Tomber
75 pages
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Description

Tomber raconte le délabrement d’une famille cubaine qui partage pourtant le même espace. Au pays, la faim et la privation agissent comme un détonateur. Le père communiste, la mère gravement malade, la fille résignée et le fils rancunier deviennent tous des ennemis méconnaissables, même si aucun d’entre eux ne comprend vraiment comment et pourquoi cela est arrivé.
Tomber pose un regard frais et actuel sur le Cuba contemporain pétri de contradictions.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 juin 2022
Nombre de lectures 11
EAN13 9782897128388
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Table des matières Couverture Citation Mémoire d'encrier Page de demi-titre Collection Voc/zes À propos de l'auteur Page de titre Dédicace Note du traducteur Épigraphe Un Le fils La mère Le père La fille Deux Le fils La mère Le père La fille Trois Le fils La mère Le père La fille Quatre Le fils La mère Le père La fille Cinq Le fils La mère Le père La fille Page de copyright Imprimé Couverture arrière
Points de repère Couverture Page de titre Un Imprimé Page de copyright
Répertoire des pages Couverture 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153 154 155 156 157 158 159 160 161 162 163 164 165 166 167 168 Couverture arrière
C’est une chambre de cinq mètres carrés où tout le monde est indistinctement ami et ennemi, voire ami et ennemi de soi-même.
1260, Rue Bélanger — Bureau 201
Montréal, Québec H2S 1H9
info@memoiredencrier.com
memoiredencrier.com
Tomber
Collection Voc/zes
Collection
Voc/zes
Tomber de Carlos Manuel Álvarez est le deuxième titre de la collection Voc/zes , dirigée par Marc Charron.
La collection Voc/zes se veut le carrefour des voix littéraires nouvelles de l’Amérique latine, du Río Grande au nord jusqu’à la Terre de Feu au sud, en passant par la Caraïbe hispanophone et le sous-continent brésilien.
Mémoire d’encrier prend acte de ces voix en s’engageant à les traduire pour mieux les donner à entendre. Les auteurs et autrices publiés dans la collection Voc/zes sont là pour rappeler qu’il existe une autre façon américaine, une façon autrement américaine, d’exprimer l’appartenance à notre vaste continent.
Voc/zes , l’espace où s’amplifient les voix littéraires de l’Amérique latine d’aujourd’hui.
Dans la collection
Maisons vides (roman)
Brenda Navarro (traduit par Sarah Laberge-Mustad)
Tomber raconte le délabrement d’une famille cubaine qui partage pourtant le même appartement. Au pays, la faim et la privation agissent comme un détonateur. Le père communiste, la mère gravement malade, la fille résignée et le fils revanchard deviennent tous des ennemis, même si aucun d’entre eux ne comprend vraiment comment et pourquoi cela est arrivé.
Né à Cuba en 1989, CARLOS MANUEL ÁLVAREZ est considéré comme l’un des meilleurs écrivains latino-américains de la relève. Il est l’auteur de deux romans à succès, dont Los caídos ( Tomber ) et Falsa guerra qui paraîtra chez Mémoire d’encrier.
ERIC REYES ROHER enseigne la traduction comparée à l’Université de Strasbourg et a notamment traduit Marta Orriols, Gabi Martínez, Nacho Carretero et Sergio del Molino.
Carlos Manuel Álvarez
Tomber
Traduit de l'espagnol (cuba) par
Eric reyes roher
À Rafael Alcides (1933-2018), prince éternel, fiancé du monde.
Entre 1991 et 1994, à la suite de l’effondrement de l’URSS, le régime cubain se retrouve totalement isolé sur la scène internationale. Confrontés à une violente crise économique qui les prive de tout, les habitants de l’île vivent alors les heures les plus sombres de leur histoire récente. Qualifiées par les autorités de « Période spéciale en temps de paix », ces années demeurent pour beaucoup les plus dures de leur existence.
(Note du traducteur)
On a tous un foyer. C’est toujours là que les choses tournent mal.
Philip Roth
Un
Le Fils
Je téléphone à ma mère pour savoir si elle est tombée, elle dit que non. On laisse planer le silence. Je sais très bien ce qu’il en est à cette heure-ci. Impatiente d’aller couvrir les haricots, agacée face à une poubelle pleine à ras bord que personne ne se soucie de vider, affligée à l’idée que les vieilles fenêtres en bois de la chambre continueront de pourrir jusqu’à la fin de ses jours.
Je vais bien, je t’assure, dit-elle. Elle n’a pas fait de malaise, pas eu de vertige, elle a pris ses cachets à la bonne heure. Du plafond pendouille la lumière jaune d’une ampoule incandescente. Nous autres soldats nous liquéfions, de même que les colonnes en ciment éclatées et les bancs en pierre, la clôture rouillée et les nervures de la tôle, tous pareillement engouffrés pour quelques heures dans le gueulard de la nuit. Je lui dis au revoir, je raccroche, j’abandonne le poste de l’officier de garde et regagne le dortoir en traînant les pieds, les bottes délacées. La chemise hors du pantalon, le ceinturon accroché au cou.
