Simples contes des collines
213 pages
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Simples contes des collines , livre ebook

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Description

Rudyard Kiping (1865-1936)



"Après le mariage, il se produit une réaction, tantôt forte, tantôt faible, mais il s’en produit une tôt ou tard, et il faut que chacun des conjoints suive la marée, s’il désire que le reste de la vie se passe au gré du courant.


Dans le cas des Cusack-Bremmil, cette réaction ne se produisit que la troisième année après le mariage.


Bremmil était difficile à mener, même quand tout marchait pour le mieux, mais ce fut un mari parfait jusqu’à ce que le petit enfant mourut et que mistress Bremmil se couvrit de noir, maigrit, et s’endeuilla comme si le fond de l’univers s’était dessoudé.


Peut-être Bremmil eût-il dû la consoler. Il essaya, je crois, de le faire, mais, plus il prodiguait les consolations à mistress Bremmil, plus elle se désolait, et par conséquent plus Bremmil se sentait malheureux.


Le fait est qu’ils avaient besoin d’un tonique. Et ils l’eurent.


Mistress Bremmil peut en rire aujourd’hui, mais à cette époque-là la chose n’avait rien de risible pour elle.


Voyez-vous, mistress Hauksbee apparut à l’horizon, et partout où elle paraissait, il y avait des chances d’orage. À Simla, on l’avait surnommée le pétrel des tempêtes."



Recueil de 18 histoires.


Quelques aspects de la vie dans l'Inde britannique , notamment à la station d'été de Simla.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 mars 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782384422081
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Simples contes des collines


Rudyard Kipling

Traduit de l’anglais par Albert Savine


Mars 2023
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-38442-208-1
Couverture : pastel de STEPH’
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 1206
Préface

