, parmi lesquelles il fallait distinguer des chiffres ou des lettres. Excellent, fiston ! Ensuite la vue. Lire des lettres en noir de dimensions de plus en plus réduites projetées sur un mur blanc. Trois fois on avait dû agrandir les lettres avant que je parvienne à les lire !
Depuis des années, je voulais devenir pilote. J’étais convaincu que rien n’allait pouvoir m’arrêter. Mes parents m’avaient mis en garde. « Attention de ne pas trop négliger ton travail pour l’école. Ton diplôme d’homologation est plus important que ces tests pour l’armée. » Mais autant prêcher un sourd. J’étais déjà très têtu enfant, et en grandissant cela ne s’était pas amélioré. Rien n’allait m’empêcher de réaliser mon rêve ! Je serai pilote et rien d’autre !
Aveugle ! Mon père n’était pas tellement étonné car je lisais jour et nuit. Mais aveugle ! Il est vrai que j’avais une légère myopie de zéro virgule quelque chose sur l’œil droit, mais cet imbécile de toubib militaire me traitait d’aveugle !
Par la suite, un médecin civil, sérieux et normal, qu’on avait consulté par acquis de conscience et pour me tranquilliser, m’avait même déconseillé de porter des lunettes et avait essayé de me consoler. « Ne vous en faites pas, jeune homme. Vos yeux sont bons, tous les deux. Le problème, c’est que l’armée recrute toujours en fonction de ses besoins. Pour le moment, ils ont énormément de candidats parmi les anciens pilotes de guerre, dont ils ne savent que faire et qui sont prioritaires. Vous n’avez aucune chance, à moins d’avoir un père colonel ou quelque part un général dans la famille. Il vous reste l’aviation civile. Mais les études sont très difficiles. Pour réussir, il vaut mieux avoir un degré universitaire, d’ingénieur de préférence. Mais vous pouvez également essayer de devenir très riche et vous acheter votre propre avion personnel, suivre ensuite quelques semaines de cours de pilotage afin d’obtenir votre brevet qui vous permettra de piloter votre avion personnel. »
S’il voulait blaguer, je la trouvais plutôt mauvaise. Et pendant des semaines, je sentais un petit pincement au cœur chaque fois que je voyais ou entendais un avion au-dessus de ma tête.
Je pense même qu’après mon service militaire dans les blindés, j’ai voulu enseigner au Congo plutôt qu’en Belgique, principalement parce que j’allais pouvoir voler au Congo en avion de la Sabena 1 . Pendant mes onze années de Congo, j’ai donc pu voler plusieurs fois, pendant de longues heures, de jour comme de nuit, en DC3 au début avec plusieurs escales, puis en DC4, et finalement j’étais convaincu que mon rêve de jeunesse brisé n’était pas la fin du monde. Loin de là ! J’ai vite senti et compris que j’étais plus fait pour enseigner la littérature française que pour piloter un avion de chasse comme aviateur militaire, ou un avion de ligne à la Sabena.
J’étais convaincu que j’avais choisi un des plus beaux métiers du monde, et que piloter un avion, même un F16, devait à la longue devenir une routine un peu monotone, comme conduire un bus ou un tram, comparé à une profession qui me permettait chaque année de découvrir de nouvelles têtes de jeunes, et de déterminer dans une large mesure moi-même le choix de mes écrivains et poètes et de mes œuvres littéraires préférées.
 
Soudain, on sonna à la porte.
Je regardai ma montre. 22 h. Qui pouvait-ce bien être à cette heure tardive ? Une voix bien connue à l’interphone.
— Allo Papa ? C’est moi, Nathalie. Est-ce qu’il n’est pas trop tard ? Tu ne comptais pas encore aller dormir ? Est-ce que je peux monter ?
Je voyais directement qu’elle avait pleuré.
Ma plus jeune fille avait toujours été très indépendante. Nos relations étaient bonnes, mais elle n’avait que rarement – et rarement est plutôt un euphémisme – besoin de mon aide ou de mes conseils, ou de me parler à cœur ouvert de sa vie privée. Je savais qu’elle fréquentait un Marocain depuis deux ans environ, mais je ne l’avais jamais rencontré. La seule chose que je savais, c’est qu’il se prénommait Akim et qu’il avait le même âge qu’elle.
