Retrouvailles
110 pages
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Retrouvailles , livre ebook

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Description

L'auteur nous offre dans ce recueil de vingt nouvelles, où le sentiment amoureux sert de fil conducteur, des portraits d'amants qui acquièrent une dimension de héros romantiques. Le style de l'écriture, qui s'inscrit dans la plus pure tradition classique et n'est pas sans rappeler quelques noms illustres, participe pour beaucoup au plaisir de la lecture. Décrits par touches quasi impressionnistes, les êtres qui peuplent ces pages nous invitent à les rejoindre dans leur intimité où l'amour devient ce rêve qui donne sens à la vie. « Il monte de la terre une odeur annonciatrice d'orage dont je me délecte. La lune est évidente comme un dessin d'enfant et sa clarté invite à la plus délicieuse des promenades nocturnes. Nous nous égarerons, si vous le voulez bien, dans le labyrinthe du jardin avant de rejoindre le chemin qui conduit à la mer. Je vous demande de rester près de moi le temps que durera ce voyage initiatique et de m'écouter. Après, et seulement après, vous déciderez entre vos chimères et ma gourmandise. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 février 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342048575
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Retrouvailles
Martine Gasnier
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Retrouvailles
 
 
 
La vie est un sommeil,
L’amour en est le rêve,
Et vous aurez vécu
Si vous avez aimé.
 
Alfred de Musset
 
 
 
Un amour italien
 
 
 
L’homme était arrivé au village un jour de décembre. Le ciel tourmenté laissait pleuvoir un mélange fondant qui s’écrasait sur le sol gelé. Le vent rendait difficile la marche, sa violence faisait suffoquer et brouillait le regard. L’étranger tenait serré contre lui son trop large manteau sous lequel s’engouffrait un air glacial. Ses cheveux gris ébouriffés par la tempête formaient, autour de sa tête, un étrange halo. Il devenait un personnage de légende, une sorte d’enchanteur aux prises avec les éléments qui luttait pour triompher d’on ne sait quel démon. Il s’arrêta sur la place de l’église. Le sapin de Noël avait été dressé ; comme tous les ans, de faux cadeaux se balançaient au bout des branches, enveloppés de papier brillant, ils constituaient un véritable leurre qui attisait encore la convoitise de tous les innocents. Après quelque hésitation, l’homme poussa la porte du café aux vitres embuées et se dirigea vers la seule table demeurée libre. La salle retentissait des voix d’habitués venus là pour oublier le temps et se réchauffer auprès de vieux compagnons, grands buveurs de l’incon­tournable pastis qui, avec le ballon de muscadet, font la fortune de ces bistrots de campagne où l’on parle de la vie que l’on connaît, celle qui cabosse et qui, avec l’alcool pour com­plice, violace le teint et rend confuse la pensée. L’arrivée de l’inconnu troubla les conversations qui se turent un court moment avant de reprendre de plus belle. Lui, commanda discrètement un café au patron qui se penchait vers lui en le regardant avec insistance. Puis il sortit de sa poche, un cahier à la couverture noire et passée et s’absorba dans une lecture qu’il interrompait parfois pour contempler la rue sinistre. Sur le trottoir d’en face, l’épicerie avait baissé son rideau de fer. Il se souvint alors que ce jour-là s’appelait dimanche et que son désespoir le savait depuis toujours. Le cafetier revint et déposa devant lui une tasse et un verre d’eau en murmurant, interroga­teur, un prénom. L’homme pâlit et acquiesça très vite comme pour se débarrasser d’un fardeau. Il s’appelait Paolo et n’avait rien oublié. Il but son café en continuant de lire puis il referma le cahier, le rangea et sortit. Lorsqu’il eut refermé la porte, on s’interrogea sur son identité, le patron parla d’un jeune italien prénommé Paolo.
 
Cet été-là, on avait célébré le mariage du châtelain avec une jeune fille de la bourgeoisie locale, occasion pour celle-ci de prendre sa revanche : la famille de l’époux qui, depuis des lustres, cultivait l’oisiveté était ruinée, celle de l’épousée, âpre au gain et sans panache possédait une solide fortune. On fêta l’évé­nement avec toute la pompe nécessaire. Dans le parc du château on dressa de longues tables recouvertes de draps blancs. Des bouquets de fleurs aux tons pastel dégageaient un parfum doux et un peu triste. Dans les coupes alignées, le champagne menaçait de devenir imbuvable et les petits fours transpiraient. Les invités s’attardaient auprès des jeunes époux les comblant de vœux de bonheur peut-être déjà illusoires. Lui, s’inclinait devant les dames, elle, souriait aux messieurs avec ce qu’il fallait de retenue pour demeurer convenable. Lorsque enfin le premier toast fut porté, l’atmosphère se détendit, des petits groupes se formèrent et l’on se mit à bavarder. Personne ne remarqua qu’un homme seul se tenait à l’écart ; oublieux de l’assistance, il suivait des yeux la mariée. De taille moyenne, le teint mat et le regard sombre, il était vêtu d’un costume de toile de lin écru, tel qu’en portent les acteurs, héros douteux de films noirs où les méchants portent beau. À sa boutonnière, un œillet rouge provocateur faisait comme une tache de sang. Il était, au milieu d’une assemblée convenue, l’intrus qui dérange. C’est en vou­lant s’assurer qu’elle avait salué chacun que la jeune femme découvrit sa présence. Elle pâlit, hésita et finalement lui tendit une main tremblante. Il la prit avec une hâte fébrile et tenta de la conserver le plus longtemps possible. Ce fut elle qui mit fin à l’étreinte avec délicatesse et les yeux remplis de larmes qu’elle se devait de refouler. Quand l’homme s’éloigna, la mariée reprit son rôle et la fête continua.
 
Lorsque l’automne arriva, on avait oublié les festivités du mariage. La jeune châtelaine menait l’existence désœuvrée propre à sa nouvelle condition. On murmurait qu’elle était devenue lointaine et la vieille servante disait que Madame parta­geait son temps entre les promenades solitaires dans le parc et de longs moments dans la bibliothèque où elle écrivait, sur un cahier noir, des lettres qu’elle signait de son seul prénom « Françoise ». Son mari se livrait tout entier à la passion de chasser. Elle avait refusé de l’accompagner préférant, disait-elle, la sérénité du foyer au froid de la mort. Les jours de grisaille se succédaient, à peine éclairés parfois par un soleil blafard qui perçait un nuage plus léger que les autres et la jeune femme s’enfonçait dans la nuit, silencieuse et douce. Seul Noël apporta quelque agitation au château. Le garde forestier livra le sapin que l’on dressa dans le grand salon et Françoise fut chargée de le décorer selon la tradition familiale contenue dans une boîte en carton. Des guirlandes un peu déplumées, des boules à l’éclat terni, avec des bougies à demi consumées, formaient un ensemble défraîchi qui parait l’arbre d’un air lugubre, à peine atténué par l’odeur de résine qui embaumait la pièce. Les personnages de la crèche avaient, eux aussi, subi les outrages du temps. L’enfant Jésus, lui-même, avait perdu sa fraîcheur. Sur un maigre lit de paille, son corps de cire jauni, entouré d’un bandage souillé, engendrait un sentiment de compassion qui interdisait que l’on se réjouît de la divine naissance. Françoise s’était acquittée de sa mission, résignée aux mesures d’économie qui régissaient chaque détail de la vie au château. Seul le réveillon autorisait quelques dépenses dont le maître des lieux se plaisait à souligner le caractère exceptionnel. Huîtres et grands crus faisaient l’objet de toutes les attentions et, pour séduire les invités, on allumait le chauffage. Ainsi les cheminées, ce soir-là, n’avaient qu’un rôle somptuaire. On pouvait s’émerveiller de la qualité des bûches et de la danse des hautes flammes d’or sans redouter d’avoir à s’en éloigner. Les convives formaient un tableau d’où toute fantaisie était bannie. Les femmes, en jupe plissée et chemisier à col Claudine, un collier de perles comme gage de leur respectabilité, ressemblaient à de vieilles collé­giennes. Elles étaient flanquées d’hommes longilignes qui affichaient des lavallières douteuses et parlaient de leurs ancêtres. La jeune maîtresse des lieux avait miraculeusement échappé à l’uniformité. Vêtue d’une robe courte et moulante, les jambes gainées de collants en dentelle de cette même couleur qui symbolise à la fois le deuil et la débauche, elle portait en sautoir un bijou rouge sang, signé d’un nom pres­tigieux qui donnait au plastique ses lettres de noblesse. Les hommes ne pouvaient s’interdire de la trouver ravissante et leurs épouses d’échanger des regards complices sur ce qu’elles considéraient comme une provocation. Ainsi passa la fête de la Nativité, dans une sorte de muet affrontement entre deux univers qu’une mésalliance obligeait à se rencontrer. Consciente qu’elle en était la cause, Françoise ne semblait pas en souffrir pour autant. Elle attendait avec une sérénité teintée d’indiffé­rence, de retrouver une solitude qui, de jour en jour, lui devenait plus chère. Son cahier l’attendait, désormais elle lui consacrait tous ses après-midi. Les pages se couvraient d’une écriture appliquée d’où les ratures étaient absentes comme si l’auteur avait refusé tout repentir et, lorsque le manuscrit fut terminé, il avait l’apparence d’un devoir accompli par une élève studieuse qui le rangea avec précaution dans ce qu’elle avait nommé sa malle à papiers. Si elle n’abandonna pas le refuge que repré­sentait pour elle la bibliothèque, Françoise y lisait maintenant plus qu’elle n’y écrivait. Il semblait que l’inspiration l’eût quittée, à moins que la vie n’ait eu raison de ses rêves.
Les saisons s’étaient succédé et le château, peu à peu, s’était refermé sur celle qui était devenue, au fil du temps, une com­tesse au sourire triste et aux yeux remplis d’une lumière un peu voilée pareille à celle dont les cieux, certains jours d’arrière-saison, gratifient la terre. Les arbres flamboient sous ses caresses mais l’air est chargé de la nostalgie de l’été perdu et l’on n’échappe pas à la tristesse.
Par un jour de novembre où la tempête martyrisait les grands arbres du parc, Françoise ouvrit la malle où reposait le cahier noir ; elle le prit avec des gestes quasi religieux et, sans l’ouvrir pour ne pas violer le secret qu’il contenait, l’empaqueta. Puis elle se rendit au bureau de poste du village et, sous l’œil inquisiteur de quelques vieux venus toucher leur maigre retraite, elle confia son bien à la guichetière déférente.
 
Ce matin-là, le soleil romain encore tiède éclairait la ville qui oubliait peu à peu l’incandescence estivale. Paolo se dirigeait vers son bureau en musardant. Il aimait la douceur de cette saison et retardait le momen

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