Soléna d hier et d aujourd hui suivi de Le jour se lève à nouveau
112 pages
Français

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Soléna d'hier et d'aujourd'hui suivi de Le jour se lève à nouveau , livre ebook

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Description

Soléna d'hier et d'aujourd'hui À travers le regard et les souvenirs de famille d'une jeune fille d'aujourd'hui, l'auteur nous retrace l'histoire et le destin de Soléna, esclave sous les Tropiques en l'an 1800. Restituant ainsi, dans un contexte historique, les espoirs et le combat d'hommes et de femmes résolument déterminés à conquérir leur liberté et celle de leur descendance, il nous mène sur les traces d'une période sombre de notre histoire... En voyageant entre les Antilles et la Métropole, la nouvelle génération envisage positivement l'avenir, gardant en mémoire le courage de ses ancêtres. "Le jour se lève à nouveau" Léna a disparu... à la suite de son enterrement. ­Qu'est-il advenu de son corps ? Le Capitaine Frantz Karmon, le Commandant CD et son équipe se mobilisent pour élucider cette étrange et sordide affaire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 février 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342150728
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Soléna d'hier et d'aujourd'hui suivi de Le jour se lève à nouveau
Nadi Cade
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Soléna d'hier et d'aujourd'hui suivi de Le jour se lève à nouveau
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
Soléna d'hier et d'aujourd'hui
 
