TÊTE DE SERPENT
136 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

TÊTE DE SERPENT , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
136 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

C'est l'histoire d'un enfant noyé sous le ressac absurde de l'adoption, arraché à ses géniteurs pour servir de jouet à sa propre fratrie. Les feux que vont engendrer cette situation ouvriront les portes de l'enfer auquel il était déjà promis.... La haine défait les passions et décompose l'imagination. Je voulais enterrer mes blessures ou du moins les panser. Oublier. Oublier jusqu'à l'amnésie. Nécessité absolue de survie. Et à la manière de l'assassin qui retourne sur le lieu de son forfait, je tenais à la revoir, m'amputer de l'ulcère des souvenirs, m'autodétruire par le regard de celle qui avait fait de mes rêves un cauchemar éternel et de l'éveil un parcours éblouissant de ténèbres.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2013
Nombre de lectures 3
EAN13 9789954213193
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

TÊTE DE SERPENT
romanEditions
© Marsam - 2013
Collection dirigée par Rachid Chraïbi
6, rue Mohamed Rifaï (Place Moulay Hassan ex. Pietri) Rabat
Tél. : (+212) 537 67 40 28 / Fax : (+212) 537 67 40 22
E-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr
Site web : www.marsam-editions.com
Conception graphique
Quadrichromie
Impression
Bouregreg - Salé
Dépôt légal : 2013 MO 1470
I.S.B.N. : 978-9954-21-319-3Omar Berrada
TÊTE DE SERPENT
romanSommaire
Prologue 7
Khadija la première épouse de Sidi Mohamed 11
Les années grasses 19
Le voyage de Sidi Mohamed 25
Franco ou maître Cola-le-mangeur-de-colle 31
Sidi Mohamed et ses compagnons 39
Les années maigres 47
Youssef 55
L’enfant 65
Grand-père 75
Tamou 85
Les quatre plaies 93
La maison d’en bas 103
La maison d’en haut 113
Les autres années 125
Epilogue 133
Lexique 135Tourterelle, ma tourterelle
Yachar Kemal7
Prologue
Ce n’est certes pas à moi d’ignorer comment
on trousse une histoire. J’ai assez vécu
pour avoir les yeux au fond des orbites et le
cerveau ramolli à force de brasser des images
réverbérées par ma longue existence. Plus près
de moi ! Ecoute le murmure du temps et de son
incommensurable clapotis, goûte au miel des
mots : celui de tes aïeuls. Ceux-là même que
tu adules. Les aigles qui volent dans ton esprit
ne sont en fait que de vulgaires passereaux.
Ne fais pas cette tête ! La tribu qui se réclame
des agneaux est une bande d’hyènes mue par
l’odeur de charogne de ses semblables. Que
dis-je ? Pire que des carnassiers : notre famille
mon fls, porte perpétuellement le déguisement
du carnaval et sous leur masque d’or, ils
réclament les caresses dont ils affchent le
refus. J’ai eu le privilège d’être piqué par
leur dard : la cicatrice de l’âme est le pire des
tourments.
« Remue, remue dans tes souvenirs vieux ! Fais
remonter la vase de tes réminiscences. Vomis
tes tripes, broie tes os ». Ainsi me suis-je dit un Tête de serpent8
jour lorsque je me suis retrouvé seul avec mon
chagrin, seul avec mon corps fatigué.
Tire cette peau de mouton et assieds-toi. Dans
cette maison, chaque objet me transmet ses
pensées. Si tu savais ce que cette peau porte
comme fardeaux. Dieu ait pitié de Tamou,
elle vous aimait tant… La nuit est longue
petit…Chaque ride qui sillonne mon front est
un atome qui se combine à mes souffrances,
et chaque cheveu gris sur ma barbe hirsute
raconte mes joies passées. Si je regarde en
arrière, c’est pour mieux garder en moi le
parfum de cette terre, car qui sait si demain je
serai des vôtres. La mort et la vie sont deux
sœurs jumelles qui nous procurent des plaisirs
et des douleurs, et celui qui en a consommé doit
immanquablement payer. C’est ça la rançon de
l’existence.
Je radote ? Tu verras que mes rengaines ont
conservé des vertus. Mais qui ne s’use pas ?
La pierre la plus dure se polit, et toute rivière,
même la plus mince fnit par atteindre la mer.
Je suis à l’ultime cycle de mon destin, à la
saison où se fanent les pores de l’esprit : ma
jeunesse était un éternel ciel couvert de nuages
bas. Je te semble ténébreux et sombre comme
une lointaine galaxie avec des scintillements
d’étoiles vers lesquels il me faut braquer le
seul instrument d’optique dont je dispose :
celui de mes souvenirs. Il est impératif que tu
apprennes à respirer sans masque. Observe le
crépuscule, l’envol des papillons nocturnes, le
bec des mésanges, les mandibules du scarabée, Prologue 9
l’épine de la rose, la goutte de lait, l’ondée sur
les feuilles du bigaradier, le feu de l’aurore,
la danse du serpent, la roue du paon. Prête
ton attention aux cris des mouettes, à la voix
du muezzin et aux prières du rabbin, au rire
de l’orphelin. Plonge, plonge dans l’œil de
l’autre, mélange-toi à la sève des arbres, jette
ton nombril, éternue ton foie : tu sentiras les
douces émanations de la félicité.
Ecoute le bruissement des brindilles mortes
sur le sol humide, le cliquetis sur les barreaux
de la citadelle des justes, le vent caresser le
galbe des collines vertes, le chuintement de la
cascade profonde, le battement de ton être, les
gémissements qui montent de la terre.