Ils sont venus me chercher à la maison il y a quelques mois. Le service militaire est obligatoire à partir de dix-huit ans, mais il y a moyen d’y réchapper. Dans le quartier, certains s’en sont tirés grâce à leurs familles, qui leur ont dégoté une attestation avec je ne sais quelle maladie congénitale ou qui ont soudoyé la commission d’enrôlement. Avec un père raisonnable, moi aussi j’aurais pu éviter toute cette merde, mais à la maison personne n’ose évoquer un quelconque dessous-de-table ou la moindre entorse à la loi. Armando m’a annoncé que ça le rendait fier que je fasse mon devoir, comme lui en son temps. J’ai fermé ma gueule, mais je l’ai envoyé au diable. Armando ne s’en est même pas aperçu. Ma mère, si.
Je n’arrive pas à me défaire de ce souvenir, il semblerait même que je n’en aie pas vraiment envie. Comme une mouche que l’on chasse d’un revers de main et qui revient se poser au même endroit. Il ne me reste plus beaucoup de temps avant mon tour de garde. La crainte que ma mère ait pu tomber m’a fait perdre quoi ? Trente, quarante minutes ? Il n’y a pas que la distance entre le lit et le poste de garde. Il y a aussi tout le temps entre le moment où l’idée pointe et le moment où l’on décide de la mettre à exécution.
Tu voudrais te rendormir mais tu sens que tu n’y arriveras pas. Les guenilles du sommeil sont comme les roseaux auxquels tu cherches à te cramponner alors que l’insomnie t’entraîne dans son courant. Tu gardes les yeux fermés. Les autres soldats dorment eux aussi, et tu refuses de croire que tu es déjà éveillé, tu voudrais croire encore un peu que tu dors toujours et que tu ne fais que rêver que tu ne dors plus. Seulement, il y a bien quelque chose qui s’est mis en marche et qui t’échappe.
Tu pousses la porte en bois et prends soin de ne pas la faire grincer, tu n’as aucun intérêt à les réveiller. Tu voudrais surtout éviter de te prendre une botte à la figure, la baston, tu as déjà donné. C’est une chambre de cinq mètres carrés où tout le monde est indistinctement ami et ennemi, voire ami et ennemi de soi-même.
À vingt-deux heures trente les insectes s’agitent autour de l’ampoule jaune de la cour centrale, un bruit de fond qui enfle à mesure que l’aube approche. Tout ce qui pourrait mitiger le silence est pur bénéfice pour le soldat et sa santé mentale. Tu progresses le long du couloir, ton regard glisse sur les choses, ne fixe rien, comme si les objets et les formes, et les principes qui composent le monde, refusaient d’être examinés. Tu atteins le poste de garde, tu passes la main à travers la baie à deux battants, entre les barreaux rongés, et tu t’empares du téléphone sur le bureau.
L’officier de garde roupille, un noble capitaine sur le retour, comme tous les lieutenants ou capitaines ou lieutenants-colonels de cette brigade, pleine de mecs alcoolisés qui ont englouti leur jeunesse dans l’attente et la préparation d’une guerre qui n’est jamais venue, ou alors qui est venue sous une autre forme et qu’ils ont intériorisée et qui de l’intérieur s’est mise à les bouffer.
Tu fais le numéro de la maison, tu reconnais la voix de ta mère, tu décides de lui parler normalement, et ta mère te répond avec clarté. Puis, tu te figes un instant avant de regagner le dortoir. La chemise hors du pantalon, les bottes délacées, le ceinturon accroché au cou. Faudra prévoir un temps égal pour te rendormir. Tu ne comprends pas pourquoi certains jours ta mère te parle comme une attardée.
On met ça sur le compte de la maladie, mais qu’est-ce que ça veut dire ? Ça te retourne, cette femme qui par moments s’empare du corps de la mère que tu connais et que tu nommes toujours mère quand bien même il ne reste plus rien de la mère que tu as connue, sauf peut-être certains aspects physiques, et encore, parce que la laideur qui s’installe avec les chutes remplace, d’après ce qu’on te dit, le regard limpide de ta mère par un regard vague et soporeux ; la bouche d’habitude pleine de propos par une bouche racornie et crispée, plutôt une moue saugrenue ; la peau tiède et frémissante, comme peut l’être la peau d’une mère, par une peau blafarde et flétrie ; et le corps souple et trépignant par une masse informe et poussive, pour ne pas dire inerte, et qui n’est plus un refuge pour personne.
Une heure grand max avant d’aller monter la garde. Juste au-dessous du tympan te parvient la foulée boiteuse du cœur, comme si le cœur s’était logé dans l’oreiller, un crapaud dissimulé sous la taie. C’est un clappement pénible, mais c’est l’indice que tu commences à sombrer : l’ouïe se retourne et se met à écouter au dedans. Puis tu décèles quelque chose de très vague, comme une douleur aux articulations, une douleur devenue plaisante.
Tu ne cherches plus à t’agripper, tu te laisses emporter par les flots, tel un corps brisé, jusqu’à t’emmêler dans les roseaux ou te faire aspirer dans un tourbillon ou échouer sur un gué, et alors, ta dernière pensée c’est que ça y est, tu t’endors, et cette pensée, comme quoi tu t’endors enfin, sera ta dernière pensée, après tu n’auras plus rien dans la tête, puis, en effet, il n’y a plus rien.
La Mère
Je suis vivante et en culotte et j’ai le teint jaune. Recroquevillée sur le lit, les draps sales. Quand enfin je me lève je sens tous mes poils se hérisser. J’ouvre l’armoire, j’enfi

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