Souvenirs et divagations
166 pages
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Souvenirs et divagations , livre ebook

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Description

Jev, figure emblématique du gâtisme limousin, a décidé, pour notre plus grand bonheur, d'écrire ses mémoires, à condition que la lecture en soit interdite à la racaille (c'est ainsi qu'il désigne les moins de 80 ans). Notre plaisir est cependant quelque peu gâché par les interventions incessantes d'Angie, son ange gardien qui, en vertu des instructions qu'il a reçu du Très Haut pour rétablir la vérité, s'ingénie à faire la part belle à ses insipides souvenirs, tout en fustigeant ses magnifiques divagations.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 mars 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342003321
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Souvenirs et divagations
JEV
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Mémoires d’avant-naissance
 
 
 
L’obscurité est totale. Je me réveille dans un cachot si exigu que je ne peux absolument pas bouger, bien que je sois entièrement recroquevillé sur moi-même. J’essaie de frapper sur la paroi qui m’entoure : aucune réponse : c’est l’horreur !
 
Eh bien, oui, je lève enfin le tabou concernant les souvenirs d’avant-naissance. Personne avant moi n’avait osé en parler, vraisemblablement parce que, profondément traumatisé par ce prélude à la vie, on veut l’exorciser pour le sortir de sa mémoire. J’espère que dorénavant, les scientifiques vont se pencher sur ce problème et le résoudre.
 
Qui n’a pas entendu le cri de délivrance du nouveau-né à l’ instant où il voit le jour !
 
Je ne sais pas si vous étiez comme moi mais, à défaut de pouvoir bouger et de voir, j’entendais parfaitement ce qui se passait autour de mon cachot et, chose curieuse, je comprenais parfaitement ce qui se disait autour de ma cellule !
J’ai très vite compris que j’étais prisonnier dans le ventre de ma mère, que j’avais cinq sœurs et que mon père désirait ardemment que je sois un garçon. Je ne pouvais évidemment pas lui annoncer la bonne nouvelle, mais l’unique avantage de ma position recroquevillée, était que je voyais parfaitement ce qu’il y avait entre mes jambes et qui était de nature à le satisfaire. Il aurait évidemment pu me dire de frapper un coup si j’étais un garçon et deux coups si j’étais une fille (méthode qui éviterait d’avoir recours à l’échographie), mais il n’y a pas pensé.  
 
Je pouvais donc suivre, jour après jour, les conversations de mes parents.
Mon père parlait souvent de son travail. Il était directeur d’une petite entreprise (une couperie de poils de lapin) dont son oncle était propriétaire : mon père connaissait parfaitement son métier et son oncle, rien du tout, mais il détenait tous les capitaux.
Un certain jeudi d’octobre, mon père est parti à Paris avec des instructions d’achats massifs de la part de son oncle. Arrivé à la bourse, il s’est tout de suite rendu compte que les cours étaient en train de s’effondrer et il s’est bien gardé d’acheter quoi que ce soit.
En fait, c’était le fameux jeudi noir, point de départ du krach boursier d’Octobre 1929 !
 
De retour, quand il a annoncé à son oncle qu’il n’avait pas obéi à son ordre d’achat, celui-ci s’est mis dans une colère noire et a pris à témoin son fils de l’intolérable désobéissance de mon père qui, en agissant de la sorte, avait très certainement sauvé l’entreprise de la faillite.  
Blotti au fond de mon cachot, j’entends encore mon père raconter à ma mère cette triste aventure.
Le plus étonnant c’est que, quelque 45 ans plus tard, mon père, vieillissant et plus très au courant des affaires m’a fait exactement la même scène, en prenant une de mes sœurs à témoin, parce que j’avais refusé de prendre une grosse commande, alors que je savais pertinemment que les cours allaient monter en flèche !
 
Si je vous raconte ça, c’est bien parce qu’il n’y a vraiment pas grand-chose d’intéressant à raconter sur cette terrible antichambre de la vie. Je ne pouvais même pas dénoncer mes sœurs quand elles faisaient des bêtises !
Je n’avais plus qu’à attendre, attendre, attendre….
Et puis, tout à coup, je me rends compte que quelque chose se passe. À intervalles réguliers, mon cachot bouge ; je pense tout naturellement à une secousse sismique de forte intensité et je commence à espérer que, si j’en réchappe, les murs de mon cachot vont s’écrouler, me ménageant ainsi une issue vers la sortie. Les secousses s’arrêtent, puis reprennent à une cadence de plus en plus rapide et, soudain, j’entrevois la lumière ! Un inconnu charitable m’aide à m’évader de ma prison : sauvé ! Je pousse un immense cri de joie :
J’ai la vie devant moi !!
Angie
Il m’est très difficile, voire impossible de me prononcer sur ses mémoires d’avant-naissance, pour la simple raison que mes fonctions d’Ange-gardien ne commencent qu’à la naissance.
 
Toutefois, si étrange que cela paraisse, il semblerait que ce soit véridique. Je me suis penché sur la question et tout ce qu’il raconte est exact.
 
Comment aurait-il pu le savoir s’il n’avait pas été témoin de ces événements ?
 
 
 
L’enfance d’un surdoué
 
 
 
Avant toutes choses, il faut absolument que vous appreniez à me connaître avec mes qualités et mes défauts.
 