Sur le pont de la navette qui me menait vers l’île voisine, je regardais ces deux enfants qui jouaient. L’un blond, les cheveux ondulés, les yeux bleus, la peau hâlée par le soleil ; l’autre, la tête tressée, le regard noir, profond, brillant, le teint sombre comme le bois précieux de l’ébène.
Tous deux gesticulaient, chahutaient sous l’œil attendri de certains, froid et désintéressé des autres. Pour ma part, je fixais cette scène anodine mais chargée de sens en ces jours où tout le peuple semblait s’émouvoir de son passé en ces temps de commémoration de l’abolition de l’esclavage.
Face à moi se trouvait une femme sans âge qui observait, elle aussi, les deux garçons avec attention, comme si elle absorbait chaque détail de l’image qui se présentait à ses yeux. Alors que je la fixais ainsi, son regard se détourna vers le mien, plongea jusqu’au plus profond de moi. Un regard gris clair, perçant jusqu’à l’âme, qui contrastait tant avec l’immobilisme apparent de sa personne. Regard magnifique, troublant, qui semblait me parler et me révéler clairement ce que je ressentais en observant moi aussi quelques instants auparavant ces mêmes enfants.
Un troisième vint s’adjoindre au groupe déjà formé. Une petite fille au teint clair, les cheveux blonds frisés et nattés, les yeux pailletés de couleurs, les traits fins qui laissaient deviner l’origine d’un délicieux métissage.
Les trois enfants formaient leur petit monde, sans barrière. Seul le jeu importait. Était-ce parce que l’enfance les protégeait d’une réalité à laquelle ils ne tarderaient pas à être confrontés ? Ou bien était-ce là la véritable image de l’évolution de demain dans l’espace des Antilles ? Car Antillais, ils l’étaient tous les trois, sans aucun doute, chacun se fondant dans le jeu, sans l’ombre d’une quelconque retenue, due parfois à une différence de classe, marquée simplement par la distinction de couleur.
Je regardais à nouveau cette femme, qui avait désormais le regard vague, lointain, comme si elle s’était replongée dans un passé inaccessible, celui des gens d’antan. En la voyant ainsi, elle me rappela l’image que je m’étais faite de mon aïeule dont on racontait si souvent l’histoire dans notre famille. Celle d’une femme au destin tragique, comme tous ceux d’ailleurs qui sont arrivés ici contraints et forcés pour bâtir ce nouveau monde.
Peu avant les années 1800, la mère de mon aïeule vivait sur les terres d’un riche planteur. Elle était affectée au service de la maison. Son mari, qui travaillait aux champs, était reconnu comme l’un des meilleurs coupeurs de canne, mais aussi comme l’un des plus grands parleurs que cette terre ait porté. De ce fait, les relations avec le maître étaient souvent tendues, car il n’était pas d’usage qu’un nègre ait une telle facilité de langage, une telle arrogance et, semblait-il, aucune crainte de celui qui représentait la légitime autorité. Sa femme, elle, travaillant dans l’habitation, donnait toute satisfaction. Tant à la maîtresse qui la trouvait adroite, habile, et lui reconnaissait même une certaine intelligence, qu’au maître qui, après les conflits avec l’homme, éprouvait toujours un plaisir absolu à posséder ce que l’autre avait de plus cher au monde.
Cette vie de labeur, de sacrifices, d’outrages, révoltait Timon, même s’il savait que sa vie, comparativement à celle d’autres esclaves sur des plantations voisines, était moins dure. Pas de mauvais traitements sauf mérités, on laissait vivre les hommes avec leur femme et leurs enfants. Ici on ne séparait pas les familles. Mais il ressentait cependant toutes ces injustices comme si elles lui étaient infligées, à lui-même ou ses proches. Il avait besoin de crier sa révolte et ne pouvait se contenter de son état. Aussi, lorsque, en l’an 1793, on annonça que, suite à la grande Révolution du continent, les esclaves étaient déclarés libres, il décida avec Mirella d’aller tenter sa chance hors de ces terres maudites, hors des plantations, loin des maîtres. D’autres restèrent car il y avait du travail sur les terres. Mais pouvait-on percevoir ainsi un quelconque changement de condition ? Partir pour la ville et vivre enfin libre, même dans la misère. Mettre en application tous ces projets dont il était porteur et qu’on lui avait interdit d’exprimer jusqu’alors.
Bientôt ils se retrouvèrent avec ceux qui, comme eux, avaient voulu changer de vie. Regroupés, certes, dans les lieux les plus infâmes et les plus insalubres, ils s’organisèrent néanmoins en une nouvelle communauté, propageant des idées nouvelles, tirant exemple de ce qui se passait dans l’île sœur d’Haïti. Ils étaient parvenus à s’installer tant bien que mal et Mirella avait donné naissance à son premier enfant, un fils. Quelle joie d’enfanter dans un monde libre. Mais ce bonheur devait être de courte durée.
Des bruits, des histoires aussi ahurissantes les unes que les autres commençaient à se répandre. Ordre avait été donné par le nouveau maître du continent de rétablir sans aucun ménagement les conditions d’autrefois pour les nègres. Autrement dit l’esclavage. Dans les îles voisines, on racontait que des hommes en armes venaient de débarquer pour instaurer l’ordre et faire respecter ce commandement. Ici, à la Guadeloupe, ce n’était plus qu’une question d’heures.
Les hommes arrivèrent en effet, arrêtant, regroupant tous ceux qui n’avaient pas, à un moment ou à un autre, racheté leur liberté ou n’avaient pas été affranchis, comme ces quelques mulâtres qui, oh, comble de l’ironie, avaient parfois eux-mêmes de petites plantations.
Ces arrestations ne se firent pas sans effusions de sang, sans révoltes. À la tête de l’une d’elle, Timon décida de trouver refuge avec ses compagnons dans les mornes, comme d’autres, les nègres marron, l’avaient fait avant eux. Mais, ralentis par les blessés, leur groupe fut rattrapé, les uns arrêtés, les résistants tués. Timon fut l’un de ceux-là, laissant ainsi Mirella éplorée, avec son fils.
Tous deux furent conduits chez l’ancien maître, M. Dumonet, qui ne cacha pas sa satisfaction au retour de Mirella avec un enfant et à l’annonce de la mort du père de celui-ci. Dans sa bonté, il réintégra Mirella au service de la maison et lui laissa prendre soin de l’enfant qui n’aurait pas à aller aux champs, il était d’ailleurs encore bien jeune ; il pourrait s’occuper de quelque besogne aux côtés de sa mère en attendant l’âge de devenir un efficace domestique. Il prendrait exemple sur les autres déjà en place. Tout le monde savait que ces petits ont d’excellentes facultés d’imitation, tout comme les singes. Ce garçon serait sûrement une bonne affaire.
Le maître retrouvait Mirella, elle lui avait manqué, il devait bien se l’avouer. Il ne put résister à la tentation de la reprendre aussi souvent qu’il le désirait. Lorsque Mme Dumonet s’aperçut que Mirella était enceinte, elle ne crut pas un instant que c’était là la faute d’un quelconque esclave. Elle savait Mirella inconsolable de la perte de son Timon. À la naissance de l’enfant, dont le teint trahissait la liaison coupable, elle exigea la vente de Mirella et de sa progéniture. À contrecœur, mais désireux d’apaiser les tensions familiales, M. Dumonet s’en sépara, s’assurant qu’elle serait bien traitée et pourrait garder ses enfants à ses côtés. Aucun commentaire ne fut fait sur cette petite fille au teint clair, aux cheveux noirs presque lisses. Le nouveau maître savait que c’était là chose fréquente. Lui-même n’avait-il pas eu ainsi, il y a de cela quelques années, un fils dont il suivait de loin l’évolution ? M. Parqué regarda d’un œil presque attendri cette petite famille et l’emmena dans ses quartiers, portant lui-même la petite Soléna.
Dans les années qui suivirent, Mirella se fit à sa nouvelle existence. Son fils grandissait et son seul souci était qu’il ne devint pas comme son père : Un révolté dans l’âme, dont les idées le conduiraient à la mort. Elle avait trop souffert de la perte de Timon. D’autres femmes, comme elle, avaient perdu leur compagnon. Aussi, conscientes qu’aucune liberté ne leur serait octroyée en dehors de la volonté du maître, elles s’étaient remises à l’ouvrage, enfouissant leurs vains espoirs au plus profond de leur être. Les révoltés, qui tentaient de temps à autre leur chance, étaient rattrapés et châtiés sans pitié.
Cela allait du fouet, au marquage de la fleur de lys et oreilles coupées, jusqu’à l’amputation du jarret. Il en était ainsi de récidive en récidive, le dernier châtiment étant la mise à mort.
Peu de temps après son arrivée, Mirella avait assisté à l’une de ces horreurs. Léo ne pouvait plus courir, il ne semblait plus désormais que l’ombre de lui-même. L’homme qui avait tout espéré de la liberté se retrouvait diminué à jamais, sans plus aucun espoir de fuir. Le cœur de Mirella se serrait à sa vue et elle se disait que, oui, elle préférait savoir son Timon mort plutôt que réduit à cet état, corps meurtri sur lequel on lisait chaque tentative d’évasion.
Botan grandissait aux côtés de sa mère. Très vite, il avait été initié à l’entretien des chevaux par Tomba, vieil esclave de

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