Ouvretoi à ceux qui ont des vagues douces dans les
yeux et n’abaisse jamais la culotte à ces putains
d’adultes. Non ! Aujourd’hui, je ne suis ni ton
oncle, ni ton mentor… Aujourd’hui, je suis un
homme qui a un trop plein sur la poitrine : la
parole soulage.
Je t’ai choisi, car tu m’as l’air d’être celui qui
n’accepte pas qu’on le piétine, tu es de ceux
qui préfèrent l’exil au banc de sardines.
Ne t’offusque pas si ma langue bute, c’est un
organe sans os. Ote donc ce voile qui nous
sépare. Je te parlerai de Tamou, de Franco-le
mangeur-de-colle, de Malika-la-grand-mère et
de son maussade mari. Je te parlerai de
Dadal’esclave-affranchie, je te citerai des noms et te
révèlerai des secrets. Je t’ouvrirai des trésors
de verbes que jamais personne n’aurait osé
prononcer. Savais-tu que Khalti-le-mastodonte Tête de serpent10
était… Les pressés perdent toujours, la nuit est
à nous et tout récit bien mené doit passer par
un prologue.
Maintenant, es-tu capable d’entendre sans
m’interrompre ? Ferme la porte que ma mégère
ne se réveille.
Ecoute le vieux narrateur, petit, écoute !11
Khadija la première épouse
de Sidi Mohamed
Nous ne vivons jamais assez, car vois-tu mon
garçon, j’ai l’impression que tout cela est
arrivé hier. C’est pénible de voir au fond de
soi-même, de se lire, de dérouler les instants
doux et cruels de son passé. Les souvenirs
sont des coups d’épée destinés à la sanglante
vendange de l’humanité. Je me sens esseulé :
ma mémoire n’est meublée que de morts. Je les
vois, tous les jours que Dieu fait, rôder autour
de moi, me taquiner, me dire qu’il faut se
préparer à partir. L’heure approche, pourtant sa
connaissance est auprès de Lui, « il fait tomber
la pluie. Il sait ce que portent les entrailles des
mères ; il sait. L’homme ne sait point ce qui
lui arrivera demain ; l’homme ne sait pas dans
quelle plage il mourra. Dieu seul est savant et
instruit ».
Le Coran est le pur nectar des esprits à
l’antichambre de l’existence. La poésie
de ses versets ranime l’ombre effacée des
réminiscences.
Grand-père Brahim l’orphelin, fut marié à
l’âge de treize ans par son frère aîné Haj Hadi Tête de serpent12
à Malika qui a joué au cerceau des années
avant de connaître les menstruations. Malika,
encore une orpheline, dont la dot ne pesait pas
lourd, était un bon parti : bonne souche, sans
problèmes et forcément obéissante. Brahim
avait les yeux pas tout à fait mûrs et les pieds
légers : c’était pour cette raison que son frère
prit sur lui la décision de les lui alourdir.
Quoique lié par le mariage, grand-père courait
les flles et enflait les ruelles pendant que
mère-grand rêvait de Chahrayar, le prince
d’Orient et jouait aux poupées de chiffons.
Et lorsque grand-père Brahim eut un enfant,
son premier enfant, Haj Hadi lui donna un
nom : Sidi Mohamed, en souvenir du prophète,
que les saluts et les bénédictions soient
sur lui. Ensuite, il se l’appropria et déclara
solennellement qu’il en sera dorénavant le
tuteur. Car cet enfant, pour lequel le ciel
s’était obscurci et pour lequel l’étoile flait
à l’infni, cet enfant qui était venu au monde
enveloppé dans sa poche des eaux, à l’instar
des Messagers, devait être un jour un homme
hors du commun.
Grand-père n’avait et ne pouvait avoir le
courage de protester : il était inconcevable
qu’un cadet puisse s’insurger contre la volonté
de son aîné. Quant à Malika-la-grand-mère,
personne ne lui demanda son avis.
Sidi Mohamed l’épi des années grasses,
croissait sous l’ombre protectrice de Haj Hadi,
le célibataire endurci, qui l’initia aux fcelles Khadija la première épouse de Sidi Mohamed 13
du métier de marchand et lui offrit même une
échoppe aux portes du sanctuaire de Moulay
Idriss. Le neveu ne déçut nullement : il devint
vite un excellent vendeur de bois de santal et
de gomme arabique. Haj Hadi aurait pu être un
homme comblé si ce n’était la persistance de
ce vent chargé de doute qui lui transperçait les
fancs : il avait la hantise de perdre la prunelle
de ses yeux au point d’en perdre le sommeil.
Il s’en remit fnalement à son meilleur ami,
un professeur d’Al Quaraouine. L’imam lui
conseilla de marier sa flle au garçon. Comment
faire ? Je me délecte encore du bonheur
que me procure le célibat avait répondu Haj
Hadi. L’amour qu’il portait cependant à Sidi
Mohamed n’avait pas de limites : il était prêt à
aliéner sa liberté.
Il se résigna donc à parfaire sa religion. Avant
de consommer l’union, il ft le tour des grands
noms de la sorcellerie divine : ceux qui utilisent
la Parole Révélée et non celle de Satan, que son
nom soit maudit jusqu’à la fn des temps ! Et
c’est à peu près en ces termes que se déroula la
consultation :
« Suis la voie de la raison ! Pourquoi
t’acharnes-tu à vouloir une créature de sexe
féminin, pourquoi ? Aurais-tu perdu la tête ?
La flle est une source de soucis et une souillure
pour la famille. En outre, elle ne peut t’aider
à améliorer ta situation en ce bas monde.
Comment ?... Même si le Donateur t’a élevé
au-dessus de la foule, il te faut un homme sur
lequel t’appuyer le jour où tes pieds ne pourront

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents