Rêves où je meurt
158 pages
Français

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Rêves où je meurt , livre ebook

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Description

Cette histoire place dans son cœur un médecin-légiste qui affronte la mort au-delà de son métier. Une femme, l’amour de sa vie, succombe à une maladie, le laissant seul devant des questions dont personne ne connait les réponses, devant un vide sans émotion, devant une myriade de cadavres sans visage qui éveillent en lui une autre réalité, celle des cauchemars où il devient quelqu’un d’autre. L’autopsie de cette histoire d’amour, pleine d’humour et d’intimité, dévoile nos fragilités et la force de nos sentiments, qui nous sustentent et détruisent à la fois.





Lue et approuvée par Michel Sapanet, auteur des « Chroniques d’un médecin-légiste » et responsable de l’institut de médecine légale du CHU de Poitiers, cette œuvre vous offre une expérience transmissible seulement par le médium de la littérature, seulement en français, et seulement au vingt et unième siècle. Elle se fonde, entre autres, sur les postulats de la méta-narration, se donnant la contrainte de ne pas utiliser de noms propres pour désigner les personnages. Grâce à ce procédé, leurs histoires sont rapprochées, confondues à travers les émotions et les motivations qui les unissent.



C’est cette expérimentation littéraire qui définit une expérience nouvelle, un autre voyage qui célèbre l’amour et ses hypostases.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 août 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414475674
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194, avenue Président Wilson – 93210 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-47566-7

© Edilivre, 2020
PREFACE
Le livre que vous tenez entre les mains est une expérience romanesque qui ne serait possible qu’en littérature et qu’en français. Son intrigue s’origine dans le métier de légiste : une occupation passionnante dont on n’entend pas beaucoup à cause de, finalement, ses liens avec la mort. On l’évite donc jusqu’au moment où le besoin apparaît. C’est ainsi que l’auteure, encore adolescente, fait la rencontre avec cette profession – à travers le meurtre d’un membre de famille, à travers le moment de besoin qui la traumatise et dont elle sort plus forte. Fascinée par le savoir-être médico-légal, elle se met à élaborer, le nez dans les ouvrages médicaux, une œuvre qui sert d’extension à ce trauma et de fondation pour un roman d’amour.
L’expérimentation au cœur de ce roman consiste à mêler le fictif et le réel sous le prisme des ambiguïtés de la langue française, soit le genre grammatical du participe passé et son accord avec l’antécédent objet. L’autre moyen d’ambiguïser la narration se cache dans les codes d’écriture qui diversifient le texte, brisent le quatrième mur et mènent à un retournement final sans pareil.
Ces outils sont renforcés par l’absence totale de noms propres : un défi relevé pour mettre en relief les thèmes traités au travers des personnages du récit. Grâce à ce manque, la narration se hétérogénéise singulièrement, rendant le tout frais et unique. Tel était l’objectif initial de l’écrivaine – concevoir une histoire entre « lui » et « elle » qui pourrait être racontée seulement par le médium de littérature, seulement en français, et seulement au vingt et unième siècle.
C’est cette expérience littéraire qui offrira à tout lecteur une expérience nouvelle, un autre voyage qui célèbre l’amour et ses hypostases.
GM
Dédicace


À ceux qui m’ont inculqué la littérature telle qu’elle n’est pas.
3-1
La réalité glissait entre mes doigts, coulait tel le ciel hivernal par-dessus la Terre. Mon entourage et les objets du quotidien se mêlaient en une masse grise, mes pensées devenaient de moins en moins claires, et ce fait paraissait de plus en plus perceptible. Ma respiration – chaque inspiration et expiration – allait et venait, comme les vagues que l’on contemplait jadis. Agenouillé, sans ouvrir les yeux, je ne pouvais, enfin, que tout voir. La réminiscence du moment était sublime, tout à fait comme le bleu de ses pupilles et de chaque ineffable souvenir qu’elle me confiait grâce à ce regard plein de paix, de vécus, de promesses. Le temps, dont elle n’avait jamais eu peur, m’a privé de la personne que j’aimais, de sa voix, de son odeur, de sa façon de se vêtir et de se coiffer. Mais pas de son être, pas des souvenirs qui nous avaient créés, pas de ces trésors. Sa main, que je tenais depuis des heures, s’est refroidie. Sa peau fondait, ressemblait à la neige fraîche dans les paumes enfantines. Son âme se flétrissait devant celui qui l’aimerait pour toujours, dans le bien et le mal. Le silence nocturne a reconquis leurs esprits.
À ce crépuscule, les vagues ne venaient plus. Accrochée à la voûte céleste, la pleine lune brillait, luisait de sa triste lumière argentée. Elle était pure, et elle balayait tout sur son chemin telle une tornade dans un village côtier. Loin de ce manteau rayonnant, de rares étoiles scintillaient, déchiraient l’épais rideau d’une nuit imperméablement noire. Une sensation d’intimité saturait l’atmosphère. Le monde autour tombait en ruine. Le vide tremblait impatiemment, annonçant un doux sentiment d’adieu.
Il s’assit sur le bord du lit de mort où elle reposait. Elle, dont le corps gisait comme une statue froide, lui souriait. Il s’approcha de ce sourire si cher et précieux. Un dernier baiser – son dernier baiser – unit leurs lèvres, l’homme et la femme, le chaud et le froid, la vie et la mort. Ce fut tellement délicat et organique ; un flocon de neige survolait la terre d’hiver, glissait lentement à travers l’air glacial, se rapprochait de la blancheur tout-embrassante des champs sans frontières pour s’y fondre de toute éternité, près des cerisiers perdus dans les ténèbres.
Dans ce vide, les émotions se figent, et la neige ne tombe plus.
SON ENFANCE
I
Elle se rappelait facilement les discussions qu’elle avait eues avec son père : on les avait enregistrées sur un magnétophone et avait précieusement conservé les cassettes, comme des ressouvenirs gravés dans l’inconscience d’un être mourant. Ces enregistrements sur la pellicule magnétisée témoignaient de leurs sentiments d’une manière intemporelle. Les écouter, entendre les voix familières qui avaient définitivement cessé d’exister – c’était une révélation à chaque fois.
Le pêne à ressort produisait des craquements contre le plastique du boîtier, le haut-parleur monophonique grinçait, crissait, bourdonnait :
― Il y avait une fois… une femme ! Elle n’avait pas d’enfants. Un jour, elle visita une vieille sorcière… comment ça se dit… voilà. Il y avait une fois une femme. Non, elle n’avait pas d’enfants. Un jour, elle partit voir… vieille sorcière, et la vieille sorcière donna à la femme un petit grain. La vieille sorcière alors dit : « Ce petit grain n’est pas le même qu’on uteli… qu’on utili… qu’on utilise pour nourrir les poules, ce petit grain doit être planté. Plante-le dans un pot de fleurs, et après tu verras que… ce que ça donnera ». La femme plain… plin… planta ensuite le petit grain dans un pot et, tôt le matin, surgit une tulipe. La femme vu… la fem… la femme voulut embrasser les feuilles de la tulipe. Une fois ses lèvres touchèrent une feuille, quelque chose cliqua et toute la fleur s’effleura, et là, la Petite Poucette se reposait… Voilà, papa… Donc… Quand la Petite Poucette dormait… Papa ! Pourquoi sur ces boutons, qui sont sur le magnétophone, sont dessinés ces bizarres flè… les flèches. Pourquoi ces boutons sont là ? Avec deux triangles, avec beaucoup de bâtons, avec un petit carré et encore un petit carré, avec deux rectangles, et avec d’autres flèches, avec un tré… triangle, et un autre avec un petit rond qui n’est pas débout mais allongé ? Papa ! Tu m’entends ? Moi, je te souhaite bon anniversaire. Quand tu rentres enfin, on fêtera ton in… anniversaire ! Papa ! Voilà, écoute cette cassette, et tu sauras tout ! Voilà, ce matin j’ai rencontré mon chat, il est là maintenant, il dort sur le coussin ! Il me regarde maintenant, je l’ai réveillé avec mes histoires. Il a de beaux yeux, comme deux émerde… émraut… émeraudes !
Cette voix faisait renaître une imagerie dense. Là, elle se sentait aimée, elle était heureuse. Dans une poussette en polyester imperméable de couleur rouge, elle rentre du marché dominical. Derrière, dans les rayons du soleil, elle entend son père. Sur les genoux, dans ses petites paumes, elle tient un sac en plastique avec, dedans, des pommes de terre enveloppées dans de la terre noire. Dans les moments aléatoires de sa vie – à l’école, en cuisinant, dans la voiture, contemplant le paysage défiler, – elle se souvenait de l’odeur de la terre fraîche que ces patates du marché lui offraient. Cette poignée de souvenirs était à chérir, pour toujours, jusqu’au bout.
II
Il se rappelait lui aussi cette période enfantine, mais vaguement, abruptement. Ses réminiscences étaient incomplètes et fragmentaires, au point de mettre en doute leur vraisemblance. Cet aspect incertain et invérifiable de ses propres souvenirs s’amplifiait avec la mort des gens qui les avaient partagés.
En ce moment précis de sa vie consciente, seul un corpuscule de son enfance demeurait.
C’était le dernier jour scolaire avant les vacances de Noël. Nous avions été invités chez des amis que je ne connaissais pas. Ma grand-mère n’était pas encore arrivée. En l’attendant, je me suis installé sur la chaise haute ; à la table de fête, deux femmes m’entouraient. Elles se ressemblaient : toutes les deux avaient les cheveux châtains coiffés d’un ruban, les yeux bleus, un sourire doux et une complicité étonnante, comme si elles se connaissaient depuis des années. Elles parlaient du réchauffement climatique et de l’augmentation des émissions du gaz à effet de serre. Maman était à côté, elle terminait son repas, ses yeux tristes et particulièrement clairs fixaient le vide, comme si elle se transportait dans un autre endroit, un ailleurs plus intéressant.
Le salon était meublé avec goût : une table en bois rayée par le temps, des jolies chaises, des grands rideaux rouges et une cheminée où le feu craquelait, nous protégeait du froid impitoyable de l’extérieur. L’intérieur de cette pièce dégageait une odeur tenace, presqu’ineffable : de bois et de poussière. Les voix mélodieuses des femmes, fortes et graves des hommes, toutes engagées dans une conversation apparemment passionnante, s’entremêlaient et formaient une cacophonie. À ce moment-là, quelqu’un est entré, les épaules recouvertes de neige. C’était mamie !
J’ai joyeusement accouru vers elle et je l’ai fortement étreinte. J’ai senti le froid dont son long manteau noir était imprégné. Je frissonnais mais ce n’était pas grave. J’ai aperçu ses grands yeux, ses cheveux gris argent, ses oreilles rougies ; j’étais vraiment heureux de la voir. Les ténèbres qui envahissaient le seuil masquaient le reste de son visage. J’ai senti sa main ridée qui me caressait tendrement. Le manteau piquait comme un sapin. D’habitude, j’évitais d’y toucher, mais à cet instant-là, je m’en fichais. Elle a pris ma main, est entrée dans la chaleur du salon, et a enlevé son manteau. La lumière provenant de la cheminée a révélé les brûlures sur son corps : les jambes carbonisées, le torse roussi, les mains cramées luisaien

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