Treizième mois et douze autres nouvelles du sud
148 pages
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Treizième mois et douze autres nouvelles du sud , livre ebook

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Description

Que se passe-t-il dans le Sud de la planète pendant les douze mois de l'année ? À quoi rime ce cocktail explosif de leurres, de heurts et de pleurs ? Que sommes-nous en droit d'espérer de tous ces marginaux privés de leurs droits les plus élémentaires ? Lorsque la prédation émerge à l'état de culture, la nécessité d'un treizième mois s'impose. S'il n'existe pas dans notre calendrier, il faudra certainement le créer, il doit exister, n'importe où, et surtout, il devra se pérenniser.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 août 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342054392
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0064€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Treizième mois et douze autres nouvelles du sud
Christian Tiako
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Treizième mois et douze autres nouvelles du sud
 
 
 
 
Préface
 
 
 
« Tracer son sillon… »
Le nombre 13, dans bien de cultures, fait l’objet de toutes les peurs, superstitions et fantasmes, de l’Antiquité à notre monde rationaliste et positiviste. Si « Mem », la 13 e lettre de l’alphabet hébraïque, désigne la mort, le treizième convive du célèbre repas de la Cène réunissant les 12 apôtres, Judas symbolise quant à lui, la trahison et les souffrances de Jésus-Christ. On se souvient d’ailleurs que Philippe II de Macédoine qui ajouta sa statue à celle des 12 Dieux, fut tué peu de temps après. Aujourd’hui, pour un salarié, le treizième mois est un élément de rémunération connu et envié par ceux qui n’en bénéficient pas. Les personnages et l’action des nouvelles que l’on va lire semblent, à bien des égards, sous l’influence de prédéterminations souvent funestes.
Organisé selon un mode proche de celui du calendrier grégorien, le cycle « du sud » commence au mois de septembre et non en janvier, comme le modèle judéo-chrétien. Il se termine, en plus, après le mois août, dans un non-lieu diachronique/temporel, le « 13 e mois ».
S’il est des choses que les créatures de Tiako ont en partage, c’est bien cette inquiétude quasi métaphysique, à la fois cause et conséquence de l’anxiété face à un Néant avéré ou non, mais très prégnant et oppressant. Il en est ainsi de Kendira et Souley, « fer de lance » d’un État exsangue mis en pièces à l’Opinel par des « charognards jamais satisfaits de leurs gains ». Fraîchement admis au baccalauréat, les deux jeunes se trouvent confrontés à des procédures d’admission dont les règles sont connues des seuls initiés. L’université d’État qui est supposée les accueillir, elle, ressemble fort à une réserve faunique à l’abandon où règne une horde de chacals et d’hyènes arborant des visages humanoïdes. Ces peurs et angoisses cataleptiques habitent tout aussi Akam, Obam, Fofana et tant d’autres naufragés qui, suite à une violente tempête de sable, ont perdu tout viatique et errent sans espoir dans un désert au sommet de son inhospitalité.
Par-delà ces impressions plus ou moins confuses ou métaphysiques, la misère abjecte, la trahison de l’État ou des individus et l’absurde traversent, de part en part, le recueil des nouvelles. Il en est ainsi de l’univers proprement fou où se débat Diwouta. Ce brave professeur de lycée de « brousse », handicapé de surcroît et qui a longtemps servi la nation dans les coins les plus inhospitaliers de la République, se trouve incapable d’inscrire son propre fils dans un lycée public de la ville où il vient d’être muté. Monsieur Super, le bien nommé proviseur « providentiel », ne traite pas seulement son « collègue » et ancien camarade de classe avec un mépris souverain. Il foule aussi au pied les instructions de son propre ministre qui font obligation aux responsables d’établissements publics d’admettre les rejetons des enseignants mutés sans condition. D’ailleurs, la réglementation des services sociaux de l’État lui enjoint d’accorder la priorité aux familles de personnes handicapées. Dans son « royaume » (c’est ainsi qu’il désigne lui-même son lycée), seul le discours des espèces sonnantes et trébuchantes évite à tout dossier d’être « maigre, indigne d’intérêt, complètement inutile ».
L’hôpital Bonnemort qui est, en fait, bien plus un mouroir qu’un centre de soins, mérite, quant à lui, le premier prix de l’absurde. À l’image du commissaire de Trop de soleil tue l’amour qui interdit toute enquête à ses « éléments », le médecin-chef tient ici plus du chef de gang que de tout (autre) responsable. Ceci expliquant sans doute cela, les soins y rappellent plus la boucherie que toute autre activité. Le personnel médico-sanitaire, plus proche des équarrisseurs que des soigneurs, opère sans anesthésie les patients dont les hurlements font penser aux tableaux macabres de l’enfer. Dans l’univers apocalyptique de Tchami, de Ngonda, de Baba, de Mbem, de Djeukam, de Pem, et de tant d’autres malheureux, où « soixante pour cent de jeunes âgés entre vingt et quarante ans » sont maintenus hors des circuits de production et de consommation, les rêves, même les plus légitimes, tournent systématiquement au cauchemar, rattrapés par une réalité hostile.
Talla, qui voit enfin son ambition de fonder une famille et de se bâtir une maison « en dur » s’envoler quand un banquier sans pitié vient saisir le fruit de tant d’années de privation, termine ainsi sa course existentielle sur un étal de fortune dans un quartier malfamé, abandonné de tous. Si le jeune Tchami, dont le destin ressemble à celui de Philippe II de Macédoine, lui, convole en justes noces avec la ravissante Tcheuffa, après moult hésitations compréhensibles, c’est pour disparaître à tout jamais dans la forêt, à l’apparition de « celui qu’on n’attendait plus ».
Des populations que plus aucune rationalité ni lucidité ne semblent ainsi à même de convaincre constituent une proie de premier choix pour tous les vendeurs d’illusions. Le « pasteur » Bouli saigne ainsi à blanc des miséreux moralement et financièrement dans le marasme, « au nom de Dieu » ; alors que de jeunes élèves, eux, ne jurent plus que par le prétendu « stylo magique » pour être reçus aux examens.
Même les simples songes ne vont jamais jusqu’à leur terme, tant qu’ils ne sont pas des cauchemars. Baba, un locataire insolvable parce que sans emploi qui, en l’espace d’un songe diurne, mène une vie normale, avec un travail décent qui lui donne droit à un « treizième mois » et une habitation convenable, est vite réveillé par son épouse, à la demande du bailleur venu l’expulser de sa masure… Au bout du compte, un destin funeste semble mâtiner, au quotidien, l’existence de nombre de créatures de la quatrième fiction écrite en langue française de Christian Tiako.
Toutefois, dans ces environnements qui rappellent, ceux de Camus ou de Kafka voire de Racine et dont les hôtes sont des versions contemporaines de Sisyphe, émergent quelques fois, quoique de manière fictive, des êtres et des situations qui font croire que l’espoir reste permis dans ce bas monde. Il en est ainsi de ces infirmiers qui sauvent une adolescente d’une mort assurée, suite à un avortement clandestin qui a mal tourné. La Grand-mère Djague, elle, essaie, avec une patience du héros du mythe évoqué à l’instant, de perpétuer une tradition salutaire menacée par le vandalisme culturel d’une communauté en perte de repère. On l’aura compris. Le Treizième mois… peut se lire comme l’histoire d’une Afrique qui a mal à sa postcolonialité et à sa modernité.
Sur le plan de la forme, les dernières nouvelles en date de Christian Tiako sont d’une lecture facile et agréable. Vous n’y trouverez sûrement ni la flamboyance langagière de Temps de chien d’un Patrice Nganang ou même de Trop de soleil tue l’amour de Mongo Beti, ni même l’impétuosité discursive des Vins aigres d’un Gabriel Kuitche Fonkou ou de Les Soupçons de la fraternité d’un P.-C. Ombèté-Bella. Pourtant, à elle toute seule, la titrologie du recueil mérite toute une sémiotique : « Septembre fou », « Poissons d’avril », « Mai fiévreux », « Treizième mois », etc. Un certain nombre de toponymes, d’anthroponymes et d’odonymes, eux, attirent l’attention : Hôpital Bonnemort, Monsieur Super, Docta, Kivou, Koukoulou-dipito. Des agents de premier plan de l’histoire autant que des théâtres de l’action d’importance volontairement laissés dans le plus complet des anonymats ne peuvent laisser indifférent un lecteur attentif.
Évoluant ainsi à côté des modèles d’écriture camerounaise et africaine établis, Christian Tiako continue, avec cet autre opus, de tracer son sillon personnel, tout doucement…
Professeur Pierre Fandio Groupe de Recherche sur l’Imaginaire de l’Afrique et de la Diaspora Université de Buéa, Cameroun
 