Parfois, je m’étais demandé pourquoi cette réserve. Elle devait très bien savoir que je n’étais aucunement raciste. Après onze années de Congo où j’avais eu les meilleurs rapports avec les Africains en général et avec mes élèves en particulier – par la suite certains m’ont d’ailleurs rendu visite en Belgique et logé chez eux – j’en avais fourni suffisamment la preuve. Et surtout après que ma fille aînée avait eu une liaison temporaire avec un étudiant en médecine Sénégalais qu’elle amenait parfois à la maison et avec qui je m’entendais fort bien, nous avons même joué quelques fois aux échecs ensemble, Nathalie savait donc que j’aurais reçu son Akim les bras ouverts comme j’avais fait jadis pour le Sénégalais Kassoka.
— Papa, je suis enceinte .
Je m’étais attendu à tout sauf à cela. Le fait n’avait pourtant rien d’exceptionnel après deux années de fréquentation assidue.
Pris au dépourvu, je ne savais pas bien comment réagir. Étonnement ? Joie ? Condoléances ? Spontanément j’aurais opté évidemment pour les félicitations d’usage. Mais il y avait ses beaux yeux bouffis et rouges d’avoir pleuré !
— Ah ! Et es-tu contente ?
— Pas spécialement. Je pensais même m’en défaire. Mais je voulais d’abord te parler pour avoir ton avis.
Je pense bien que c’était la première fois de sa vie qu’elle sentait le besoin de demander mon avis. J’en étais heureux en quelque sorte tout en restant prudent.
— Et qu’est-ce que ton fiancé en pense ?
— Mon fiancé ? Si seulement c’était vrai qu’il fût mon fiancé ! Cela fait maintenant presque deux ans que nous nous connaissons. Je l’aime beaucoup et cela fait des mois que je lui demande de me présenter à sa famille. Il a trois frères et deux sœurs, tous plus âgés que lui. Mais je ne les ai jamais vus et il n’a jamais voulu que je les rencontre. Il m’a toujours dit que c’était encore trop tôt, qu’il devait bien préparer le terrain, que cela demandait du temps, que ce ne serait pas facile, qu’il y avait plusieurs obstacles, etc. etc.
Mais maintenant que je suis enceinte, je lui ai dit qu’il était grand temps de me présenter à sa famille.
— Est-ce qu’il était content que tu sois enceinte ?
— Je ne sais pas, Papa. Je ne sais plus. Au début, je pensais qu’il était vraiment content. Mais après, cela a changé un peu. Il semblait moins heureux, plus hésitant. Et hier soir, il m’a parlé ouvertement. Comme il n’osait pas parler de moi à ses parents, il a tout raconté à son grand frère. Akim est le dernier de six enfants. Ahmet, le plus âgé des enfants, est en quelque sorte responsable d’Akim, après son père bien sûr. Ils ont discuté pendant toute la nuit presque, lundi passé. La conclusion, c’est que jamais il ne pourrait m’introduire dans sa famille, même si je devais avoir un fils de lui. Ce serait le déshonneur et la honte pour ses parents et toute la famille et toutes leurs connaissances de près et de loin, et jamais ses frères et sœurs m’accepteraient. S’il m’aimait tellement comme il disait, et qu’il ne saurait pas vivre sans moi, la seule solution était qu’il se marie le plus vite possible avec une vraie Marocaine musulmane, et qu’il fasse de moi sa concubine, logée dans un appartement connu de lui seul et où il pourrait venir me voir régulièrement. Telle fut le conseil définitif de son frère aîné Ahmet. Akim m’a dit que je devais essayer de le comprendre. Il dit qu’il aime bien ma belle crinière noire flottant au vent, qu’il supporte que je fume bien que ce soit mauvais pour la santé, que je boive des boissons alcoolisées avec modération. Mais il dit que tout cela est à titre personnel et que sa famille est sacro-sainte pour lui, et que ses parents n’accepteraient jamais qu’il épouse une non-musulmane qui fume et qui boit par-dessus le marché et qui mange du porc et n’importe quoi, que toute sa famille me considérerait comme une chienne infidèle, une créature diabolique. Rien de moins !
Tout ce que ma fille m’avait raconté me semblait clair et évident, allant de soi. Si la famille d’Akim était musulmane, croyante et pratiquante, je savais que leur mariage serait quasi impossible, sauf si Nathalie se convertissait à l’islam. Mais même dans ce cas, avec son éducation athée et ses conceptions féministes co

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