Tokyo Impérial , livre ebook

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J’emprunte tous les matins la voie piétonne pour atteindre la station de métro. C’est automatique, je n’y peux rien, le croassement tenace des corbeaux me ramène à toi, me ramène aux corneilles que tu aimais tant alors que tous les détestent. Rrrah, Rrrah, Rrrah. Papa, tu n’y es plus, les corbeaux sont toujours là et puis moi, j’aimerai toujours l’enfer des petits matins. Ça gueule, ça jase, ça raconte : Rrrah, Rrrah, Rrrah.
C’est ainsi que Johanna débute son roman de Tokyo. Un an après la noyade de son père, elle s’adresse à celui qui lui aura donné, dès son plus jeune âge, le goût du Japon. Mangas à la tonne, amour inconditionnel pour Hiroshima, cours de karaté… « Allez, ma grande », lui disait-il. Au Japon, en ce pays de grande culture et d’impermanence, Johanna se rapprochera chaque jour un peu plus de son père.
Après Moscou, Prague, Dublin et Paris, Tokyo sera également le théâtre des retrouvailles d’Étienne et de Johanna. En se donnant ainsi rendez-vous dans les grandes villes du monde, ce duo atypique renouvelle chaque fois la façon de s’aimer. À Tokyo, Étienne et Johanna vivront cette fois la douceur enveloppante, et ils remettront certaines choses en question.
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Publié par

Date de parution

09 avril 2013

Nombre de lectures

0

EAN13

9782764425336

Langue

Français

Littérature d’Amérique

Collection dirigée par Isabelle Longpré
Du même auteur

LA SUITE HÔTELIÈRE
Port-Alfred Plaza, roman, Éditions Québec Amérique, 2007.
• Prix Abitibi-Consol
Moscou Cosmos, roman, Éditions Québec Amérique, 2010.

Marcher le silence : carnets du Japon , (avec André Duhaime) Leméac, 2006.
• Prix Canada-Japon
Chemin de traverse , VLB, 2000.
Zone portuaire , VLB, 1997.
Orchestra , VLB, 1994.
• Prix Littéraire du CRSBP du Saguenay — Lac-Saint-Jean
Deux semaines en septembre , Les Quinze, 1991.
• Prix Robert-Cliche
• Prix de la découverte littéraire, Salon du livre du Saguenay — Lac-Saint-Jean
Tokyo Imperial
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Girard, André
Tokyo Imperial
(Collection Littérature d’Amérique)
Texte en français seulement.
ISBN 978-2-7644-2345-5 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-2532-9 (PDF)
ISBN 978-2-7644-2533-6 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Collection Littérature d’Amérique.
PS8563.I665T64 2013 C843’.54 C2013-940450-3
PS9563.I665T64 2013




Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.

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Les Éditions Québec Amérique bénéficient du programme de subvention globale du Conseil des Arts du Canada. Elles tiennent également à remercier la SODEC pour son appui financier.

L’auteur remercie le Conseil des Arts et des lettres du Québec pour son soutien dans la réalisation de ce projet.

Québec Amérique
329, rue de la Commune Ouest, 3 e étage
Montréal (Québec) Canada H2Y 2E1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Dépôt légal : 2 e trimestre 2013
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada

Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon
Mise en pages : André Vallée — Atelier typo Jane
Révision linguistique : Diane-Monique Daviau et Chantale Landry
Conception graphique originale : Isabelle Lépine
Adaptation de la grille graphique : Nathalie Caron
En couverture : © anzeletti / istockphoto.com
Conversion au format ePub: Studio C1C4


Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© 2013 Éditions Québec Amérique inc.
www.quebec-amerique.com
André Girard
Tokyo Imperial
roman
À OBATA Yoshikazu SATOMURA Kodai
Elle était contente. C’était une vie amusante. C’était comme si on eût joué à la vie.
Georges Simenon
1 S ANGENJAYA
J’ emprunte tous les matins la voie piétonne pour atteindre la station de métro. C’est automatique, je n’y peux rien, le croassement tenace des corbeaux me ramène à toi, me ramène aux corneilles que tu aimais tant alors que tous les détestent. R RRAH, R RRAH, R RRAH . Papa, tu n’y es plus, les corbeaux sont toujours là et puis moi, j’aimerai toujours l’enfer des petits matins. Ça gueule, ça jase, ça raconte : R RRAH, R RRAH, R RRAH .
J’aime baliser mon espace, à la ville, à la campagne et dans ma tête. Tu as toujours su, je suis géographique, je tiens ça de toi. Géographique, cartographique, topographique. Depuis toute petite, je veux savoir où je suis, je veux savoir où je vais. Sur la table de la cuisine, tu déployais la carte 1 : 50,000 en vert et bleu de ton territoire de pêche et puis moi, je m’obstinais à vouloir faire le compte des lacs, quitte à te tasser le coude. Tu souriais. Tu savais bien que je n’y arriverais jamais. Un jour, je suis partie étudier en Angleterre et tu venais me rejoindre en zoomant sur Google Earth . Alors viens, je t’emmène.
Tape T OKYO dans la fenêtre de recherche : la planète se met à tourner pour arrêter sa course sur la baie. Rapproche-toi maintenant de mon quartier en double-cliquant au centre du triangle Shibuya-Setagaya-Meguro. Stop ! Altitude de 1,5 kilomètre, on dirait une plantation de thé. C’est tout plein d’îlots d’habitations parcourus de venelles, comme autant de sentes donnant accès aux feuilles. Urbanisation à l’orientale, tissée serré. Aucun rapport avec Nottingham, aucun rapport avec New York ou Moscou. Trente-huit millions d’habitants sur un territoire équivalant à la grande région montréalaise, chaque mètre prend ici de l’importance. Maintenant, zoome et zoome encore : vois cette venelle au niveau du sol. C’est là où je vis : Casa Aregle C, avec des lycées partout dans les alentours.
Quartier à haute densité, tu ne peux pas savoir comme je m’y plais, et c’est un peu grâce à toi. Je m’étais quand même imaginé beaucoup plus de larges avenues. C’est le cas au centre, mais pas chez moi. Ici, à Setagaya, la plantation se fait intime, c’est d’un luxe inespéré. L’artère de service et l’ Expressway derrière moi, je retrouve deux cents mètres plus bas la tranquillité d’un village. Sonnette de bicyclette, menus travaux et choc d’ustensiles, vêtements séchant sur le balcon, chat errant sous les fleurs ou les arbustes.
Tokyo me libère, papa, Tokyo me fait du bien. J’y joue ici les rôles qui me plaisent et je m’éclate. Vis ton intensité de femme, me balançais-tu en guise de point final à nos discussions un peu trop corsées à ton goût, alors intense je suis. J’ai trouvé ma ville, celle où je me sens à la fois puissante et si légère. Les séries de mangas que tu m’offrais à la tonne y sont pour quelque chose, tu peux en être sûr. Je me fonds dans la foule de Ginza, dans celle de Shibuya ; je deviens personnage indestructible, femme inébranlable, mais où sont passés les illustrateurs, où sont donc confinés les scénaristes ? Pathétique ! Au mieux, ça me fait sourire. Je sais, je sais, je suis consciente que par ici on exploite au max ma force de travail, mais sache que ça se fait de façon agréable et jamais la déprime. Je travaille mes dossiers, j’y vais à fond, c’est tout ce qui compte. Grande liberté d’action, métro et trains de banlieue omniprésents. Vois comme c’est génial : je n’ai même pas besoin de sortir ma bicyclette pour me rendre au Globe Café 1 , bistro hors normes repéré quelques jours après mon arrivée. Lumineux, cinq minutes à pied de chez moi, il est tout le contraire de mon studio.

Globe Cafe
J’avais aimé le concept dès l’instant où j’y étais entrée. J’affichais ce jour-là une certaine timidité en visant la seule table disponible contre la fenêtre. J’étais l’intruse, l’effrontée venue forcer la porte d’un drôle de musée consacré aux silences. Construction de zone séismique, ça se voyait au premier coup d’œil. Étions-nous dans les anciens locaux d’une filature, y avait-il eu par ici les rotatives d’un journal, les presses d’une imprimerie ? Poutres boulonnées comme celles du pont de Québec, vert forêt, hauts plafonds peints en noir, standard latino allant bien avec la Tokyoïte au repos. Le Globe s’était imposé comme lieu rêvé pour ma première rencontre hors les murs avec Nao.
Ce dimanche-là — j’habitais alors le quartier depuis près d’un mois —, je me sentais d’attaque et j’agissais déjà en habituée. Il n’était plus question d’intrusion en un lieu interdit. À la table d’à côté, trois femmes étaient agitées d’un léger murmure. Trois femmes en congé d’homme. Toi, me suis-je dit en portant la tasse à mes lèvres, tu fais un petit peu trop mère de famille . J’imaginais son ado en train de donner son trop-plein d’énergie dans le grand gymnase du lycée. J’ai forcé la note en supposant qu’il jouait plutôt son rôle de branché dans le quartier fou d’Akihabara. Et puis toi, oui, toi au fin chandail bleu pastel, j’ai l’impression que ton mari est au stade de baseball ou dans un love hotel. Va savoir ! Je me plaisais à leur scénariser des vies parallèles quand la plus timide d’entre elles a adressé un sourire à la serveuse venue distribuer les cappuccinos, les truffes pralinées et les serviettes de ratine passées à l’eau chaude. Ra

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