 
 
Septembre fou
 
 
 
Un autre septembre s’était pointé dans la cité. Pour certains, les vacances n’avaient finalement été que trop brèves pour permettre à tous de cogiter sereinement sur les multiples engagements liés à ce mois crucial pour l’avenir du pays. C’était à cette période de l’année que tout se jouait pour une importante frange du fer de lance de la nation. Il fallait renouer avec les habitudes studieuses. La réalité des mois de juin et de juillet rattrapait systématiquement les élèves, qui connaissaient bien évidemment des fortunes diverses. Les parents quant à eux, étaient les principales victimes de ce mois tortionnaire déterminé à ôter le sommeil à tous, sans exception. C’était à l’intérieur des sanctuaires du savoir, collines du savoir, vallées du savoir, bref toutes ces institutions de l’enseignement primaire et secondaire qui avaient pour dénominateur commun le savoir, qu’échouaient toutes ces âmes tirées de leurs draps respectifs de très bonne heure, pour faire la queue d’un rang démesuré. C’était à croire que certains d’entre eux avaient choisi de passer la nuit à la belle étoile, en guise de nécessaire sacrifice, pour s’adjuger une place acceptable dans cette file sans fin de personnes, quoique de cette place, ne dépendait pas forcément l’issue de ces insupportables transactions de septembre à rendre fou.
Un qui sacrifiait à ce rituel, ce fut bel et bien Diwouta, ce bonhomme qui piaffait d’impatience devant le cabinet de monsieur Super. Il y avait déjà trois semaines que la rentrée scolaire était

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