Quand Rudyard Kipling, en 1888, publia à Calcutta la première édition des Simples Contes des Collines , il n’avait que vingt-quatre ans et son bagage littéraire se composait d’un seul livre, les Departmental Ditties ( Chansons administratives ), vers de circonstances et de société, qui avaient fait bien augurer de son avenir littéraire.
Né à Bombay en 1864, il était, comme on le sait, le fils de John Lockwood Kipling, directeur de l’école des Beaux-Arts de Lahore. Il avait été élevé en Angleterre dans le Devon du Nord et n’était revenu que six ans avant dans les Indes où il s’était associé, à titre de directeur-adjoint à la rédaction de la Lahore civil and military Gazette dont il fut un moment le correspondant et le représentant à Rajpaitana.
On se souvient encore à Simla du compte-rendu en vers qu’il inséra dans son journal lors de l’ouverture du Gaiety-Theatre.
On n’y a pas oublié le comique du jeu de miss Kipling, sa sœur, interprétant chez lady Roberts le rôle de la nourrice de Lucie de Lammermoor , mais au frère on n’a pas pardonné Mrs Hauksbee, Mrs Reiver et d’autres de ses portraits trop exacts qui abondent dans les Simples Contes .
À peu près ignorée chez nous, la station de Simla est l’une des villes des Indes anglaises les plus célèbres de l’autre côté de la Manche.
Édouard Buck a décrit, il y a deux ou trois ans, les vicissitudes de la fortune de Simla dans le passé et dans le présent.
Tout son district, les Collines, contreforts des Himalayas, est un cordon de sanatoria, véritable prise de possession par la civilisation européenne des montagnes qui dominent la plaine semée des ruines des temples resplendissants de l’ancienne civilisation hindoue.
Simla s’élève au point le plus pittoresque de ce paysage enchanteur. Capitale d’été et sanatorium le plus réputé, ce sont les séjours des vice-rois des Indes et de leur cortège de fonctionnaires qui ont fait la fortune de cette station.
Buck reproduit dans son ouvrage, d’après un dessin du temps, le Kennedy-House, origine du Simla actuel. C’était un banal cottage anglais, comme en bâtissent aujourd’hui par milliers pour deux cent cinquante à trois cents livres sterling les compagnies de constructions à bon marché qui exploitent la banlieue londonienne. À l’unique châlet de 1819, avaient succédé soixante maisons quand Jacquemont visita Simla. En 1881, il y en avait onze cent quarante et une et la population stable, la population hivernale, s’élevait à 13,200 habitants.
Les paysages de Simla étaient depuis longtemps célèbres avant même que le capitaine J.-P. Thomas fît graver un album des principaux sites de la région. L’automne y est superbe, et la saison des pluies seule s’y montre impitoyable (1) .
L’été, on menait une vie très joyeuse à Simla. On s’amusait beaucoup et le Delhi Sketch Book n’avait pas oublié d’illustrer d’un crayon malicieux le conseil salutaire : « N’allez jamais trop vite aux tournants de Jakko » ; Jakko, c’était, alors comme aujourd’hui, la grand’route qui contourne en bas de côte la montagne aux flancs boisés de déodoras, de cèdres, de chênes et de rhododendrons. Les tournants en sont un peu brusques et les couples de cavaliers grisés par les émotions du site, de la course, et des doux entretiens risquaient des surprises compromettantes, surtout dans un milieu désœuvré, jaseur et soupçonneux.
Le cadre des Simples Contes n’est pas très vaste, ont dit certains.
Oui, si l’on peut marquer des frontières à cette chose sans limites, le cœur humain.
C’était le monde anglo-indien, ce milieu de fonctionnaires nantis de riches appointements et de grasses sinécures qu’envient tous les jeunes fils d’Albion.
Jusque-là ce monde n’avait eu pour le peindre qu’une littérature floue et sans vie. Rudyard Kipling lui donnait le verbe.
Le monde anglo-indien se reconnut. Ce fut un scandale et un succès très grands.
Ceux qui se jugeaient malmenés parce que telle allusion pouvait évoquer leurs noms dans la pensée de leurs amis auraient préféré à coup sûr que Kipling se fût uniquement borné à des peintures de mœurs indigènes ou à des mises en scène de troupiers. Aussi il fallait les entendre regretter telle nouvelle, sans intérêt à leur gré, et célébrer le merveilleux talent déployé dans Les trois Mousquetaires ou Dans la Maison de Suddhoo .
La critique finit par s’en mêler.
Elle compara Kipling à Lever, ce qui était vraiment beaucoup d’honneur pour le vieil écrivain irlandais (2) et à Bret-Harte qu’elle lui préférait comme portraitiste féminin, ce qui est d’ailleurs fort juste, comme en jugeront bientôt les lecteurs de Maruja , mais elle ne se préoccupa guère de savoir si Kipling s’est soucié de faire des portraits.
Et en réalité il n’en avait point fait, pas plus qu’il ne s’était attardé à mettre en scène les hommes et les femmes des Collines avec leurs longues pipes en bois et leurs bizarres attitudes.
Kipling n’avait pas écrit un livre à clé, besogne plus ou moins facile de photographe. Il avait agi en artiste et en créateur ; la crème de la crème de l’Angleterre asiatique ne lui avait fourni que le mouvement général et la couleur de son œuvre, et voilà pourquoi elle peut nous intéresser, nous Français du XX e siècle, à qui ne pourraient plaire la caricature ou la photographie du high-life du Simla d’il y a vingt ans.

A LBERT S AVINE
Janvier 1906
Trois et... un extra

Quand les nœuds coulants au cou et aux jambes ont glissé, ce n’est pas avec des bâtons qu’il faut entrer en chasse mais avec la provende.
(P ROVERBE DU P UNJAB )