J’ai trois qualités principales : une gigantesque paresse , une intelligence hors normes et une incroyable modestie .
 
Comme défaut, je ne vois guère que cette amabilité stupide, voire même cette admiration à l’égard des gens susceptibles de me rendre service, heureusement contrebalancée par un certain complexe de supériorité vis-à-vis des autres. Alors, me direz-vous, vous me méprisez, moi que vous ne connaissez pas ? Mais oui, très sincèrement, oui. Et puis, si vous n’êtes pas content, personne ne vous oblige à me lire !
 
Voilà, cette mise au point étant faite avec tout le tact qui me caractérise, nous pouvons reprendre le cours de mon histoire.
 
Donc, grâce au concours providentiel de la personne qui m’a aidé à m’extraire du ventre de ma mère (j’ai appris par la suite qu’elle était payée pour ça, ce qui diminue singulièrement son mérite), je me suis vu dès cet instant, officiellement catalogué dans la catégorie « êtres humains », signes particuliers : « garçon ».
 
Joie débordante de mon père, soulagement de ma mère qui pouvait envisager, dès maintenant, la possibilité de ne pas faire systématiquement un enfant par an.
 
À ce propos, il faut que je vous raconte une petite anecdote. Je vous ai dit à quel point mon père désirait avoir un garçon ; lors de la naissance de ma plus jeune sœur, mon père, comme c’était l’usage, n’était pas admis dans la pièce et rongeait son frein dans le couloir en priant le bon Dieu et tous les saints du ciel que ce soit enfin un garçon.
Et puis, tout à coup, la porte s’ouvre, la sage-femme apparaît, le suspense est insoutenable ! Alors, interroge mon père au paroxysme de l’angoisse ? C’est un garçon ! annonce-t-elle triomphalement, avant d’ajouter en voyant la joie débordante de mon père : poisson d’avril !
Mon père avait le sens de l’humour, mais là, il n’a pas apprécié du tout !
Mais revenons à moi, à mes qualités et mes défauts. Manque de chance pour moi, à l’époque, la paresse n’était pas considérée comme une qualité mais bien comme un défaut ! Oui, oui, vous m’avez bien compris : la paresse était un défaut ! Je sais, c’est difficile à admettre, mais il faut bien se mettre dans la tête que c’était, il y a très longtemps.
Quant à l’intelligence , le mot « surdoué » n’était pas dans le dictionnaire et le Q.I. n’avait pas encore été inventé : donc, on me considérait comme un être normal, sans plus.
Pour ce qui est de la modestie , on ne s’est jamais rendu compte autour de moi à quel point j’étais modeste.
 
J’ai donc souffert toute mon enfance de cette non-reconnaissance du fait que j’étais un être d’exception !
Il faut également que vous sachiez que dans la bonne bourgeoisie limousine, ça ne se faisait pas de parler avant l’âge de deux ans. C’était une question de savoir-vivre et j’ai dû ronger mon frein jusque là, comme tout enfant bien élevé, sans que mes parents puissent se douter que, dès ma naissance et même bien avant, je comprenais tout ce qu’ils disaient et qu’aussitôt sorti de ma prison, j’aurais pu converser avec eux et donner mon opinion sur les sujets les plus sérieux. Ils n’avaient donc aucune raison de me prendre pour un surdoué, d’autant plus que je lâchais, de temps en temps, histoire de donner le change, un « Areu, Areu » (mot toléré parce que non répertorié dans le langage d’adulte) et j’attendais fébrilement mon deuxième anniversaire.
 
Lorsque le jour fut venu, après avoir soufflé mes deux bougies, je me levai, je sortis de ma poche les quelques feuillets sur lesquels j’avais écrit mon discours que je déclamai devant les miens (je l’avais écrit en alexandrins, car je trouvais que l’importance de l’événement méritait bien ce côté solennel).
 
Réaction mitigée de mes parents, le trouvant un peu long (une demi-heure, il ne faut pas exagérer !).Le temps pour eux de bien se rendre compte, quand même, un peu mais sans plus, de mon niveau intellectuel. Je réalisai aussitôt qu’en faisant ce discours, j’avais joué avec le feu et que c’était une chance inouïe que mes parents ne se soient doutés de rien.
Je me trouvais donc devant un obstacle apparemment insurmontable : cacher mes qualités pour ne pas attirer l’attention sur moi ; je craignais en particulier que mes dons exceptionnels ne viennent aux oreilles des médias, détruisant totalement ma vie privée ainsi que celle de ma famille. Le challenge était énorme mais il ne me faisait pas peur et je mis tout en œuvre pour passer inaperçu.
En ce qui concerne l’intelligence , le résultat fut conforme aux prévisions : on me considéra dès lors comme relativement intelligent mais sans plus.
 
Pour la modestie , sans que j’aie le moins du monde besoin de forcer mon talent, le résultat dépassa de très loin mes espérances les plus folles : on me traita de prétentieux, de suffisant ; on me dit que je la ramenais tout le temps… etc. J’en rigolais intérieurement tellement c’était comique !
Mais pour la paresse , ce fut le bide total : on employa les termes les plus élogieux pour mettre en évidence cette qualité majeure : fumiste, cossard, bon à rien… j’e

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