Après le mariage, il se produit une réaction, tantôt forte, tantôt faible, mais il s’en produit une tôt ou tard, et il faut que chacun des conjoints suive la marée, s’il désire que le reste de la vie se passe au gré du courant.
Dans le cas des Cusack-Bremmil, cette réaction ne se produisit que la troisième année après le mariage.
Bremmil était difficile à mener, même quand tout marchait pour le mieux, mais ce fut un mari parfait jusqu’à ce que le petit enfant mourut et que mistress Bremmil se couvrit de noir, maigrit, et s’endeuilla comme si le fond de l’univers s’était dessoudé.
Peut-être Bremmil eût-il dû la consoler. Il essaya, je crois, de le faire, mais, plus il prodiguait les consolations à mistress Bremmil, plus elle se désolait, et par conséquent plus Bremmil se sentait malheureux.
Le fait est qu’ils avaient besoin d’un tonique. Et ils l’eurent.
Mistress Bremmil peut en rire aujourd’hui, mais à cette époque-là la chose n’avait rien de risible pour elle.
Voyez-vous, mistress Hauksbee apparut à l’horizon, et partout où elle paraissait, il y avait des chances d’orage. À Simla, on l’avait surnommée le pétrel des tempêtes.
À ma connaissance, elle avait mérité cinq fois cette désignation.
C’était une petite femme brune, mince, décharnée même, avec de grands yeux mobiles, nuancés en bleu de violette, et les manières les plus douces du monde.
Il vous suffisait de prononcer son nom aux thés de l’après-midi pour que chacune des femmes qui se trouvaient présentes se redressât et déclarât que cette personne-là n’était point... une bénédiction.
Elle était intelligente, spirituelle, brillante, à un degré qu’atteignent rarement ses pareilles, mais elle était possédée par nombre de diables malicieux et méchants.
Elle était pourtant capable de gentillesse à l’occasion, même envers son propre sexe.
Mais cela, c’est toute une autre histoire.
Bremmil prit le large après la mort de l’enfant et le découragement complet qui en fut la suite, et mistress Hauksbee lui passa ses chaînes au cou.
Il ne lui plaisait aucunement de cacher ses prisonniers.
Elle l’enchaîna publiquement, elle s’arrangea en sorte que le public le vît.
Bremmil faisait des promenades à cheval avec elle, des promenades à pied avec elle ; il s’entretenait en tête-à-tête avec elle ; il déjeunait sur l’herbe avec elle ; il goûtait avec elle chez Peliti, si bien qu’à la fin les gens froncèrent le sourcil et s’en scandalisèrent.
Mistress Bremmil restait chez elle, tournant et retournant les vêtements de l’enfant défunt et pleurant sur le berceau vide. Elle était indifférente à tout le reste.
Mais quelques dames de ses amies, sept ou huit, très bonnes, pleines d’excellentes intentions, lui expliquèrent la situation bien en détail, de peur qu’elle n’en appréciât point tout le charme.
Mistress Bremmil les laissa dire tranquillement et les remercia de leurs bons offices.
Elle n’était pas aussi futée que mistress Hauksbee, mais elle n’était point une sotte.
Elle n’en fit qu’à sa tête. Elle ne dit pas un mot à Bremmil de ce qu’elle avait appris.
Cela vaut la peine d’être remarqué.
Parler à un mari, ou lui faire une scène de larmes, n’a jamais abouti à rien de bon.
Aux rares heures où Bremmil était à la maison, il se montrait plus affectueux que de coutume, et cela laissait voir son jeu. Il se contraignait à ces démonstrations, en partie pour apaiser sa propre conscience, en partie pour adoucir mistress Bremmil. Des deux côtés, il ne réussissait point.
Alors l’aide de camp de service reçut de Leurs Excellences lord et lady Lytton l’ordre d’inviter Mr et Mistress Cusack-Bremmil à Peterhoff pour le 26 juillet, à neuf heures et demie du soir. Au coin de l’invitation, à gauche, était inscrite cette mention : « On dansera. »
– Je n’irai pas, dit mistress Bremmil, il y a trop peu de temps que cette pauvre petite Florie... Mais il ne faut pas que cela vous retienne, Tom.
Elle disait bien ce qu’elle voulait dire alors.
Bremmil déclara qu’il se contenterait d’y faire une courte apparition. Sur ce point il disait ce qui n’était point, et mistress Bremmil le savait.
Elle devinait – une intuition de femme est toujours bien plus exacte qu’une certitude d’homme – qu’il avait eu, dès le premier moment,

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